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d'inconvéniens et de difficultés presqu'insurmontables, soit sur la liberté, qu'on ne pouvoit, sans injustice, refuser à l'un des testateurs de révoquer sa disposition, soit sur l'obligation d'avoir le consentement de l'autre, ou du moins de l'avertir du changement de volonté, soit enfin, sur l'effet de la révocation faite par l'un des deux testateurs, ou pendant la vie, ou après la mort de l'autre. Il n'y a aucun de ces différens points qui n'eût fait naître un grand nombre de procès, et qui n'ait partagé, non-seulement les avis des jurisconsultes, mais les sentimens et la jurisprudence des parlemens.

Il étoit donc bien digne de la sagesse du roi et de son amour pour le bien public, de retrancher une source si féconde de contestations, en faisant cesser l'usage des testamens mutuels. Actes d'ailleurs trèsinutiles, puisque deux testamens faits séparément, mais de concert par un père ou une mère, peuvent avoir les mêmes avantages que les testamens mutuels, sans avoir les mêmes inconvéniens. La simplicité, amie des lois, a donc justement prévalu dans l'esprit du roi sur cette matière, et Sa Majesté a jugé qu'elle étoit dans le cas, où il vaut mieux couper le noeud, que de chercher à s'en dégager par des distinctions qui causent souvent plus de procès qu'elles n'en préviennent.

Les clauses dérogatoires ont paru susceptibles des mêmes réflexions. Destinées dans leur origine à prévenir la surprise ou la suggestion, la malice des hommes les a fait servir souvent à la favoriser, et à détruire l'effet d'une volonté postérieure par la seule omissión d'une clause qui souvent n'étoit pas l'ouvrage du testaleur, ou qu'il avoit oubliée.

On a cherché à y remédier par des distinctions sur les différentes manières de rappeler cette clause; mais l'application de ces distinctions est devenue souvent très-difficile par la variété des circonstances, et les juges obligés à se déterminer par des conjectures toujours douteuses et incertaines, ont désiré plus d'une fois, que l'on pût abolir l'usage d'une clause qui ne

s'accorde pas avec la pureté des principes du droit civil, et que les jurisconsultes romains auroient rejetée, comme tendante à donner des bornes au pouvoir des testateurs, ou à tendre souvent un piége à leur liberté.

Les autres difficultés de votre compagnie tombent sur différentes décisions sur lesquelles vous avez pu remarquer que, si dans les unes on a préféré la jurisprudence des autres cours à celle de votre compagnie, il y en a d'autres où vous avez eu réciproquement le même avantage, et cela ne pouvoit pas arriver autrement dans une loi où il s'agissoit de faire un choix entre des jurisprudences différentes.

Au reste, ces difficultés paroissent se réduire à un petit nombre d'articles. Tel est celui où il s'agit de l'institution d'un héritier, qui n'est ni né ni conçu au temps de la mort du testateur. Institution qui, loin d'être approuvée par le droit civil, est au contraire rejetée par toutes les lois qui exigent que l'héritier institué soit capable, au temps de la mort du testateur, et à plus forte raison qu'il soit existant, avec cette différence que le défaut de capacité civile peut s'effacer par des fictions favorables, au lieu qu'il est impossible de feindre qu'un homme ait existé avant que de naître ou d'être conçu

Tels sont encore les articles qui regardent la faculté accordée au testateur, de prohiber la détraction de la trébellianique, (faculté autorisée par l'usage de presque tous les pays soumis au droit écrit,) l'effet de la clause codicillaire et l'étendue du pouvoir de celui que le testateur a institué héritier, à la charge

d'élire un de ses enfans.

L'essentiel dans ces matières, est qu'il y ait une règle connue par une loi claire et précise, qui avertisse tout testateur de ce qui aura lieu, s'il ne déclare pas expressément sa volonté; en sorte que dans tous les cas, la décision des juges ait toujours un principe solide, soit dans l'autorité de la loi, qui montre la régle générale, soit dans la volonté ex

presse du testateur, qui a usé du pouvoir que la loi lui donne d'y mettre une exception.

Tel est donc le véritable esprit de la nouvelle ordonnance sur toutes les matières qui en sont susceptibles. Prévenir les difficultés que la différente manière d'interprêter les termes trop généraux d'un testament avoit fait naître jusqu'à présent, ne diminuer en rien la liberté du testateur, l'obliger seulement à expliquer précisément sa volonté, et la laisser dominer ensuite dans ses dernières dispositions.

