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dure, et sur lesquelles les différens tribunaux avoient interprété différemment les dispositions des ordonnances, a interrompu pendant quelque temps le travail commencé par les ordres du roi, sur les diversités de jurisprudence qui se sont introduites dans les cours, et où il s'agit du fond même des questions qu'elles sont obligées de décider. Mais Sa Majesté ne perd point de vue un objet si digne de son amour pour la justice; et elle a cru que, s'étant proposée d'abord d'établir des règles fixes et uniformes sur les dispositions de pure libéralité, soit entre-vifs ou à cause de mort, comme elle l'a fait par son ordonnance de 1731 sur les donations, par celle de 1735 sur les testamens, et comme elle le fera par celle qui doit paroître bientôt sur les substitutions, il étoit naturel d'y en ajouter une quatrième sur les différentes incapacités de donner et de recevoir : c'est ce qui fait la matière des questions dont je vous envoie six exemplaires. Comme dans l'examen de ces questions l'on doit envisager ce qui convient au bien commun de la société, encore plus que les principes du droit romain, ou ceux du droit coutumier, qui sont beaucoup moins opposés dans cette matière que dans d'autres vous trouverez dans ce que je vous envoie, qu'on a cru devoir s'y élever par des vues supérieures, jusqu'à mettre en question, sur deux ou trois points, s'il ne seroit pas à propos de déroger à certaines dispositions ou des lois romaines ou des coutumes, pour tendre plus directement au bien public, sur des questions qui n'intéressent point le système général des unes ou des autres lois.

Vous examinerez, sans doute, dans le même esprit de législation, les questions nouvelles que je vous adresse, en associant à votre travail les magistrats de votre compagnie que vous en croirez les plus capables, ainsi que vous en avez usé à l'égard des questions que je vous ai envoyées dans les années précédentes; et la manière dont elles ont été traitées dans les avis que j'ai reçus me fait connoître ce qu'on doit attendre, en cette occasion, de leur zèle, de leurs

lumières et de leur expérience. J'ajouterai seulement ici que lorsque les magistrats, qui examineront les questions présentes, ne seront pas du même sentiment, il sera bon d'en faire mention dans les réponses qui me seront adressées, et d'y marquer, en peu de mots, les raisons des différens avis.

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Je ne compte pas que dans un temps où les juges ne doivent avoir en vue que la prompte expédition des procès, à la fin de la séance du parlement, ils puissent avoir le loisir de commencer l'examen des questions que je joins à cette lettre; mais comme ils pourront s'y appliquer beaucoup plus aisément dans le temps du repos que les vacations prochaines vont leur procurer, j'ai cru devoir vous envoyer dès-à-présent ces questions, afin que vous puissiez, avant la fin de la séance présente, en faire le partage entre ceux qui se. chargeront de les approfondir et de les discuter exactement, pour se rassembler ensuite après l'ouverture du parlement prochain, et profiter en commun du travail qu'ils auront fait chacun séparément, moyennant. quoi vous serez en état de m'envoyer alors, le plus promptement qu'il vous sera possible, le résultat des conférences qui auront été faites sur des questions si intéressantes, pour la sûreté et pour la tranquillité des familles.

Questions sur les Capacités et Incapacités de donner et de recevoir (1).

QUEST. 1.re Si les dispositions à cause de mort, faites par un étranger non naturalisé, sont valables quand elles sont au profit de ses enfans, ou de ses parens demeurant dans le royaume?

2. Si un Français sorti du royaume, sans permission du roi, pour s'établir à perpétuité dans un

(1) Ces questions n'ont pas été suivies d'ordonnance.

pays étranger, peut-il faire un testament en faveur de ses parens demeurant dans le royaume

?

Quid? A l'égard de ses enfans nés en pays étranger depuis qu'il s'y est établi, et qui continuent d'y résider?

ou

3. Si les enfans naturels sont capables des dispositions entre-vifs ou à cause de mort, soit universelles ou particulières, faites par leur père mère; ou si l'on doit les regarder comme incapables de toutes dispositions de libéralité, excepté les dons ou legs d'alimens ?

Quid? Si la disposition est faite par un des ascendans du père ou de la mère de l'enfant naturel?

4. Si les enfans légitimes d'un bâtard sont capables de recevoir des libéralités faites en leur faveur, par le père ou la mère du bâtard ou leurs ascendans?

5. Si l'on doit autoriser ou abroger les statuts ou usages de quelques pays, qui rendent les enfans naturels capables de succéder ab intestat à leurs mères, ou qui contiennent d'autres dispositions en leur faveur?

