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il s'était arrêté à Varsovie pour conférer avec les principaux ministres polonais 1.

Le 14, en passant par Dresde, il avait eu une entrevue avec le roi de Saxe, chez M. de Serra, alors ministre de France à Dresde. Pendant ce moment de repos, le duc de Vicence avait expédié un courrier, porteur d'une lettre de l'empe

>> compte que vous réussirez à persuader au roi de Naples

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qu'il peut faire prendre une face nouvelle à la retraite. » Dites-lui que le salut de l'armée est là, dites-lui que je >> compte sur lui. » ( Histoire de l'expédition de Russie, par M. *, tom, 11, pag. 357.)

***

I Voici comment un témoin oculaire raconte le passage de l'empereur à Varsovie. C'est M. l'abbé de Pradt, alors notre ambassadeur en Pologne, qui parle :

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« Les portes de mon appartement s'ouvrent et donnent » passage à un grand homme qui marchait appuyé sur un » de mes secrétaires. « Allons, venez, suivez-moi >>> me >> dit ce fantôme. Un taffetas noir enveloppait sa tête, son >> visage était comme perdu dans l'épaisseur de la fourrure » où il était enfoncé, sa démarche était appesantie par un » double rempart de bottes fourrées. C'était une espèce de >> revenant. Je me lève, je l'aborde, et, saisissant quelques >> traits de son profil, je le reconnais et lui dis : « Ah! >> c'est vous, Caulaincourt! où est l'empereur? - A l'hôtel » d'Angleterre. Allons, marchons, l'empereur vous at» tend. » — Je me précipite dans la cour, dans la rue, » j'arrive à l'hôtel d'Angleterre. Il était une heure et de» mie.............. Je trouve dans la cour une petite caisse de voi>>ture sur un traîneau fait dequatre morceaux de bois de

reur, à Vienne, et diverses dépêches pour Wilna, Varsovie et Berlin. A Erfurt, Napoléon avait

>> sapin il était à moitié fracassé!.... La porte d'une » petite salle basse s'ouvre mystérieusement. Rustan me >> reconnaît et m'introduit. L'empereur, comme à l'ordi» naire, se promenait dans la chambre. Je le trouvai en>>veloppé d'une superbe pelisse, recouverte d'une étoffe » verte, avec de magnifiques brandebourgs en or. Sa tête » était recouverte d'une espèce de capuchon fourré, et ses >> bottes de cuir étaient enveloppées de fourrures........... En >> me congédiant, il me commanda de lui amener après son » dîner le comte Stanislas Potocki et le ministre des fi»nances.... Après avoir donné aux ministres polonais » l'assurance de sa protection, et les avoir engagés à » prendre courage, il remonta dans l'humble traîneau qui >> portait César et sa fortune, et disparut ! » (Histoire de l'ambassade de Pologne, pag. 207 et suiv.)

Lettre de l'empereur Napoléon,

A l'empereur d'Autriche.

Dresde, le 14 décembre 1812.

Monsieur mon frère et très-cher beau-père.

Je m'arrête un moment à Dresde pour écrire à votre majesté, et lui donner de mes nouvelles. Malgré d'aussi grandes fatigues, ma santé n'a jamais été meilleure. Je suis parti le 5 de ce mois, après la bataille de la Bérésina, de Lithuanie, laissant la grande armée sous les ordres du roi de Naples, le prince de Neufchâtel continuant à faire les fonctions de major général. Je serai dans quatre jours à

trouvé M. de Saint-Aignan, son ministre à Weimar, il lui avait dicté des lettres pour nos différens ministres près les cours de la confédération du Rhin, et divers ordres pour nos principaux commandans militaires en Allemagne. Quittant son traîneau, il avait achevé la route dans une

Paris j'y resterai les mois d'hiver pour vaquer aux affaires · les plus importantes. Peut-être votre majesté jugera-t-elle utile d'y envoyer quelqu'un en l'absence de son ambassadeur dont la présence est utile aux armées.