Ainsi, bien loin qu'une loi faite dans cet esprit puisse jeter les juges dans le doute et répandre de l'incertitude dans leurs jugemens, elle ne peut, au contraire, que les faire sortir de la situation embarrassante où ils se trouvoient auparavant, entre tant de sentimens et d'usages contraires les uns aux autres. Au surplus, ceux qui ont rédigé les remontrances de votre compagnie, n'ont pas pris garde apparemment que les nouvelles lois qu'il a plu au roi de donner sur les diversités de jurisprudence n'ayant point d'effets rétroactifs, il n'est pas possible que l'ordonnance sur les donations ait produit aucune difficulté, par rapport à celles qui l'avoient précédée. Le parlement même de Grenoble, qui paroît craindre que ces nouvelles lois ne l'obligent à former de nouveaux doutes, ne m'en a proposé aucun sur celle qui regarde les donations, depuis qu'elle y a été enregistrée. Je peux dire la même chose de tous les autres parlemens du royaume; et comment seroit-il possible que des lois qui épargnent aux juges la discussion d'un grand nombre de questions difficiles, sur lesquelles leurs sentimens étoient partagés, deviennent une nouvelle matière de doute, si ce n'est dans l'application aux faits particuliers? Mais, comme le nombre et les circonstances en sont infinis, il n'est pas possible de les renfermer dans une loi, il suffit d'y établir des régles certaines; et on ne doit pas douter qu'un parlement aussi éclairé que le vôtre ne les applique toujours aux faits particuliers, avec autant de justesse que d'équité

Enfin, outre le grand avantage de rendre au moins le droit fixe et certain, l'observation exacte de ces lois procurera à tous les parlemens en général, et à celui de Grenoble en particulier, la satisfaction de voir que les plaideurs ne trouveront plus de prétexte dans les diversités de jurisprudence, soit pour attaquer leurs arrêts, soit pour se soustraire à leur juridiction par des réglemens de juges et par des évocations. Je connois trop les lumières, la droiture et la sagesse de votre compagnie, pour n'être pas persuadé, que, lorsque vous lui aurez fait part de toutes ces réflexions, elle se soumettra, non-seulement avec respect, mais avec joie, aux volontés du roi, en procédant au plus tôt à l'enregistrement pur et simple de sa nouvelle ordonnance.

Du 21 août 1736.

J'AI appris avec plaisir, que ma lettre du 29 juillet avoit applani toutes les difficultés que MM. les commissaires de votre compagnie m'avoient proposées avec tant de sagesse et de retenue, sur quelques articles de l'ordonnance que le roi a faite sur les tes

tamens.

La clause que le parlement a mise à la fin de l'arrêt d'enregistrement de cette loi n'a rien qui puisse déplaire à Sa Majesté; elle n'est conçue qu'en termes de prière et de supplication, qu'il est toujours permis d'adresser respectueusement au souverain. La seule chose qu'on pourroit dire, est que cette supplication n'est point nécessaire dans le cas présent. Il n'y a rien dans la nouvelle ordonnance qui regarde la distinction des différentes natures de biens sur lesquels la légitime des ascendans doit ou ne doit pas être prise. Il n'a été question dans l'article 61 que d'en fixer la qualité, pour terminer une question qui partageoit les suffrages des tribunaux, comme ceux des jurisconsultes.

Quels sont les biens auxquels les ascendans peuvent succéder, et auxquels la règle établie sur la quotité de la légitime doit être appliquée ? C'est un point qui étoit hors de l'objet de la loi, et sur laquelle, par conséquent, elle ne s'est point expliquée; mais une précaution, quoique surabondante, ne doit point être reprochée à une compagnie qui entre si parfaitement dans les vues que le roi se propose par ses nouvelles ordonnances, et qui ne forme quelquefois des doutes, que pour se mettre plus en état de se conformer exactement aux véritables intentions de Sa Majesté.

Du 26 août 1736.

J'APPRENDS par votre lettre du 18 de ce mois, que l'ordonnance sur les testamens a été enregistrée parlement de Bordeaux; il auroit été mieux, sans doute, que l'on n'eût pas attendu pour cela des lettres de Jussion; mais il y a d'anciens préjugés dans les compagnies, dont on a de la peine à les faire revenir, quoiqu'ils soient contraires à leur véritable dignité.

Du 29 septembre 1736.

Vous m'aviez déjà fait entendre par avance qu'il seroit bien difficile que l'ordonnance du roi sur les testamens fût enregistrée dans la séance du parlement de Toulouse qui vient de finir, et j'ai peu de chose à ajouter à ce que j'ai observé par ma dernière lettre sur ce sujet. Je remarque seulement, par ce que vous m'avez écrit le 11 de ce mois, que les représentations du parlement de Toulouse ne pourront arriver ici que dans le mois de décembre; mais, quel usage pourra-t-on en faire alers?

Il y a déjà onze parlemens ou conseils supérieurs qui ont enregistré cette loi, et des trois qui restent,

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