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juridictions, et au maintien des droits qui appartiennent aux premiers juges, suivant la disposition de l'ordonnance; mais il n'en est pas de même dans ce qui intéresse directement la police, la discipline et l'honnêteté publique. Il est non-seulement permis, mais louable, à un procureur-général de prévenir, dans ces sortes de matières, l'attention des officiers inférieurs, et de remédier par là plus promptement et plus efficacement aux abus qui peuvent s'y commettre. C'est ce qui arrive souvent dans tous les tribunaux, et jusqu'à présent, on n'y a point contesté aux procureurs-généraux l'usage d'un pouvoir renfermé dans la disposition des ordonnances, qui leur enjoignent de tenir perpétuellement la main à leur observation.

Il n'est pas douteux d'ailleurs que les parlemens n'aient la liberté de suppléer à la négligence des officiers qui leur sont subordonnés, et de connoître par droit de dévolution des faits qui ont échappé à leur vigilance dans les cas qui intéressent directement le public, et où il s'agit de crimes ou de délits, que les officiers inférieurs auroient dû poursuivre, et qu'ils n'ont pas poursuivis.

Tels étoient les deux mariages ou les deux concubinages notoires dont il est ici question, et sur lesquels le substitut de M. le procureur-général en la sénéchaussée de Bordeaux n'ayant fait aucune diligence, ni lui, ni le lieutenant-général au même siége n'étoient plus en droit de réclamer la connoissance d'une affaire dans laquelle ils avoient été prévenus par le zèle d'un ministère supérieur.

Le parlement lui-même en avoit jugé ainsi en déférant, comme il l'avoit fait par son arrêt du 2 avril, à la réquisition de M. le procureur-général, et les parties intéressées avoient aussi reconnu que le parlement étoit le seul tribunal auquel elles pussent avoir recours, comme elles l'avoient fait effectivement par l'opposition qu'elles avoient formée à l'arrêt rendu par cette compagnie.

Il

y a enfin une dernière considération à ajouter à tout ce que je viens de dire, c'est que le lieutenantgénéral en la sénéchaussée de Bordeaux ne pourroit connoître tout au plus que de la moindre partie des affaires dont il s'agit, quand même il seroit dans le cas d'en demander le renvoi. Il pourroit, à la vérité, être compétent sur ce qui regarde la cohabitation. scandaleuse des contractans; mais il seroit obligé de s'arrêter sur-le-champ, aussitôt qu'ils auroient représenté devant lui l'acte de célébration de leur prétendu mariage. Outre qu'on ne permet plus depuis. long-temps à aucun siége inférieur aux parlemens de connoître de la validité ou invalidité des mariages,. il s'agit ici de mariages contractés à Paris, et par conséquent dans un lieu bien éloigné du ressort de la sénéchaussée de Guyenne; ce qui rend ce siége aussi incompétent en cette occasion, que la nature de la matière sur laquelle il est question de pro

noncer.

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Comment pourroit-il en prendre connoissance, puisque l'on peut douter, avec quelque fondement, S1 le parlement même peut en être juge? C'est une question problématique qui a été agitée plus d'une fois. entre le parlement qui étoit le juge du domicile des contractans, et celui qui l'étoit du lieu du délit, c'està-dire, du mariage abusif. Il y a des raisons spécieuses pour l'un et pour l'autre, et je crois par cette raison que pour lever toute difficulté, et pour prévenir une instance de réglement de juges, il sera fort propos d'expédier un arrêt du conseil, qui attribue au parlement de Bordeaux, comme par droit de suite, la connoissance des mauvais mariages qui ont été célébrés à Paris, afin que la cause soit remise toute entière dans le même tribunal; mais c'est encore une nouvelle raison pour rejeter la demande du lieutenant-général de Bordeaux, et pour aplanir tous les obstacles qu'on cherche à faire naître pour empêcher l'exemple que le public a droit d'attendre dans les deux affaires dont il s'agit. Après l'éclat qu'elles ont fait, il y a bien lieu de craindre que ces

obstacles ne soient suscités secrètement par les religionnaires mal convertis, et ce motif seul seroit suffisant pour engager le roi à soutenir l'autorité du parlement en cette occasion.

J'écris dans les mêmes termes à M. le procureurgénéral, en le chargeant de dresser le projet d'arrêt du conseil dont je viens de vous parler, et sur lequel je compte de faire expédier cet arrêt aussitôt que je l'aurai reçu.

