Page images
PDF
EPUB

Suivant cet article, l'acceptation faite par le donataire équipolle à l'acceptation qui seroit faite par les substitués: or, toute donation valablement acceptée par les donataires est irrévocable; donc elle l'est même par rapport aux substitués.

Pour examiner si ce raisonnement est aussi solide qu'il est spécieux, il faut distinguer deux choses dans les donations, et voir quelle est celle qui a été l'objet de l'ordonnance du mois de février 1731 :

L'une, est ce qui appartient à la solennité des donations, et qui en assure la validité ;

L'autre, est ce qui regarde leur durée, c'est-à-dire, leur stabilité ou leur mutabilité.

De ces deux points, le premier a été le seul objet de toutes les dispositions de l'ordonnance des donations sur l'acceptation, qui est tellement de l'essence des donations entre-vifs, que rien n'y peut suppléer suivant la même ordonnance.

L'article 11, dont il s'agit, est compris dans le nombre des dispositions qu'il faut réunir dans cette vue, et quel est l'objet de cet article?

On avoit décidé, dans les articles précédens, que l'acceptation expresse étoit nécessaire, et l'on n'avoit excepté de cette règle que les donations faites dans un contrat de mariage, où l'engagement principal l'on contracte renferme une acceptation générale et suffisante de toutes les dispositions du contrat.

que

Mais, il se présentoit une difficulté à décider sur les donations faites à ceux qui n'étoient pas encore nés où chargés de substitutions en leur faveur ; seront-elles valables sans acceptation, ou le premier donataire, le donataire direct, seroit-il censé accepter, tant pour lui que pour les substitués, comme leur procureur établi par la loi, et son acceptation suffiroit-elle pour la validité de la donation, même à l'égard des substitués ? C'étoit la question qu'on avoit à décider. On s'est déterminé, par le second parti ; mais, tout ce qu'il en résulte, est que l'acceptation du premier donataire est valable, même pour les

seconds, que , que l'acte a toute sa forme, et qu'il ne lui manque rien du côté de la solennité.

S'ensuit-il de la que, parce qu'une donation entrevifs légitimement acceptée est irrévocable, la substitution apposée à cette donation sera aussi regardée de la même manière, sous prétexte qu'elle peut être considérée comme une donation faite aux substitués, et acceptée pour eux par le premier donataire?

C'est une question qui n'a pas été prévue dans le temps de l'ordonnance des donations, et qui appartient au second point qu'on a distingué d'abord c'est-à-dire, à ce qui regarde la durée, la stabilité ou la mutabilité des donations. Voilà ce qui n'a point été réglé par l'ordonnance de 1731 ce qui dépend de savoir s'il n'y a point de cas où une donation, quoique valable, et revêtue de sa forme essentielle, peut être révoquée,

L'ordonnance de 1731 en fournit un exemple dans la révocation des donations entre-vifs, par la survenance des enfans. Les donations qui sont révoquées par cet événement ont eu toute leur force, toute leur validité dans le temps qu'elles ont été faites; cependant, elles n'en sont pas moins révoquées par la survenance des enfans.

Et pourquoi le sont-elles ex præsumpta mente donatoris ? On présume qu'il n'auroit point donné, si de liberis cogitasset, ou qu'il n'a voulu donner que sous cette condition tacite, si liberos posteà non suscepisset.

Il n'est donc pas nouveau qu'on applique, aux donations entre-vifs, les conjectures de volonté qui ont lieu à l'égard des testamens; et c'est une suite du dernier droit, qui, comme on l'a déjà dit, en permettant de charger les donations entre-vifs de substitution, est censé les avoir égalé en quelque manière

aux testamens.

Or, si cela est, pourquoi n'en emprunteroient-elles pas la liberté de changer de volonté, usquè ad extremum vitæ spiritum, surtout dans la partie de la D'Aguesseau. Tome XII.

34

donation qui imite absolument les dispositions testamentaires ?

Pour développer davantage cette pensée, il faut considérer les donations chargées de fideicommis comme des actes mixtes, qui participent à la nature des donations entre-vifs et à celle des dispositions de dernière volonté.

Dans ce qui se passe entre le donateur et le donataire, c'est une véritable donation entre-vifs, quæ in vim contractus transit, et sine utriusque consensu solvi non potest.

Mais, dans ce qui regarde les substitutions, c'est : mera liberalitas seu patris familias providentia nulla jure adstricta, quæ ut ultima voluntas spectatur.

