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de contraire à la disposition des ordonnances, en laissant aux plaideurs l'usage de cette espèce de subtilité, qui, pour me servir des termes d'un jurisconsulte romain, salvis verbis legis salvis verbis legis, sententiam ejus

circumvenit.

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Je ne puis, Monsieur, que louer le désir que vous avez de vous éclaircir du véritable sens de l'article 9 de l'ordonnance concernant les testamens, quoique vous eussiez pu lever vous-même les doutes que vous me proposez, en pesant attentivement l'esprit et la lettre de cette ordonnance, et la disposition de la déclaration que le roi envoya au parlement de Provence en 1745,

Il vous auroit été facile de reconnoître d'abord, que l'esprit de l'ordonnance a été de prévenir des surprises dont il n'y a eu que trop d'exemples, en exigeant la présence d'un notaire qui écrive lui-même ce qui lui est dicté par le testateur dans le cas du testament nuncupatif, et l'acte de suscription, s'il s'agit d'un testament mystique. Comment pourroiton être certain par l'acte même de sa présence, si l'on se contentoit d'une signature qu'il pourroit faire après coup, en l'absence du testateur, et peut-être après sa mort? L'écriture d'un clerc, qui n'a ni caractère public, ni office qui puisse répondre de ses fautes, ne peut en cette matière être équivalente à celle d'un notaire. Vous auriez pu encore remarquer que l'ordonnance défend d'appeler pour témoins fes clercs du notaire, et il seroit bien singulier de supposer qu'elle les eut autorisés à écrire un acte où elle ne veut pas même qu'ils assistent.

Les termes de cette loi excluent encore plus cette idée. Après avoir marqué que le testateur écrira, ou fera écrire par un autre la partie intérieure de son testament, elle ne met pas la même alternative pour le notaire, mais elle porte qu'il dressera l'acte, sans

ajouter, ou le fera dresser par un autre. Ces termes, dressera l'acte, sont impératifs et adressés au notaire seul, comme le terme écrira s'adresse à lui seul dans l'article de l'ordonnance qui concerne le testament nuncupatif. Si l'on s'est servi, en parlant de deux sortes de testamens, de deux expressions différentes, c'est que le mot écrire répond mieux à répondˇmieux la fonction de mettre sur le papier ce que le testateur prononce, et que le mot dresser convient davantage à un acte où le notaire parle et atteste que le testateur lui a présenté un papier contenant ses dispositions. S'il y avoit quelques comparaisons à faire entre une disposition testamentaire et un procès-verbal fait par un juge et écrit par un greffier, vous sentez que ce seroit le testateur qu'il faudroit comparer au juge, et le notaire au greffier qui écrit l'acte de sa main. Il est de l'intérêt des familles, et même de celui des testateurs, d'assurer la vérité de leurs dispositions en observant à la lettre les formes que les lois ont établies dans cette vue; et l'on peut appliquer à celle dont il s'agit, ce texte célèbre du droit romain: Nec ullorum magis interest.... hujus modi exemplum non admitti; et ce qui est dit à la fin du même texte, et sic vera judicia subverterentur.

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Enfin, quoique la déclaration de 1745 n'ait été publiée qu'en Provence, vous pouviez la regarder au moins comme un commentaire de l'ordonnance, qui auroit achevé de dissiper vos doutes à cet égard, n'y ayant point de meilleur interprète d'une loi que le prince même dont elle est émanée. L'indulgence dont Sa Majesté voulut bien user, seulement sur ce qui avoit été fait en conséquence de deux arrêts du parlement d'Aix, quoique cette cour ait passé les bornes de son pouvoir, en autorisant deux notaires infirmes à faire écrire les actes à cause de mort par leurs clercs, forme une de ces exceptions singulières, qui ne doivent servir qu'à confirmer encore plus la règle; et Sa Majesté n'eut aucun égard au surplus, à l'usage qu'on alléguoit s'être introduit en Provence depuis la publication de l'ordonnance, parce que les

héritiers du sang n'étant pas moins sous sa protection que les héritiers testamentaires, il n'auroit pas été juste d'accorder aux derniers une faveur qui auroit ôté un droit acquis aux premiers, et qui auroit été encore plus préjudiciable au public, en autorisant une diversité d'usages dans l'observation d'une ordonnance qui n'a été faite que pour établir des règles uniformes. L'inquiétude que vous me mandez s'être répandue dans le pays où vous êtes, à l'occasion de quelques demandes en nullité de testamens, seroit bien mieux fondée si l'on n'y tenoit pas la main à l'observation exacte des règles que l'ordonnance a prescrites pour la sûreté des familles. J'espère donc qu'après ces éclaircissemens vous ne vous ferez aucune peine de remplir, avec votre zèle ordinaire, les fonctions de votre ministère, dans les occasions où les dispositions de dernière volonté ne seroient pas revêtues des formes que cette loi exige, et où la nullité de ces dispositions n'auroit pas été couverte par le fait des héritiers du sang qui les auroient approuvées ou exécutées volontairement et en majorité.

