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d'un auteur âgé seulement de dix-sept ans, comme l'était alors la jeune fille qui écrivit St. Ursula's Convent. Cette œuvre ne fut pas imprimée tout d'abord, certaines circonstances en ayant retardé jusqu'ici la publication. Un généreux encouragement l'engagera peut-être à tenter de nouveaux efforts, quand son jugement aura mûri et son goût se sera perfectionné par l'expérience.

"C'est dans la délicieuse vallée de Cornwallis, justement appelée le jardin de la Nouvelle-Ecosse, que cet ouvrage fut commencé. Il fut continué dans le Nouveau-Brunswick; mais le sujet avait été suggéré à l'auteur pendant un séjour dans les Canadas.

"L'auteur doit beaucoup de reconnaissance aux amis qu'il compte dans ces diverses provinces. Ils l'ont engagé à poursuivre ce travail; et maintenant lui donnent l'aide que nécessite sa publication.

"Notre pays se fait connaître petit à petit ; nos ressources naturelles sont considérables; notre population augmente; et le temps viendra peutêtre où l'Amérique britannique sera aussi bien connue dans la poésie ou l'histoire qu'aucun royaume de l'Europe; mais pour atteindre cette grandeur, elle doit favoriser le talent indigène dans ses plus humbles efforts.

"L'auteur n'a nullement la prétention de croire que cette production juvénile puisse ajouter quelque lustre au pays; mais l'encouragement qu'un public généreux accordera à une œuvre de cette nature peut en susciter d'autres d'un mérite réel et intrinsèque.

"L'époque à laquelle se rattache cette histoire est une époque mémorable, et ne saurait manquer d'intérêt pour bien des familles, qui, comme l'auteur, retracent leur origine d'une manière analogue à celle des principaux personnages de ce récit.

"Il peut aussi être agréable à nos lecteurs, au moins dans ces provinces, d'apprendre que la mère Sainte-Catherine n'est pas un personnage purement imaginaire, mais qu'au contraire elle a réellement vécu au Canada, et que même le nom de sa fille a été conservé. Comment donc le patriote canadien pourrait-il refuser un accueil sympathique à l'un des siens? Loin de là, on a droit d'espérer que celui qui aime son pays, accueillera The Nun of Canada avec cette hospitalité et cette bienveillance qui lui sont naturelles.

"L'auteur s'adresse avec respect et confiance aux critiques de la mère-patrie, comptant sur leur bienveillance-dans le cas où cette production essentiellement indigène traverserait l'Atlantique-pour qu'ils regardent d'un œil indulgent l'inculte étranger, tout dépourvu qu'il est de l'élégance et du raffinement qui caractérisent le pays de nos ancêtres. "Kingston (H.-C.), 1er mars 1824."

Voici ce que disait le premier numéro du Canadian Review and Literary and Historical Journal: 1

1 Juillet 1824.-Publié à Montréal par H. H. Cunningham, no 38, rue Saint-Paul; E. V. Sparhawk, imprimeur.

Si cet ouvrage n'eût été le premier roman canadien publié au pays, nous admettons franchement qu'aucun motif n'aurait pu nous induire à insérer son titre dans les pages de notre revue.

Les petits volumes que nous avons devant nous nous sont représentés comme étant partiellement composés de "scènes de la vie réelle"; et, sur ce point, l'auteur partage nos vues quant aux débuts à faire dans la composition littéraire ; mais ces scènes de la vie réelle" sont apparemment si peu nombreuses et si totalement dépourvues de naturel, que leur effet sur le lecteur se trouve entièrement perdu. . .

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Quant à ce qui regarde plus spécialement les volumes soumis à notre examen, nous sommes tout à fait disposé à les recevoir avec cordialité et respect. Ils contiennent, comme on l'a déjà dit, le premier roman que le Canada ait jamais produit, et la première offrande faite au sanctuaire de l'opinion publique, par une femme qui, dit-on, n'avait que dix-sept ans, lorsqu'elle composa cette œuvre : deux circonstances par elles-mêmes suffisantes, dans notre opinion, pour leur donner une place intéressante dans l'estime des lecteurs canadiens, quelque défaut de talent et d'exécution qu'on y remarque. . . .

C'est seulement à la faveur de ces considérations que nous sollicitons la bienveillance de nos lecteurs envers le petit ouvrage dont nous nous occupons présentement, quoiqu'il nous arrive enveloppé de langes, dont nous craignons fort qu'il ne puisse se débarrasser complètement, même avec l'âge. Nous regrettons de n'avoir ni le talent, ni l'espace nécessaire, pour donner à nos lecteurs une esquisse de l'histoire de la "Religieuse canadienne". L'intrigue est de beaucoup trop compliquée dans ses détails et est pitoyablement dépourvue de cette simplicité qui amène agréablement le lecteur à mieux comprendre les rouages à l'aide desquels se déroule l'action dans un récit. Le fait est que les événements qui font le sujet de ce roman peuvent également bien se rencontrer dans n'importe quel registre paroissial tant soit peu bien tenu; car le livre ne se compose que de ces faits, invariablement les mêmes qui accompagnent les naissances, mariages et sépultures dans les classes supérieures et chez quelques membres des classes moins élevées. . . .