Les différens bulletins que le duc de Basssno n'aura pas manqué d'envoyer au comte Otto auront instruit votre majesté de la marche des affaires. Il serait important, dans ces circonstances, que votre majesté rendît mobile un corps de Galicie et de Transylvanie, en portant ainsi vos forces entières à soixante mille hommes. J'ai une pleine confiance dans les sentimens de votre majesté. L'alliance que nous avons contractée forme un système permanent dont nos peuples doivent retirer de si grands avantages, que je pense que votre majesté fera tout ce qu'elle m'a promis à Dresde pour assurer le triomphe de la cause commune, et nous conduire promptement à une paix convenable.

Elle peut être persuadée que, de mon côté, elle me trouvera toujours prêt à faire tout ce qui pourra lui être agréable, à la convaincre de l'importance que j'attache à nos relations actuelles, et lui donner des preuves de la plus parfaite estime et haute considération avec laquelle je suis, de votre majesté, le bon frère et beau-fils.

Signe, NAPOLÉON.

voiture de M. de Saint-Aignan, et le 18, à onze heures du soir, il était aux Tuileries '.

Le grand-maréchal Duroc et le comte de Lobau, partis de Smorghoni quelques heures après, n'arrivent que le surlendemain; la voiture du cabinet n'arrive que trois jours après. Le duc

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1 C'est encore un témoin oculaire qui nous fait en ces termes le récit de l'entrée de l'empereur dans sa maison, à son arrivée de Moscou. « Il avait écrit plusieurs fois à l'im» pératrice, mais sans lui annoncer son retour ; il arriva >> sans être attendu. Marie-Louise, triste et souffrante depuis quelque temps, venait de se mettre au lit. La femme » de chambre, qui couchait dans la pièce voisine, se disposait à en faire autant, et à fermer toutes les portes, quand elle entendit plusieurs voix dans le salon qui pré» cédait. Au même instant la porte s'ouvre, et elle voit >> entrer deux hommes couverts de grands manteaux fourrés. » Elle se précipite vers la porte qui conduit à la chambre » de l'impératrice pour en barrer l'entrée, quand, un des » deux ayant écarté son manteau, elle reconnut l'empereur. Un cri qu'elle jeta avertit l'impératrice qu'il se pas»sait quelque chose d'extraordinaire dans la chambre voi» sine, et elle allait sauter hors de son lit, quand son mari » la serra dans ses bras. L'entrevue fut tendre et affectueuse. » Le compagnon de l'empereur était M. de Caulain» court, avec qui il était arrivé dans une mauvaise calè» che, ils avaient eu beaucoup de peine à se faire ouvrir >> les portes du palais. » (Souvenirs de madame Durand, l'une des premières femmes de Marie-Louise, pag. 173.)

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Dans cette voiture étaient les secrétaires Fain et Mounier,

de Bassano, ministre des affaires étrangères, et le comte Daru, ministre secrétaire d'état, reviennent à Paris à des intervalles encore plus éloignés.

L'empereur ne donne que quelques heures à sa famille. Moins heureux que le dernier de ses officiers, le sommeil ne l'attend pas sous le toit de sa maison; ce n'est jamais qu'une fatigue qui le délasse d'une autre, et désormais l'assiduité du cabinet va succéder à l'activité des camps.

La nouvelle de son retour a reveillé les ministres chacun aussitôt a rempli son portefeuille; partout une impulsion électrique se communique de proche en proche, et la marche régulière du travail fait place à l'élan du zèle le plus vif et le plus empressé.

Le 19, dès neuf heures du matin, l'empereur est au lever; ses ministres et tous les officiers de sa maison l'entourent. Il travaille ensuite avec le duc de Feltre et le comte de Cessac, fait appeler le conseiller d'état Gassendi, ainsi que le

l'ingénieur géographe Bacler d'Albe, et le chirurgien ordinaire Yvan.

'L'empereur à son arrivée reçut les officiers de sa maison. Il se présenta à nous avec un air de tristesse. Arrivé à M. de Beauvau, dont le fils, encore enfant, était parti pour cette campagne, Napoléon lui dit : « Votre fils s'est » conduit à merveille : il a fait honneur à son nom : il est

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