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chef du bureau de l'artillerie Évain, et déjà les premiers ordres sont donnés pour recréer un matériel à l'armée. Diverses conférences se succèdent. Il s'enferme long-temps avec l'archichancelier Cambacérès; il reçoit le duc de Rovigo, plusieurs autres ministres et les principaux membres du conseil d'état. Cette première journée se prolonge jusqu'à une heure du matin.

Le second jour est un dimanche. Napoléon paraît dans les grands appartemens et reçoit les premiers corps de l'état. Tous les yeux sont fixés sur lui avec une inquiète curiosité. Le bulletin de Molodetchno (le 29°.), qui aurait dû le précéder de plusieurs jours, n'était arrivé que depuis vingt-quatre heures. Les figures étaient encore empreintes de la stupeur causée par une telle lecture. L'empereur ne craint pas ce premier effet; il ne cherche pas à l'atténuer; il a trop bonne opinion du caractère national pour redouter cette grande épreuve. Il se montre calme et ne désespérant pas de la fortune. Il est le premier à parler de ses malheurs, et va même au devant des questions. « Moscou, dit-il, était

» blessé, mais ce n'est rien. Toutefois, il pourra se van» ter avec orgueil d'avoir vụ son sang couler de bonne >> heure pour la patrie. » (Voir le Mémorial de Sainte Hélène, par le comte de Las-Cases, tom. vii, p. 291:)

>> tombé en notre pouvoir, nous avions triom

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phé de tous les obstacles; l'incendie même » n'avait rien changé à l'état prospère de nos >> affaires; mais la rigueur de l'hiver a fait peser » sur mon armée une affreuse calamité : en peu » de nuits, j'ai vu tout changer', nous avons fait >> de grandes pertes; elles auraient brisé mon » âme si, dans de telles circonstances, je devais >> être accessible à d'autres sentimens qu'à l'inté >> rêt de mes peuples. »

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Ces paroles, avidement recueillies, se répandent aussitôt dans tout l'empire, et, pendant plusieurs jours, le peuple de la capitale, heureux de le revoir, et retrouvant en lui toutes ses espérances, se porte en foule sous les fenêtres du palais, et répond à Napoléon par des cris de joie. Ce ne sont pas seulement les peuples de la France qui applaudissent à son retour bientôt ceux de Rome, de Florence, de Milan, de Turin, ceux de Hambourg, d'Amsterdam, de Mayence, etc., joignent leurs acclamations à celles de la capitale'. La présence

1 Dès le 27 décembre, une députation de Rome se présente elle est composée de MM. Louis Marconi, adjoint au maire de Rome, du prince Paluzzo Attieri, et du marquis Joseph Tortonia. « La ville de Rome, disent-ils, a >> l'honneur d'offrir à votre majesté, avec l'hommage de sa fidélité et de son obéissance, les vœux les plus sin

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de l'empereur fait renaître partout la joie et l'al

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» cères pour la gloire de votre règne et la prospérité de >> votre auguste dynastie.... C'est de vous, sire, que >> Rome a obtenu le haut rang de la seconde ville de l'empire. Pour mettre le comble à son bonheur, il ne vous >> reste plus qu'à l'honorer de votre présence. Venez au palais des Césars, vous y entendrez, sire, les acclamations long-temps prolongées des Romains...... Nous cein>> drons votre front d'un laurier toujours vert, et votre - » entrée dans nos murs sera le plus solennel, le plus applaudi, le mieux mérité de tous les triomphes.

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Dans les nombreuses adresses qui viennent de Milan, on distingue les passages suivans: « Les peuples de votre » royaume d'Italie prennent aussi la plus vive part à ce » mouvement de joie, de tendresse et d'admiration que >> votre retour inspire.......... Notre royaume, sire, est votre >> ouvrage ; il vous doit ses lois protectrices ses monu>> mens, ses routes, ses canaux, la prospérité de son agri>> culture et de son industrie, ses lycées, son université, » l'honneur des arts et la paix intérieure dont il jouit..... » Les peuples d'Italie le déclarent à l'univers : il n'est aucun sacrifice auquel ils ne soient résolus pour que votre » majesté achève le grand œuvre qui lui a été confié par >> la Providence. Dans des circonstances extraordinaires, >> il faut des moyens extraordinaires, et nos efforts seront >> illimités.... Il faut des armes, des armées, de l'or, de » la fidélité, de la constance! tout ce qui dépend de nous, >> sire, nous vous l'offrons. Ce n'est point le conseil de >> l'autorité; c'est la conviction, c'est le sentiment, c'est >> le cri général exprimé par le besoin de notre existence. »

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légresse, et la confiance succède aux inquiétudes 1.

Mais plús les événemens du Nord captivent l'attention publique, plus l'étonnement est grand lorsqu'on s'aperçoit que des soucis d'une autre nature dominent la pensée de l'empereur. Tandis que tout Paris ne parle que de ce qui s'est passé en Russie, Napoléon semble n'être frappé que de ce qui vient de se passer à Paris. C'est à la tentative récente du général Malet qu'il donne cette importance. En descendant de voiture, il était fortement préoccupé de cette affaire; son front soucieux en reste surchargé; elle est l'objet de ses premières informations et de ses premiers discours.

L'espace manque pour citer les adresses des autres peuples. Il y a, dans le Moniteur de cette époque, plus de cinquante pages de ce genre, signées par les hommes les plus marquans, et il nous semble du devoir de l'historien de faire mention de ces témoignages irrécusables de confiance par lesquels tous les peuples de l'empire ne cessaient d'encourager Napoléon.

I Discours de M. le comte de Barbé-Marbois.

CHAPITRE II.

AFFAIRE MALET.

Un homme obscur, d'un esprit sombre, d'un caractère entreprenant, retenu depuis quatre ans dans une maison de détention, au fond d'un faubourg de Paris, avait conçu, dans l'ennui de sa prison, le hardi dessein de tenter une révolution à lui seul, sans autre moyen qu'un cri funèbre dont il devait faire retentir tout Paris. Ce cri, c'était l'empereur est mort.

Le grand éloignement de Napoléon, son expédition aventureuse au fond de la Russie, l'irrégularité et l'interruption fréquente des courriers avaient préparé les esprits. De graves inquiétudes circulaient à Paris, et le conspirateur savait que la crainte est crédule comme l'espérance. Il avait calculé toutes les chances qu'un premier moment de stupeur pourrait donner à qui saurait oser.

Sautant à pieds joints sur les confidences, sur les associations, sur les délibérations, les hési

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