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de Paris, ou dans d'autres compagnies, et je n'ai trouvé parmi eux aucune diversité d'avis sur ce sujet. On m'a même assuré que la question qui vous a arrêté s'étoit présentée plus d'une fois, surtout en matière criminelle, où la parenté, qui donne lieu aux récusations, s'étend plus loin qu'en matière civile, et qu'on n'auroit pas trouvé de difficulté à confirmer toute la procédure qui avoit précédé la connoissance que le juge avoit eu de sa parenté ou de son alliance avec une des parties.

Ainsi, les dix juges qui restent encore, après la retraite de M... ......., peuvent achever de faire le jugement d'un procès, qu'il seroit aussi peu régulier que dangereux de recommencer; si cependant vous avez encore quelque inquiétude sur ce sujet, et que, pour prévenir les démarches d'un plaideur mal conseillé, vous voulussiez qu'il parût que vous avez désiré de savoir les intentions du roi sur le point dont il s'agit, vous pourrez en faire une délibération dont vous m'enverriez une expédition, sur laquelle je recevrois les ordres de Sa Majesté pour vous les faire savoir; et je me prêterai avec plaisir à cette précaution, si vous la croyez utile, pour assurer encore plus l'arrêt que vous êtes sur le point de rendre.

Du 12 février 1735.

LA difficulté sur laquelle vous me consultez ne mérite pas ce nom; il est certain que, lorsque vous ne pouvez pas être juge d'une affaire, et que vous quittez votre place sans sortir du grand-conseil, celui qui préside au lieu de vous, soit à l'audience, soit au rapport d'un procès par écrit, ne peut faire la fonction de président dans aucune autre affaire que dans celle dont vous ne pouvez prendre connois

sance.

L'ordonnance de 1661 ne laisse aucun doute sur .ce sujet, suivaut une de ses dispositions; il n'est

permis à aucun juge de se déporter de lui-même de la connoissance d'une affaire; il doit faire sa déclaration des causes qui l'obligent à s'en abstenir; c'est à la chambre où il sert de décider si elles sont légitimes, et, lorsqu'elle les approuve, il ne cesse de pouvoir faire les fonctions qu'à l'égard de la seule affaire dont il ne sauroit être juge. C'est pour cela que, par une autre disposition de la même ordonnance, il est dit qu'après le jugement de cette affaire il doit reprendre sa place.

Ce que l'ordonnance a réglé à l'égard de chaque juge en particulier, doit être observé encore plus inviolablement à l'égard d'un premier président, qui exerce une fonction encore plus nécessaire que celle des autres juges. Ainsi, il ne doit se retirer que pour une cause qui soit aussi nécessaire, et la retraite ne donne droit à l'ancien président de le remplacer, que pour la seule affaire qui l'a obligé à se retirer, sans qu'il puisse en expédier aucune de celles pour lesquelles le premier président ne s'est point récusé, si ce n'est de son consentement.

IL

Du 2 avril 1736.

Il y a long-temps que je vois naître souvent, dans les compagnies, des difficultés sur la matière des partages d'opinions, et une partie de ces difficultés ou incidens qui les ont suivis, a été même portée quelquefois au conseil. C'est ce qui m'a donné lieu de connoître combien les usages des cours supérieures du royaume sont contraires, ou du moins différens les uns des autres dans cette matière; et, après tout, cette diversité n'a rien de fort surprenant. Il y a si peu d'ordonnances qui aient été faites sur les partages d'opinions, et les dispositions de celles qui ont eu cet objet sont si générales et si peu détaillées, qu'il n'est pas extraordinaire que chaque compagnie y ait suppléé par ses usages particuliers; et la différence

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des esprits qui ont établi ces usages, leur a refusé ce
caractère d'uniformité, qui ne peut guère être l'effet
que
de l'unité de la loi.

Toutes ces réflexions ont concouru à me persuader
qu'il étoit nécessaire de faire une loi nouvelle sur une
matière si importante, et cependant si négligée jus-
qu'à présent. J'ai rassemblé, suivant cette vue, dans
le mémoire de questions que je vous envoie, tous les
cas que j'ai vu arriver, ou qu'il m'a été possible de
prévoir au sujet des partages d'opinions, afin que les `
officiers des différentes cours du royaume, auxquels
ce mémoire sera communiqué, puissent faire deux
choses sur ce premier travail :

L'une, d'attester quel a été l'usage de leur compagnie, lorsque les cas qui sont indiqués par le mémoire s'y sont présentés ;

L'autre, de marquer leur sentiment, soit pour la confirmation ou pour la réformation de cet usage, soit pour établir une règle certaine sur les cas même qu'on peut prévoir, outre ceux que l'expérience a fait connoître.