Bien que nous ayons dit que la manière dont les détails de cette histoire sont agencés, manque de simplicité, cependant nous n'hésitons pas à admettre que le langage dont l'auteur se sert est distingué, tant par sa simplicité que par son élégance d'expression, et ne contient ni ornements trompeurs ni splendeur affectée. S'il accuse parfois une élégance quelque peu étudiée, il faut l'attribuer à la précision presque uniforme de toutes ses périodes. Pour être juste, cependant, envers notre jeune et aimable "inconnue ", nous devons avouer que, pour avoir adopté cette concision de style, elle n'est pas toutefois tombée dans l'obscurité, ce qui arrive trop souvent aux écrivains qui affectent la brièveté dans l'expression. Il est vrai que ses phrases ne sont pas toujours aussi bien nourries et aussi claires que nous l'aurions désiré ; et en certains cas elle accuse même de la négligence-pour ne pas dire de l'ignorance-des égards dus à la grammaire. Assez souvent elle se permet une répétition de mots, dans une phrase pourtant courte; et quoiqu'on ne puisse toujours éviter pareil défaut et que même parfois la répétition contribue à la beauté et à l'énergie du style, on ne doit pas en faire un usage arbitraire. Elle a de même quelques expressions favorites qui reviennent maintes fois dans le cours de son ouvrage : "affaires sublunaires", "inondant des bienfaits les plus précieux", "les faveurs les plus recherchées", "expectative haletante", etc. Toutes ces expressions, quoique employées à propos et en leur place, manquent d'agrément pour être trop souvent amenées sur le tapis. . .

Il est regrettable que l'aimable écrivain ne se soit donné un champ plus vaste. Cependant, pour parler avec franchise et sincérité-omnia non possumus omnes— quand on réfléchit au peu d'espace-deux petits volumes in-12-auquel il a astreint les opérations d'un talent qui ne faisait que commencer à s'épanouir, nous ne pouvons qu'être surpris qu'il ait réussi à faire aussi bien qu'il a fait. A tout prendre, son talent d'expédition est admirable; mais c'est surtout dans les descriptions et les peintures de moeurs qu'il se montre avec le plus d'avantage.

Quoique la critique, si elle entendait être rigoureuse, pût soulever de nombreuses objections contre cet ouvrage, une vérité reste cependant claire, en dépit de la critique, c'est qu'il a droit au respect, surtout pour les sentiments libéraux, éclairés et philanthropiques qu'il énonce et les idées pures et exaltées de morale et de religion qui y sont suggérées. Par l'exemple de Catherine, la bonne religieuse, nous apprenons à nous soumettre à la volonté du ciel, à accepter les dispositions de la Providence, et à compter fermement sur l'aide et la protection du Tout-Puissant. Par son exemple, nous nous sentons animés de cette force et de cette patience, qui distinguent éminemment de la sagesse tant vantée du stoïcien, la véritable philosophie chrétienne. Nous trouvons justes les voies de Dieu à notre égard, et la mort perd sa terreur. Telle est la doctrine vers laquelle nous porte la conduite de la vertueuse Catherine, l'héroïne de ce roman.

L'extrait suivant est du Canadian Magazine and Literary Repository.' D'après le titre de ce petit ouvrage, le lecteur curieux s'attend qu'on va lui laisser entrevoir les arcanes de ces monastères religieux, sur lesquels on connaît. peu de chose d'une manière exacte. . . . Le lecteur, cependant, qui s'attend d'augmenter ses connaissances sur les institutions monastiques par la lecture de St. Ursula's Convent or the Nun of Canada, sera désappointé. . .

Un égal désappointement attend le lecteur qui espère apprendre quelque chose de la vie que mène la Religieuse du Canada. Celle-ci, l'un des principaux personnages (car, dans cet ouvrage, il y en a plusieurs qui peuvent se prévaloir de cette distinction) prend le voile, avec la conviction que tous les membres de sa famille sont morts; et après avoir constaté son erreur, elle retourne auprès d'eux. Pendant le temps qu'elle demeure au couvent, elle raconte à une jeune fille tous les détails de sa vie passée; mais ne fait pas une allusion à sa vie de religieuse. . .

Ces deux petits volumes, dont l'un de 101 pages et l'autre de 132, imprimés en caractère assez gros, sur du papier grossier, et dont le prix est extravagant, contiennent une masse de détails, qui sont tous empruntés à d'autres ouvrages d'imagination, et cela en plus grand nombre que dans aucun autre ouvrage de pareille dimension, que nous ayons jamais rencontré. . .

