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Du 22 juillet 1747.

Il est bien singulier qu'un conseiller au parlement écrive et signe de sa main une requête par laquelle il demande un nouveau rapporteur, au lieu de se reposer de ce soin sur son procureur; mais, il l'est encore plus qu'il s'adresse à une chambre entière pour former cette demande, et qu'il la fasse remettre sur le bureau. Il n'y a aucune compagnie où la distribution des procès se fasse par tous les officiers d'une chambre, et où cette matière soit mise en délibération. Le droit de commettre ou de subroger des rapporteurs, ne réside que dans la personne du chef; il n'est donc pas surprenant que M. le premier président ait regardé cette requête comme très-irrégulièrement présentée; et au lieu de vous plaindre de lui, vous deviez l'aller trouver pour réparer une démarche si peu réfléchie, et le prier de vous donner un rapporteur à la place de M. de......

Tant que vous aurez une conduite semblable, vous ne devez imputer qu'à vous-même si mes réponses ne vous sont point favorables; ayez soin de vous conformer exactement à des règles que l'ordre public et la bienséance font observer également dans toutes les compagnies ; et je connois trop la droiture de M. de...... pour n'être pas persuadé que lorsqu'il remplira la fonction de juge dans vos affaires, if oubliera tout ce qui s'est passé de vous à lui, et vous donnera toujours des marques de sa bonne justice et de son impartialité, J'avois mieux espéré de vous, par les sentimens dans lesquels vous m'aviez paru être pendant le long séjour que vous avez fait en ce pays-ci, et dont la cause étoit si répréhensible; mais je ne vous trouve plus le même dans vos lettres. Il est temps néanmoins que cela finisse, afin qu'une prévention, dont vous donnez continuellement de nouvelles preuves, ne retarde

point l'expédition des affaires que vous avez avec différentes parties, et ne les oblige pas à avoir peut-être recours au roi, qui ne pourroit s'empêcher, en ce cas, de vous donner des marques de son méconten

tement.

Du 22 août 1747.

Je vous envoie un mémoire qui m'a été remis par quelques-uns de MM. du conseil, au sujet d'une de- · mande en cassation qui n'a pas réussi, mais qui a donné lieu de s'apercevoir qu'on ne suivoit pas exactement au parlement d'Aix la disposition de l'ordonnance de 1667, qui défend de commettre, pour faire une descente sur les lieux, le conseiller au rapport duquel la descente a été ordonnée. On a remarqué dans l'affaire dont il s'agissoit, une double contravention à cette loi, dont la dernière pourroît être plus excusée, parce qu'il ne s'agissoit plus que de T'exécution de l'arrêt qui avoit été rendu; mais la première n'est point dans ce cas, parce qu'il étoit question d'une descente préalable au jugement, et qui avoit paru nécessaire pour l'instruction: c'est le véritable cas qui a été l'objet de la disposition de l'ordonnance. Si les demandeurs en cassation s'étoient pourvus au conseil dans le temps, sur ce sujet, on n'auroit pu se dispenser d'avoir égard à leur demande; mais comme ils ne l'avoient pas fait, et que cette première contravention à l'ordonnance n'avoit pas même été relevée dans leur requête, on s'est attaché à la fin de non-recevoir d'autant plus volontiers qu'il paroissoit que l'affaire avoit été bien jugée dans le fond. Il n'est donc plus question de cette affaire particulière, et je ne vous écris sur ce sujet, que pour savoir s'il est vrai qu'au parlement d'Aix, on soit dans l'habitude de commettre les rapporteurs pour faire les descentes ordonnées par

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les arrêts interlocutoires rendus à leur rapport; si céla étoit, on ne pourroit regarder un pareil usage que comme un abus qu'il faudroit réformer, et je ne doute pas que le parlement ne s'y portât de luimême sur la première proposition que vous lui en

feriez.

Je me rappelle, à cette occasion, qu'il y a un autre abus bien certain dans le fait, non-seulement au parlement de Provence, mais à la cour des comptes, au sujet des rapports d'experts qu'on y répéte à l'infini; j'en ai vu plusieurs exemples au conseil dont on n'a pas été édifié, et je vous en ai parlé pendant le séjour que vous avez fait en ce pays-ci; vous me promîtes de m'envoyer des mémoires (1) sur ce sujet lorsque vous seriez de retour dans votre province, et je vous prie d'y penser sérieusement lorsque le parlement aura repris sa séance.