Si, pour assurer la validité de l'acte dans la forme extérieure, on a voulu favorablement que l'acceptation du premier donateur servît aux substitués, c'est une décision qui ne tombe que sur la solennité de l'acte, qui ne tend qu'à prévenir un doute sur la validité ou la suffisance de l'acceptation, mais qui ne change point la nature du fideicommis, toujours révocable de droit, tant qu'il n'est point réellement

accepté par celui qui en doit profiter. La fiction par laquelle il est présumé l'avoir accepté dans la personne du premier donataire est, comme toutes les fictions de droit qui ne peuvent l'emporter sur la vérité, et qui doivent être restreintes à leur véritable objet. Or, quel est l'objet de celle qu'on a autorisée, par l'ordonnance des donations? C'est uniquement ne actus pereat solemnitatis defectu, valeat igitur, à la bonne heure; sed in suá natura permaneat, id est mutationi semper obnoxius. On peut tout renfermer en un seul mot, qu'il subsiste irrévocable entre le donateur et le donataire, parce qu'entr'eux c'est un véritable contrat ; qu'il soit regardé comme valable, et comme ayant une forme suffisante à l'égard même des substitués; comme un testament qui seroit revêtu de toute sa solennité,

mais qui ne subsiste que comme révocable; puisque, à l'égard des substitués, c'est plutôt une disposition de dernière volonté qu'une donation entre-vifs. Il est défendu de chicaner par le défaut d'acceptation; mais le donataire demeure le maître de révoquer sa disposition, quoique valable, parce que, formée sur le modèle des testamens, elle renferme toujours cette condition tacite : nisi priùs voluntatis pænituerit. L'acceptation présumée est établie en faveur des substitués, pour les mettre en état de profiter des fidéicommis; elle n'est point établie contre le donateur, pour le lier par un engagement irrévocable.

Ainsi paroissent avoir raisonné tous les parlemens, à la réserve de celui de Paris, quoiqu'ils n'ignorent pas la disposition de l'art. 11 de l'ordonnance de 1731, et le parlement de Paris est le seul qui semble avoir voulu l'étendre au-delà de ses véritables bornes.

Il résulte, de toutes ces réflexions:

1.° Que la question présente n'est point véritablement et irrévocablement décidée par l'ordonnance des donations, et qu'elle subsiste encore en son entier ;

2.° Que, si on la décide suivant la rigueur des principes du droit civil, le principe de la révocabilité des fidéicommis apposés à une donation entrevifs devroit avoir la préférence, en exceptant seu

lement :

1.o Le cas des donations ou d'une institution faite dans un contrat de mariage en faveur de ceux qui en naîtront;

2. Le cas du fidéicommis, accepté expressément par celui qu'on y a appelé, parce qu'il s'agit alors d'un véritable contrat;

3.° Que, si l'on consulte moins la rigueur des principes du droit écrit que l'utilité publique et l'avantage d'une loi simple qui prévienne un grand nombre de procès, l'opinion du parlement de Paris peut être soutenue par de très-grandes raisons.

Ainsi, quant à présent, je m'en tiens à cette ancienne formule des jugemens romains : Non liquet ampliùs deliberandum.

Seconde question générale.

« Doit-on distinguer, dans cette matière, le cas des >> institutions contractuelles, celui des donations faites » par contrat de mariage, et celui des donations faites » par d'autres actes » ?

Premier cas. Y a-t-il de la différence sur le point dont il s'agit entre une donation entre-vifs portée dans un contrat de mariage, et une institution contractuelle qui n'a lieu que dans le même contrat ?

Pour égaler ces deux genres de disposition, sans aucune distinction, dans la matière présente, en sorte qu'ils soient ou également révocables ou également irrévocables, Grenoble, Pau, Alsace, Besançon Metz, Flandre, Paris; on peut aussi y joindre Bordeaux. V. infrà.

Pour mettre la différence entre ces deux sortes de dispositions, et dire que le fideicommis apposé à une institution contractuelle est révocable, à l'exception de celui qui seroit fait au profit des descendans des futurs conjoints.

Toulouse et Aix n'ont point traité expressément la question; mais, suivant leur manière de penser, il n'y a pas d'apparence qu'ils admettent la distinction de Dijon.

Roussillon n'a pu agiter la question, parce que les institutions contractuelles, même des enfans, pas reçues.

n'y

sont

La distinction singulière et subtile de Dijon doit céder aux vrais principes, et à la presque unanimité des parlemens, qui excluent, avec raison, une différence insoutenable.

4

Second cas. Doit-on mettre une distinction entre les donations entre-vifs faites en contrat de mariage, et celles qui sont faites par d'autres actes ?

« PreviousContinue »