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nance, commises sans aucun prétexte; car on ne peut point alléguer que cette loi n'ait pas été connue, ayant été publiée depuis long-temps dans le ressort du comté de Roussillon; on ne peut pas dire qu'il y eût de l'obscurité dans ses expressions, sur lesquelles il ne s'est élevé aucun doute. Ce seroit donc autoriser à ne pas déférer aux lois, que d'approuver de pareils

actes.

Il n'y a pas même d'exemple d'aucune loi qui ait permis ou confirmé des dispositions où la volonté du testateur ne seroit attestée que par une seule personne, et il est aisé de sentir combien il seroit dangereux de les regarder comme valables,

En général, ces sortes de grâces sont d'une grande conséquence, parce qu'elles donnent occasion de multiplier les contraventions aux lois les plus importantes, dans l'espérance d'obtenir ensuite la confirmation des actes qui y seroient contraires. Les lois de forme seroient inutiles, si l'on ne prononçoit jamais la peine de nullité; et, en les renouvelant pour l'avenir, elles ne seroient pas mieux observées, parce qu'on compteroit toujours sur la même indulgence.

Les règles de la justice, ne permettent pas de faire valoir ce qui est évidemment nul au préjudice de ceux qui ont des droits légitimes, et même sans les entendre, Sa Majesté est toujours très- disposée à donner à ses peuples du Roussillon et de la Cerdagne, des marques de sa bonté. Mais en favorisant quelques particuliers dans cette occasion, elle causeroit un tort réel à beaucoup d'autres qui sont également habitans de la même province; et elle les dépouilleroit des biens qui leur appartiennent par les droits du sang et par les lois de leur pays.

La grâce que le roi a bien voulu accorder; par sa déclaration de 1745, ne regardoit que l'omission de quelques formalités purement extérieures; mais il s'agit ici de ce qui est le plus indispensable, pour prouver qu'une disposition testamentaire est véritablement la volonté du testateur. On ne peut être certain de cette volonté par la signature d'une seule per

sonne avec le curé, encore moins par celle d'un curé seul. Il est de l'intérêt des testateurs eux-mêmes qu'on ne fasse pas paroître, après leur mort, des dispositions qui seroient l'ouvrage d'une volonté étrangère. Rien n'est aussi plus intéressant pour les familles que de prévenir des surprises qui ne sont que trop fréquentes.

Le roi est donc résolu de ne pas autoriser les testamens qui ont de tels défauts, et compte que son conseil de Roussillon tiendra là main à l'exécution de son ordonnance de 1735: il ne conviendroit pas, au surplus, de faire connoître au public quelle est la quantité des testamens qui se trouvent contraires aux dispositions de l'ordonnance; mais il me paroît nécessaire que les notaires et les autres personnes qui peuvent recevoir des testamens dans le ressort de votre compagnie, soient avertis qu'ils doivent se conformer exactement à toutes les dispositions de l'ordonnance de 1735, et en particulier à celles des articles 44 et 45, et que, s'ils s'en écartoient, le conseil supérieur ne pourroit se dispenser de réprimer ceux qui y auroient contrevenu. C'est ce que Vous pouvez faire, tant de vive voix que par des lettres; il y a eu lieu d'espérer que cela suffira, pour leur faire mieux observer une loi à laquelle Sa Majesté ne peut pas souffrir qu'il soit donné aucune

atteinte.

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S. VI. - Projet d'ordonnance sur les Capacités et Incapacités de dispenser à titre gratuit (1).

Du 12 août 1738.

LA nécessité de pourvoir à des matières importantes, qui regardent la forme et l'ordre de la procé

(1) Cette lettre étoit circulaire, et accompagnoit les questions imprimées page 464 ci-après.

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dure, et sur lesquelles les différens tribunaux avoient interprété différemment les dispositions des ordonnances, a interrompu pendant quelque temps le travail commencé par les ordres du roi, sur les diversités de jurisprudence qui se sont introduites dans les cours, et où il s'agit du fond même des questions qu'elles sont obligées de décider. Mais Sa Majesté ne perd point de vue un objet si digne de son amour pour la justice; et elle a cru que, s'étant proposée d'abord d'établir des règles fixes et uniformes sur les dispositions de pure libéralité, soit entre-vifs ou à cause de mort, comme elle l'a fait par son ordonnance de 1731 sur les donations, par celle de 1735 sur les testamens, et comme elle le fera par celle qui doit paroître bientôt sur les substitutions, il étoit naturel d'y en ajouter une quatrième sur les différentes incapacités de donner et de recevoir : c'est ce qui fait la matière des questions dont je vous envoie six exemplaires. Comme dans l'examen de ces questions l'on doit envisager ce qui convient au bien commun de la société, encore plus que les principes du droit romain, ou ceux du droit coutumier, qui sont beaucoup moins opposés dans cette matière que dans d'autres, vous trouverez dans ce que je vous envoie, qu'on a cru devoir s'y élever par des vues supérieures, jusqu'à mettre en question, sur deux ou trois points, s'il ne seroit pas à propos de déroger à certaines dispositions ou des lois romaines ou des coutumes, pour tendre plus directement au bien public, sur des questions qui n'intéressent point le système général des unes ou des autres lois.