(1) Par la réponse, il paroît que le parlement étoit en usage de commettre le rapporteur, et qu'on l'a réformé sur cette lettre.

Du 31 juillet 1748.

...

PAR le compte exact que vous me rendez de ce qui a retardé l'expédition de l'affaire des sieurs.. je vois que toute la difficulté se réduit aujourd'hui, à savoir si l'absence de MM... qui étoient du nombre des juges, lorsque le procès a été rapporté, doit en faire différer la décision. Comme les parties ont un droit également acquis sur les suffrages de ces deux conseillers, je crois qu'on ne peut finir entièrement cette affaire pendant leur éloignement, à moins que les sieurs.... n'y consentent égalepar écrit et si l'un des deux s'y oppose, ; dans le cas de cette règle du droit in communione potior est causa prohibentis.

on sera

§. III. -Jugemens, Partages ou Confusions de voix, Récusations, Prises à partie, Cassations.

Du 30 avril 1728.

La lettre que vous m'avez écrite au sujet des prises à partie, peut donner lieu d'agiter trois diffi cultés :

La première regarde les personnes qui peuvent former des demandes en prise à partie ;

La deuxième tombe sur la forme dans laquelle ces sortes de demandes doivent être reçues ;

La troisième a pour objet les causes sur lesquelles de pareilles demandes peuvent être légitimement fondées. Sur le premier point vous avez raison de croire, en général, qu'on ne doit pas écouter un intimé lorsqu'il demande la permission de prendre des juges à partie, parce que régulièrement il faut être appelant d'un jugement pour pouvoir être en droit de se plaindre du juge.

Mais il en est de cette maxime comme de toutes les autres règles générales, qui sont rarement sans exception, le véritable cas où elle a lieu est lorsque le jugement subsiste en son entier ; alors la partie qui a soutenu ce jugement, et qui en profite, est non recevable à attaquer le juge qui l'a rendu, parce qu'elle n'a point d'intérêt de le faire; mais lorsque le jugement a été détruit, et qu'il l'a été par la faute ou

par le fait propre du juge, l'action change de fait,

et ce n'est plus là le véritable cas de la maxime générale. Toute partie qui souffre un préjudice a intérêt de le réparer, et comme l'intérêt est la mesure des actions ou des demandes que l'on peut former en justice, elle est recevable, sans difficulté, à de

mander un dédommagement de la perte qu'elle soufferte; mais à qui peut-elle le demander? Ce ne sera pas, sans doute, à l'appelant qui qui a gagné sa cause et qui n'a fait qu'user de son droit, elle ne peut donc s'adresser qu'aux juges, comme à la seule cause du préjudice qu'elle a reçue; c'est ainsi que dans les matières criminelles, lorsque l'instruction est déclarée nulle par le fait du juge, la partie civile qui avoit été intimée sur l'appel de cette instruction ou de la sentence qui l'avoit suivie, est en droit d'obliger le juge à payer les frais de la nouvelle instruction qu'il a fait faire à la place de celle qui a été cassée; et si elle souffroit une perte considérable pár la nécessité de recommencer cette instruction elle pourroit demander des dommages et intérêts contre le juge qui y auroit donné lieu par sa faute. C'est pour la même raison que l'ordonnance de 1667 a répété tant de fois, que les juges pourroient être condamnés aux dommages et intérêts lorsqu'ils contreviendroient, dans ce qui les regarde personnellement aux dispositions de cette ordonnance; en un mot, la règle générale, qui ne permet pas à l'intimé de prendre à partie un juge qui lui a fait gagner sa cause, doit cesser toutes les fois qu'il l'a gagnée inutilement, l'ayant perdue dans la suite, et cela par le seul fait du juge.

Le deuxième point, qui regarde la forme dans laquelle les demandes en prise à partie doivent être admises, ne souffre aucune difficulté; ce n'est point en vertu de commissions expédiées en chancellerie, que les juges peuvent être assignés en pareil cas c'est seulement en vertu d'arrêts du parlement, qui ne doivent être rendus qu'avec un examen suffisant, pour ne pas rendre cette voie trop facile et trop commune; et comme il paroît que l'usage du parlement de Bretagne est conforme à ce que je lui écris, je n'ai rien de nouveau à lui recommander sur ce sujet.

A l'égard du troisième point, qui concerne les causes pour lesquelles un juge peut être pris à partie,

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