Du..

J'avois déjà vu, par le mémoire des syndics de la Cerdagne et du Capsir, qu'il y avoit eu dans ce pays plusieurs testamens qui n'avoient été signés que par un seul témoin avec celui qui les avoit reçus, malgré la disposition précise de l'ordonnance de 1735.

J'ai été encore plus surpris de voir, par le certificat joint à votre lettre, qu'un notaire de Perpignan est dépositaire, non-seulement de beaucoup de testamens qui ont ce défaut, mais aussi d'un nombre encore plus grand d'actes de dernière volonté, qui ne sont signés que d'un curé seul, sans la signature d'aucun témoin.

Des dispositions si informes ne peuvent être regardées que comme des contraventions à l'ordon

nance, commises sans aucun prétexte; car on nẹ peut point alléguer que cette loi n'ait pas été connue, ayant été publiée depuis long-temps dans le ressort du comté de Roussillon; on ne peut pas dire qu'il y eût de l'obscurité dans ses expressions, sur lesquelles il ne s'est élevé aucun doute. Ce seroit donc autoriser à ne les déférer aux lois, que d'approuver de pareils

actes.

Il n'y a pas même d'exemple d'aucune loi qui ait permis ou confirmé des dispositions où la volonté du testateur ne seroit attestée que par une seule personne, et il est aisé de sentir combien il seroit dangereux de les regarder comme valables,

En général, ces sortes de grâces sont d'une grande conséquence, parce qu'elles donnent occasion de multiplier les contraventions aux lois les plus importantes, dans l'espérance d'obtenir ensuite la confirmation des actes qui y seroient contraires. Les lois de forme seroient inutiles, si l'on ne prononçoit jamais la peine de nullité; et, en les renouvelant pour l'avenir, elles ne seroient pas mieux observées, parce qu'on comp teroit toujours sur la même indulgence,

Les règles de la justice ne permettent pas de faire valoir ce qui est évidemment nul au préjudice de ceux qui ont des droits légitimes, et même sans les entendre, Sa Majesté est toujours très-disposée à donner, à ses peuples de Roussillon et de la Cerdagne, des marques de sa bonté. Mais, en favorisant quelques particuliers dans cette occasion, elle cause roit un tort réel à beaucoup d'autres qui sont également habitans de la même province, et elle les dépouilleroit des biens qui leur appartiennent par les droits du sang et par les lois de leur pays.

La grâce que le roi a bien voulu accorder, par sa déclaration de 1745, ne regardoit que l'omission de quelques formalités purement extérieures; mais, il s'agit ici de ce qui est le plus indispensable, pour prouver qu'une disposition testamentaire est véritablement la volonté du testateur, On ne peut être certain de cette volonté par la signature d'une seule

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personne avec le curé, encore moins par celle d'un curé seul. Il est de l'intérêt des testateurs eux-mêmes qu'on ne fasse pas paroître, après leur mort, des dispositions qui seroient l'ouvrage d'une volonté étrangère. Rien n'est aussi plus intéressant pour les familles que de prévenir des surprises qui ne sont que trop fréquentes.

Le roi est donc résolu de ne pas autoriser les testamens qui ont de tels défauts, et compte que son conseil de Roussillon tiendra la main à l'exécution de son ordonnance de 1735: il ne conviendroit pas, au surplus, de faire connoître au public quelle est la quantité des testamens qui se trouvent contraires aux dispositions de l'ordonnance; mais, il me paroît nécessaire que les notaires et les autres personnes qui peuvent recevoir des testamens dans le ressort de votre compagnie, soient avertis qu'ils doivent se conformer exactement à toutes les dispositions de l'ordonnance de 1735, et en particulier à celles des articles 44 et 45, et que, s'ils s'en écartoient, le conseil supérieur ne pourroit se dispenser de réprimer ceux qui y auroient contrevenu. C'est ce que vous pouvez faire, tant de vive voix que par des lettres; il y a lieu d'espérer que cela suffira, pour leur faire mieux observer une loi à laquelle Sa Majesté ne peut pas souffrir qu'il soit donné aucune

atteinte.

S. VI. - Projet d'ordonnance sur les Capacités et Incapacités de disposer à titre gratuit (1).

Du 28 octobre 1736.

LA nécessité de pourvoir à des matières importantes, qui regardent la forme et l'ordre de la procé

(1) Cette lettre étoit circulaire, et accompagnoit les Ques tions imprimées page 464 ci-après.

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