6. Si les enfans nés d'un mariage nul, où l'un des contractans étoit de bonne foi, sont capables des dispositions faites en leur faveur, par celui des contractans qui étoit de mauvaise foi?

7. Si un homme veuf, ou une femme veuve, qui contracte une alliance déshonorante avec une personne indigne, ou d'une condition basse par rapport à la sienne, peut lui faire une donation par contrat de mariage?

Quid? Si la donation a précédé le contrat de mariage?

8. Seroit-il à propos d'établir une règle uniforme dans tout le royaume, pour fixer l'âge de la majorité à vingt-cinq ans accomplis?

9. Conviendroit-il aussi de fixer l'âge auquel les mineurs seroient émancipés de droit, ou de laisser subsister les différences qu'on trouve sur ce point, D'Aguesseau. Tome XII.

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soit entre le droit écrit ou le droit coutumier, soit entre les différentes coutumes?

Si l'on prenoit le premier parti, à quel âge conviendroit-il de fixer cette espèce d'émancipation; et faudroit il distinguer, sur ce point, les mâles et les femelles, les nobles et les roturiers?

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10. Doit-on laisser subsister les règles différemment établies dans différens pays de la domination du roi sur l'âge auquel les mineurs peuvent faire des dispositions à cause de mort; ou seroit-il mieux de fixer cet âgé d'une manière uniforme dans tout le royaume, et en ce cas quel seroit cet âge?

Seroit-il convenable de l'avancer en faveur des femelles plus qu'en faveur des mâles?

Auroit-on égard, en fixant l'âge où les mineurs auroient la faculté de faire des testamens ou autres dispositions à cause de mort, à la différente nature des biens dont ils disposcroient, comme meubles et immeubles, propres ou acquêts?

11. Un mineur peut-il faire une donation entrevifs pour récompense de services réels et prouvés, auxquels la donation seroit à peu près équipollente ?

12. Le mineur peut-il faire une disposition entrevifs, ou une disposition à cause de mort, en faveur de celui qui n'a été nommé son tuteur ou son curateur, que pour un acte particulier comme un parlage, ou pour l'assister dans ses procès ?

Faudroit-il distinguer, entre celui qui n'auroit été nommé que pour l'assister dans une affaire particulière, et celui qui auroit été chargé de l'assister dans tous ses procès, ou seroit-il plus sûr et meilleur d'exclure toutes distinctions en cette matière ?

13. Doit-on autoriser les donations entre-vifs, ou les dispositions à cause de mort, de ceux qui sont interdits pour démence, lorsqu'elles ont été faites dans des intervalles dits lucides; et ne seroit-il pas plus à propos de défendre absolument d'y avoir égard?

Même question sur la révocation des dispositions antérieures à la démence, qui ne seroit faite que depuis l'interdiction fondée sur cette cause.

14. Si les dispositions à cause de mort, faites par

ceux qui sont interdits pour cause de prodigalité, sont valables?

Quid? A l'égard de ceux à qui la justice a donné un conseil nécessaire, sans lequel ils ne peuvent s'obliger

ni contracter.

15. Toutes les dispositions à cause de mort, faites par un prodigue interdit, qui n'ont point une date certaine et constatée par un acte authentique, ou par des circonstances équipollentes, doivent-elles être déclarées nulles, comme présumées faites depuis l'interdiction?

16. Si celui qui est interdit pour cause de prodigalité, ou à qui il auroit été donné un conseil néces→ saire, peut révoquer une disposition à cause de mort, qu'il auroit faite avant son interdiction?

17. Si les religieux profès sont incapables de faire des dispositions entre-vifs, à cause de mort, et même pour leur pécule, encore qu'ils eussent obtenu une permission ou une dispense à cet effet?

Y a-t-il quelque exception à faire pour les chevaliers de Malthe?

Quid? Des religieux promus à l'épiscopat?

18. S'il y a encore des pays dans le royaume où l'authentique ingressi Cod. de Sacrosanct. eccles. soit observée; et en ce cas, ne seroit-il pas à propos d'en abolir la disposition, afin d'établir une règle uniforme sur cette matière dans tous les états soumis à la domination du roi ?

19. Si la profession tacite de l'état religieux, c'està-dire, celle qui est présumée par la longue demeure dans un monastère avec l'habit de religieux, et par l'observance de la règle sans aucun voeu solennel, doit être autorisée en France; et s'il en résulte une incapacité pareille à celle du religieux qui a fait une profession expresse? ?..

Quid? De ceux qui ont porté l'habit d'ermite sans aucune profession expresse?

Après quel temps cette incapacité auroit-elle lieu, si on prenoit le parti de l'établir?

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