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CHAPITRE III.

PREMIERS TRAVAUX DES CONSEILS ET DU CABINET. PREMIERS PLANS ARRÊTÉS.

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LES Courriers qui arrivent d'heure en heure aux Tuileries ont bientôt rappelé l'attention de l'empereur sur le grand théâtre de l'Europe. Il faut conduire de front les affaires du dehors et celles du dedans; mais plus les embarras se multiplient, plus la force de sa tête donne de ressort à ses pensées et de suite à ses travaux.

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Les conseils durent des journées entières, et il y appelle les hommes qu'il a le plus éprouvés. Sur les questions politiques il délibère avec le prince archichancelier (Cambacérès), le prince architrésorier (Lebrun), le prince de Bénévent (Talleyrand), le duc de Cadore (Champagny), le duc de Bassano (Maret), le duc de Vicence (Caulincourt), auxquels il adjoint les conseillers

d'état d'Hauterive et la Besnardière; pour les affaires de haute administration et de finances, il s'entoure des ministres Montalivet, Mollien et Colin de Sussy, des conseillers d'état Regnault de Saint-Jean-d'Angely, Pasquier, Molé, et des sénateurs Chaptal, Lacépède et Garnier; pour les opérations de la guerre, du génie et de l'artillerie, c'est principalement avec le ministre dé la guerre, duc de Feltre (Clarke), avec le ministre secrétaire d'état Daru, et le ministre de l'administration de la guerre, Lacuée de Cessac, avec le conseiller d'état Gassendi, le maître des requêtes Allent, et les chefs de bureau, Évain, de l'artillerie, et Decaux, du génie, qu'il travaille le plus assidûment.

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Le public, assemblé aux grilles du Carrousel, se plaît à compter les voitures qui se succèdent pendant la journée autour du péristyle impérial. Le soir, jusqu'à minuit, le même concours de ministres et de conseillers d'état se fait remarquer aux abords du palais; enfin, lorsque toutes les lumières des appartemens sont éteintes, si quelques bougies brûlent encore du côté du jardin, ce sont celles du cabinet qui trahissent les veilles de Napoléon.

Ainsi, chaque instant du jour et de la nuit le trouve occupé de ce qui lui reste à faire, soit pour la guerre, soit pour la paix pour la paix,

s'il est possible que la haine des cabinets se laisse enfin désarmer par les succès qu'elle vient d'obtenir; pour la guerre, si, comme il n'en a eu que trop l'expérience pendant toute sa vie, ce n'est que la force des armes qui puisse amener de pareils ennemis à traiter.

L'armée de Russie, les affaires d'Espagne, les dispositions incertaines de nos alliés, sont l'objet principal de ses soins et de ses méditations les plus sérieuses; la situation générale des affaires achève de se développer à ses regards.

:

En quittant l'armée, l'empereur avait emporté l'espoir que le roi de Naples pourrait la rallier à Wilna mais à peine arrivé à Paris, il n'a pas tardé d'apprendre que son lieutenant se montrait au-dessous de la tâche qui lui était imposée1. On a laissé se fondre en quarante-huit heures le corps d'armée du maréchal Saint-Cyr, et la division du général Loison, qui devaient suffire dans les

Lettre de l'empereur Napoléon

Au major général.

pre

Paris, 28 décembre 1812.

Mon cousin,

Je vois avec peine que vous ne vous soyez pas arrêté à Wilna sept à huit jours, afin de profiter des effets d'habillement et de rallier un peu l'armée ; j'espère que vous aurez pris position sur la Pregel. Nulle part il n'est possible

miers momens pour couvrir la position de Wilna. Le quartier-général n'est resté dans cette ville que le temps de la traverser. On a mis à continuer la retraite un tel empressement, que rien n'a été ni sauvé ni brûlé. Non-seulement nos troupes n'ont aucunement profité des approvisionnemens préparés à si grands frais et avec tant de soins, mais c'est l'ennemi qui en a recueilli tout le fruit : ressource qui doit avoir été bien précieuse à des troupes dont la pénurie égalait la nôtre1.

Cependant on s'est enfin arrêté sur le Niémen, Le maréchal duc de Tarente (Macdonald), à la tête du quatrième corps d'armée, composé de troupes prussiennes et françaises qui ont moins

d'avoir autant de ressources que sur cette ligne et à Kœnisberg. J'espère que les généraux Schwartzenberg et Regnier auront couvert Varsovie. La Prusse se prépare à envoyer des renforts pour couvrir son territoire. Sur ce, etc. Signe, NAPOLEON.

1 Depuis Radoskowiski, Kutusof avait suivi la route parcourue par l'armée française, et ses troupes avaient beaucoup souffert; il put s'arrêter à Wilna, parce que, contre toutes les apparences, il y trouva intacts les immenses magasins que les Français y avaient réunis.

Il y avait à Wilna du pain, du biscuit et de la farine pour cent mille hommes pendant quarante jours, sans compter les blés des magasins d'hiver qui commençaient

souffert du froid, est à Tilsitt. Il présente dans cette position un front de trente mille baïonnettes à l'ennemi, qui n'a guère plus de monde en état de nous poursuivre. La division Heudelet,

à arriver de la Samogitie; de la viande pour cent mille hommes pendant trente-six jours (les bestiaux étaient en parcs, établis en partie sous Wilna, et en partie échelonnés à peu de distance), de la bière et de l'eau-de-vie dans une proportion plus grande encore, trente mille paires de souliers, vingt-sept mille fusils et une très-grande quantité d'effets d'habillement, de harnachement et d'équipement. (Histoire de l'expédition de Russie, par M. ***, t. 11, pag. 410 et 432.)

Nota. Ces magasins avaient été rassemblés à Wilna par les soins de M. le duc de Bassano, qui au milieu du cercle diplomatique dont il était entouré, avait consacré ses veilles à réunir pour l'armée une immense approvisionnement d'hiver.

ITchitchagof s'était arrêté à Wilna. Platof seul poursuivait les Français.... Le 14 décembre Tchitchagof quitta Wilna pour se diriger sur le Niémen........ Le 16, l'armée de Kutusof fut réunie à Wilna et dans les environs.... Wittgenstein, laissant Wilna sur sa gauche, se dirigea sur Tilsitt.... Kutusof pensa que l'état de l'armée russe exigeait qu'il s'arrêtât. La rigueur excessive du froid, la continuité des marches et des bivouacs, et les privations éprouvées sur la route dévastée qu'il venait de suivre, lui avaient causé de telles pertes, que cette armée, encore si nombreuse et si belle au combat de Krasnoi, ne comptait plus maintenant que trente-cinq mille hommes peu de jours

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