C'est dans cet esprit que je vous prie de communiquer le mémoire de questions que je vous adresse aux commissaires de votre compagnie, qui ont déjà été choisis pour travailler sur les questions qui regardent les diversités de jurisprudence; afin qu'après en avoir conféré avec eux et avec MM. les gens du roi, vous puissiez m'envoyer un avis qui serve de fondement à la loi que Sa Majesté se propose de faire sur cette matière.

Comme il ne s'agit que d'assurer le fait de l'usage observé jusqu'à présent dans votre compagnie, et que les réflexions qu'on peut faire sur des questions si simples en elles-mêmes, se présentent aisément à l'esprit ; j'espère que vous serez en état de satisfaire promptement à ce que je vous demande, afin que la loi, qui doit être le fruit de ce travail, puisse être enregistrée pendant la séance présente des cours supérieures auxquelles elle sera adressée.

Du 6 avril 1736.

JE conçois aisément toutes les inquiétudes de madame... et il faut avouer qu'elles sont aisées à justifier par l'expérience du passé; mais, quoique je la plaigne plus véritablement que personne, je ne vois pas trop ce que l'on pourroit faire en sa faveur.

Dans le moment présent, on ne peut rien reprocher à ses parties. Ce n'est pas leur faute si le rapporteur est malade. Leur récusation contre M... ... est-elle bien ou mal fondée? C'est ce qui dépend d'un fait de parenté qui n'est pas encore éclairci, et le seul secours que l'on puisse accorder à M...... sur ce point, est de donner un terme très-court à ses parties, pour justifier la parenté de M......, qui sert de fondement à leur récusation, et d'ordonner que, faute par eux d'y avoir satisfait dans ce terme, il sera passé outre au rapport du procès, en présence de M...... Tout récusant doit être prét, et depuis le jour que la récusation est formée, on a eu tout le temps nécessaire pour rapporter des preuves d'une parenté déniée par

M....

Je sais bien que M. et madame..... se flattent toujours que, si l'on donnoit un arrêt d'attribution à ceux qui sont naturellement les juges du procès, leur affaire seroit bien plus tôt jugee. Mais, je crois en parler juste et en termes propres, quand je dis qu'ils se flattent lorsqu'ils ont cette pensée.

Un arrêt d'attribution n'empêcheroit pas la voie de la récusation. On récuse des commissaires du roi comme tous autres juges.

Quels seront, d'ailleurs, les juges délégués? Y comprendra-t-on M...... et M......? Mais, on retombera là dans le même état où l'on se trouve par aujourd'hui.

Ne les y comprendra-t-on pas ? Ce ne sera plus suivre la première proposition, qui a toujours été de D'Aguesseau. Tome XII.

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donner un arrêt d'attribution aux juges naturels du procès. Ce sera prendre une autre route, en nommant arbitrairement des commissaires, ce qui ne convient nullement à la nature de ce procès.

Il n'y auroit eu qu'un seul moyen pour parvenir à ce que l'on désire; c'auroit été de convenir, par votre canal, des juges qui seroient nommés dans l'arrêt d'attribution; alors on auroit fermé la porte aux récusations, et ouvert une voie sûre pour l'expédition. de ce long procès. Mais, vous m'assurez vous-même qu'on ne peut espérer de faire convenir les deux parties sur le choix des juges, et il est aisé de tirer de ce fait une nouvelle raison contre l'attribution.

Dès le moment qu'on ne commettra plus les juges naturels, mais des juges choisis arbitrairement, délégués pour la décision du procès, peut-on douter que des parties qui ne veulent convenir expressément d'aucuns juges, et qui sont supposés avoir envie d'éluder le jugement, ne forment opposition à l'arrêt d'attribution? Ainsi, cette opposition, qui aura même des moyens spécieux, parce qu'en effet une pareille attribution paroîtra toujours assez extraordinaire, deviendra la matière d'une nouvelle instance, qui retardera encore le jugement du procès, ce qui fera peut-être regretter, à M. et à madame..... 'de ne s'être pas renfermés dans les règles de l'ordre commun, toujours plus sûres que les exceptions.

Je craindrois donc de leur rendre un fort mauvais office, si je devenois plus facile sur une attribution forcée, dont je crois, d'ailleurs, qu'on ne trouvera point d'exemple dans l'état où est actuellement leur procès; et, au surplus, si l'on craint que leurs leurs parties ne veuillent gagner encore le temps de la séance présente du parlement de Bordeaux, il y a un moyen simple et régulier pour l'empêcher; c'est de déclarer dès à présent qu'en quelque temps que le rapport soit commencé, le roi donnera des lettres-patentes pour proroger le pouvoir des juges au-delà du terme ordinaire des séances, de votre compagnie.

Prenez donc, s'il vous plaît, la peine de faire com

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