Nous ne pouvons essayer de donner un résumé de cette histoire de St. Ursula's Convent. Il y a tant d'intrigues et de sous-intrigues dans tout cela, que les explications qui seraient nécessaires pour en donner une idée exacte, seraient aussi volumineuses que l'ouvrage lui-même. Les événements tombent si drus sur nous; bien plus, ils se présentent en double, car on y trouve deux enfants échangés l'un pour l'autre, deux tempêtes sur mer, deux vieilles (pardon, mesdames,) deux eunes bonnes d'enfants qui abusent de la confiance de leurs maîtres; une dame qui, pensant qu'elle a perdu toute sa famille, se réfugie dans un monastère, sort ensuite du sombre asile et retourne vers son mari et ses enfants; quelques scènes de la vie aristocratique en Angleterre, assez mal décrites, il est vrai; une confession de vieux moine vicieux sur son lit de mort; le danger que court une jeune fille de se marier avec son frère; et, en fin de compte, le tout se termine par trois ou quatre mariages, nous ne nous rappelons pas au juste le nombre.

1 Volume II, n° xii, mai 1824, Montréal.

Mais, malgré ce que nous venons de dire, ce petit ouvrage n'est pas entièrement dénué d'intérêt pour un lecteur canadien. La scène se passe au Canada, la plupart du temps; les événements sont supposés arriver à l'époque où l'Angleterre devenait maîtresse de ce pays et il y a dans tout cela une couleur locale qui lui donne de l'attrait. En quelques endroits les descriptions sont bien faites et les scènes vivement coloriées des reflets du soleil couchant, des splendeurs du midi, etc., etc., et en général le style est acceptable. Quant à l'utilité de l'œuvre, nous n'en pouvons rien dire.

Comme on a pu le remarquer, le nom de l'auteur de ce roman n'apparaît nulle part, ni dans l'ouvrage lui-même, ni dans les critiques qui en furent faites. Aucune bibliographie ne parle de cette publication, qui semble à peu près inconnue, et encore moins de son auteur. Rich, Faribault, Bibaud, Morgan, n'ont même pas connu l'existence de cet ouvrage. Il n'y a que MacFarlane, dans sa New Brunswick Bibliography, publiée en 1895, qui nous fournisse quelques courtes notes sur cet ouvrage.

Un hasard nous permet aujourd'hui de dissiper le mystère qui entourait cette œuvre et surtout son auteur. Il nous est même donné de pouvoir produire le portrait de ce dernier, ainsi que des fac-similés des titres de ses livres.

Cette publication, qui est d'une grande rareté, est certainement l'un des premiers ouvrages de quelque importance imprimés dans le HautCanada, et peut être considéré comme le premier roman canadien dû à une plume canadienne et imprimé dans notre pays.

Il fut écrit par Julia Catharine Beckwith, alors qu'elle n'avait encore que dix-sept ans. Julia C. Beckwith naquit à Fredericton (NouveauBrunswick), le 10 mars 1796. Elle est la fille de Nehemiah Beckwith,'

1 Nehemiah Beckwith, père de notre auteur, était originaire du Connecticut, et appartenait à une famille d'armateurs et de constructeurs de navires. Son ancêtre, Mathew Beckwith, venu de Yorkshire, en Angleterre, vers 1635, fut celui qui construisit le premier vaisseau lancé à New-London (Connecticut).

Nehemiah arriva au Nouveau-Brunswick avant 1780 et fut par conséquent l'un des pionniers de cette province. Les archives du comté de Sunbury nous apprennent que, le 16 décembre 1780, Joseph Dunphy de Maugerville vendit à Nehemiah Beckwith "late of Cornwallis but now of Maugerville", la moitié du lot 78, pour la somme de 100 louis.

Beckwith était un homme actif et entreprenant. D'après les quelques renseignements que nous avons sur son compte, il aurait été le premier à tenter l'établissement de communications régulières par eau entre Saint-Jean et Fredericton et aurait construit à cet effet, en 1784, un vaisseau qui devait faire le trajet entre Parrtown et Sainte-Anne. Un peu plus tard, à Mauger Island, il aurait construit un grand navire appelé le Lord Sheffield, qu'il vendit, dit-on, encore inachevé, en 1786, à Benedict Arnold. On rapporte que grâce à un certain stratagème auquel eut recours Arnold, Beckwith se serait alors trouvé ruiné par ce marché, Cependant, quelques années plus tard, Beckwith avait réussi à refaire ses finances et jouissait d'un bon crédit auprès de ses concitoyens de Fredericton.

De son mariage avec Julie-Louise LeBrun, fille de Jean-Baptiste, qui eut lieu vers 1794, il eut plusieurs enfants qui, pour la plupart, firent leur marque, chacun dans sa sphère:

10 Julia Catharine, notre auteur;

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