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Le projet d'édit sur les tutelles, que je vous envoie, a été long-temps médité et digéré avec grande attention par l'avis de messieurs du conseil et de tous ceux que j'ai cru devoir consulter sur une matière qui est aussi difficile qu'importante.

Le principal objet que je m'y suis proposé, a été de ne point abroger entièrement le recours contre les nominateurs, qui a également lieu dans d'autres provinces, comme dans celle de Bretagne, et qui n'y a été établi, selon toutes les apparences, que par une longue expérience de la nécessité de ce recours, fondé sur le génie ou sur les mœurs des habitans du pays, et sur la nature des biens qui appartiennent à une grande partie des mineurs.

Mais, en laissant subsister ce recours pour ne pas faire un trop grand changement dans vos usages, et pour éviter de passer d'un excès de rigueur à un excès d'indulgence, j'ai pensé, comme tous ceux qui ont examiné la matière avec moi, qu'il falloit tempérer la dureté de la dernière jurisprudence par des dispositions et des précautions qui, tendant directement et principalement au bien et à l'avantage du' mineur,

fussent propres en même temps à opérer indirectement, mais efficacement, la sûreté et la décharge des

nominateurs.

C'est dans cet esprit que le projet d'édit, dont je vous envoie la copie, a été dressé, et vous le sentirez encore mieux par la lecture de ce projet en entier, que par tout ce que je pourrois vous en dire. Mais comme la connoissance du local peut vous donner de plus grandes lumières sur ce sujet, qu'à ceux qui ne sont pas aussi instruits que vous l'êtes des usages de votre province, j'ai cru qu'afin de ne rien négliger pour la perfection d'une loi si importante, je devois vous en communiquer le projet, avant que d'y mettre la dernière main. Les mémoires que vous m'avez envoyés sur ce qui en fait la matière, et dont vous verrez que j'ai suivi l'esprit dans cet ouvrage, me répondent de la bonté des observations que vous y rez; je les recevrai avec toute la confiance que j'ai dans vos sentimens, et je serai très-aise de partager avec vous le mérite d'une loi où je n'envisage, comme vous, que le bien public.

Du 7 décembre 1730.

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JE serois très-fâché, monsieur, que votre application à faire des remarques sur le projet d'édit qui regarde les tutelles, eût pu faire quelque préjudice à votre santé ou retarder votre convalescence. Il ne m'a pas paru, en lisant ces remarques, qu'elles fussent l'ouvrage d'un homme relevant de maladie; mais c'est peut-être par cette raison même qu'elles ont pu vous incommoder; leur solidité m'a bien dédommagé d'un retardement involontaire de votre part; vous verrez qu'il n'y en a presque aucune dont je n'aie fait usage, en retouchant le projet d'édit. Je comptois en effet de le faire expédier promptement, afin qu'il pût être adressé au parlement avant la séparation des élats; mais, comme j'ai appris qu'il y avoit à peine

dix officiers du parlement qui fussent à Rennes, et que les principaux ne doivent y revenir qu'après la fin des états, j'ai pris le parti de différer jusque-là l'expédition de cet édit : achevez cependant de rétablir votre santé, et soyez persuadé que personne ne s'y intéresse plus véritablement que moi, et n'est à vous, monsieur, plus parfaitement.

Du 30 janvier 1731.

J'AI appris par M. le maréchal d'Estrées et par d'autres voics, que la déclaration sur la matière des tutelles pourroit souffrir des difficultés en Bretagne, parce que le vœeu, peut-être intéressé de ceux qui ont excité les états à demander une loi, a été de passer d'une extrémité à l'autre, et de faire abolir entièrement le fond de la jurisprudence du parlement, ce qui n'a paru nullement convenable au conseil du roi et aux personnes les plus sages de la province même; c'est ce que j'ai expliqué plus au long dans une lettre que j'écris à un officier du parlement de Bretagne, et dont je vous envoie la copie avec celle du projet de déclaration. Je compte entièrement sur votre secret à l'égard de l'une et de l'autre, comme je vous le promets réciproquement sur tout ce que vous pouvez m'écrire; mais, sans le blesser, il vous sera facile de sonder les esprits et d'en découvrir la véritable disposition, dont il est important que je sois informé avant que de prendre une dernière résolution sur aucune matière. Vous aurez donc agréable de m'expliquer ce que vous en aurez appris ; et si vous voulez y joindre vos avis, vous savez le plaisir que j'aurai à profiter de vos lumières et de votre sagesse, pour me mettre en état de faire un bien solide à la province de Bretagne, et peut-être plus qu'elle n'en désire, faute de bien entendre ses véritables intérêts.

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