Vous examinerez, sans doute, dans le même esprit de législation, les questions nouvelles que je vous adresse, en associant à votre travail les magistrats de votre compagnie que vous en croirez les plus capables, ainsi que vous en avez usé à l'égard des questions que je vous ai envoyées dans les années précédentes; et la manière dont elles ont été traitées dans les avis que j'ai reçus me fait connoître ce qu'on doit attendre, en cette occasion, de leur zèle, de leurs

lumières et de leur expérience. J'ajouterai seulement ici que lorsque les magistrats, qui examineront les questions présentes, ne seront pas du même sentiment, il sera bon d'en faire mention dans les réponses qui me seront adressées, et d'y marquer, en peu de mots, les raisons des différens avis.

Je ne compte pas que dans un temps où les juges ne doivent avoir en vue que la prompte expédition des procès, à la fin de la séance du parlement, ils puissent avoir le loisir de commencer l'examen des questions que je joins à cette lettre; mais comme ils pourront s'y appliquer beaucoup plus aisément dans le temps du repos que les vacations prochaines vont leur procurer, j'ai cru devoir vous envoyer dès-à-présent ces questions, afin que vous puissiez, avant la fin de la séance présente, en faire le partage entre ceux qui se chargeront de les approfondir et de les discuter exactement, pour se rassembler ensuite après l'ouverture du parlement prochain, et profiter en commun du travail qu'ils auront fait chacun séparément, moyennant quoi vous serez en état de m'envoyer alors, le plus promptement qu'il vous sera possible, le résultat des conférences qui auront été faites sur des questions si intéressantes, pour la sûreté et pour la tranquillité des familles.

Questions sur les Capacités et Incapacités de donner et de recevoir (1).

QUEST. 1. Si les dispositions à cause de mort, faites par un étranger non naturalisé, sont valables quand elles sont au profit de ses enfans, ou de ses parens demeurant dans le royaume?

2. Si un Français sorti du royaume, sans permission du roi, pour s'établir à perpétuité dans un

(1) Ces questions n'ont pas été suivies d'ordonnance.

pays étranger, peut-il faire un testament en faveur de ses parens demeurant dans le royaume

?

Quid? A l'égard de ses enfans nés en pays étranger depuis qu'il s'y est établi, et qui continuent d'y résider ?

3. Si les enfans naturels sont capables des dispositions entre-vifs ou à cause de mort, soit universelles ou particulières, faites par leur père ou mère; ou si l'on doit les regarder comme incapables de toutes dispositions de libéralité, excepté les dons ou legs d'alimens?

Quid? Si la disposition est faite par un des ascendans du père ou de la mère de l'enfant naturel?

4. Si les enfans légitimes d'un bâtard sont capables de recevoir des libéralités faites en leur faveur, par le père ou la mère du bâtard ou leurs ascendans?

5. Si l'on doit autoriser ou abroger les statuts ou usages de quelques pays, qui rendent les enfans naturels capables de succéder ab intestat à leurs mères, ou qui contiennent d'autres dispositions en leur faveur?

6. Si les enfans nés d'un mariage nul, où l'un des contractans étoit de bonne foi, sont capables des dispositions faites en leur faveur, par celui des contractans qui étoit de mauvaise foi?

7. Si un homme veuf, ou une femme veuve, qui contracte une alliance déshonorante avec une personne indigne, ou d'une condition basse par rapport à la sienne, peut lui faire une donation par contrat de mariage?

Quid? Si la donation a précédé le contrat de mariage?

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8. Seroit-il à propos d'établir une règle uniforme dans tout le royaume, pour fixer l'âge de la majorité à vingt-cinq ans accomplis?

9. Conviendroit-il aussi de fixer l'âge auquel les mineurs seroient émancipés de droit, ou de laisser subsister les différences qu'on trouve sur ce point, D'Aguesseau. Tome XII.

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