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forme littéra lement prescrite par l'ordonnance. Ainsi, en retranchant du nombre des actes compris dans les certificats de quelques notaires ceux qui ont élé refaits ou qui pourront l'être, et ceux que la nouvelle déclaration met en sûreté, comme ayant été suivie d'une exécution volontaire ou d'un acquiescement exprès, ce qui peut rester de testamens, dans lesquels on a contrevenu à l'ordonnance, n'a pas paru former une considération suffisante pour les faire excepter de la disposition générale d'une loi, qui a dû commencer à être exécutée du jour de sa publication.

Il n'y auroit plus rien de certain, si l'on ne se fixoit pas à cette époque pour décider du sort des actes postérieurs; et, après tout, le plus grand inconvénient qui en puisse arriver est, que l'ordre des successions légitimes soit suivi, et que l'héritier du sang profite d'une hérédité que la nature et la loi lui. avoient destinée, plutôt qu'un héritier testamentaire, qui n'y est appelé que par un testament nul et contraire à l'ordonnance.

Je remets à votre prudence de faire l'usage que vous jugerez à-propos de ces réflexions, pour résoudre les difficultés qui pourroient vous être proposées sur ce sujet; mais la conduite que votre compagnie a tenue, en demandant la décision du roi me persuade qu'elle y sera reçue sans aucune contradiction.

Du 30 octobre 1748.

Je ne saurois vous dissimuler que le conseil du roi fut très-mal édifié, il n'y a pas long-temps, des motifs que le parlement de Dijon avoit envoyés pour justifier un arrêt qui étoit attaqué par une demande en cassation, et qui avoit été rendu par la chambre des enquêtes, à laquelle vous présidiez dans le temps de cet arrêt.

Le défaut essentiel du testament que le parlement avoit confirmé par son arrêt, ne tomboit que sur la formalité extérieure de l'acte, et il consistoit en ce les témoins n'avoient pas été présens lorsque le que testateur avoit expliqué ses dernières volontés.

Au lieu de s'attacher à un objet si simple, le rédacteur des motifs les avoit commencés par observer assez inutilement, que le testament ne pouvoit être soupçonné de suggestion; mais il en avoit besoin pour se préparer à avancer cet étrange principe, qu'il puroit plus naturel de se conformer à l'esprit de la loi, que de s'attacher servilement à des formalités qui n'ont été prescrites que dans la vue d'éviter la fraude et la suggestion.

Avec cette maxime générale, si elle pouvoit être tolérée, il n'y auroit aucun juge qui ne se crût en droit de mépriser toutes les formalités qui ont été si sagement établies par les lois, pour assurer la vérité et la solennité des actes les plus importans de la société civile. Leur exécution deviendroit absolument arbitraire; chaque juge, selon les motifs qu'il lui plairoit d'attribuer au législateur, s'imagineroit pouvoir en conclure qu'il n'est pas dans le cas pour lequel la loi a été faite; et il se glorifieroit d'avoir secoué le joug servile de la lettre, pour suivre ce qu'il lui plairoit d'en appeler l'esprit.

Il n'est pas vrai, d'ailleurs, que toutes les formalités dont les testamens doivent être revêtus n'aient été établies, soit par les lois romaines, ou par les ordonnances de nos rois, que dans la seule vue de prévenir la fraude et la suggestion. Le seul motif de ces lois a été de ne pas faire dépendre la connoissance et l'exécution d'un acte que la mort rend irrévocable, de la foi d'un seul homme, qui pourroit avoir mal entendu, ou mal rédigé, ou peutêtre altéré les dispositions d'un mourant, qu'il auroit été le maître absolu d'écrire à son gré. C'est sur ce fondement que la présence des témoins a été jugée nécessaire par tous les législateurs; et il ne falloit pas, pour sauver un arrêt qui ne pouvoit se soutenir, res

treindre à un seul objet, qui n'est pas même l'objet direct et principal, les raisons des sages précautions que les lois ont prises dans cette matière.

Il y a apparence néanmoins, qu'on a senti la foi blesse du moyen dont je viens de parler, et qu'on a cherché à le fortifier, en appelant au secours de cet arrêt l'autorité du droit écrit ; mais l'usage qu'on a youlu en faire en cette occasion a paru encore plus extraordinaire aux yeux du conseil.

Il s'agissoit dans l'affaire présente d'un testament nuncupatif; et ceux qui ont dressé les motifs ont voulu, par une équivoque qui n'étoit pas digne d'eux, y appliquer les règles qui n'ont été établies par les lois romaines, que pour les testamens mystiques.

C'est donc bien en vain qu'ils ont cherché à se prévaloir de la loi Hac consultissima, au code de testamentis, et des sentimens de plusieurs jurisconsultes, qui n'ont rapport qu'à cette espèce de

testamens.

Personne n'ignore que, comme dans cette forme de tester c'est le testateur qui écrit lui-même en particulier ses dernières dispositions, ou qui les fait écrire par un autre, la présence des témoins, lorsqu'il y travaille, ce qu'il est le maître de faire en différens temps, ne peut jamais être requise.

Elle ne devient nécessaire que lorsqu'il présente son testament au notaire et aux témoins, et qu'il y fait mettre une enveloppe avec une suscription, qui est le seul acte qu'ils doivent tous signer également. C'est en cela que consiste toute la force d'un pareil testament, comme Dumoulin l'a fort bien observé dans le passage cité par l'auteur des motifs.

Mais auroit-on dû dépayser, pour ainsi dire, l'espèce de l'affaire présente, et oublier qu'il y étoit question, non pas d'un testament mystique, mais d'un testament nuncupatif; d'où l'on auroit dû conclure que la loi par laquelle on devoit en juger étoit écrite dans l'article 5 du titre de l'ordonnance qui a été faite sur les testamens, et qui ordonne si clairement et expressément, que le testateur qui voudra

faire cette espèce de testament, le prononcera intelligiblement en présence au moins de sept témoins, y compris le notaire ou tabellion, lequel écrira lesdites dispositions à mesure qu'elles seront prononcées par le testateur, etc.

Bien loin que la nécessité de la présence de ces temoins ait quelque chose de nouveau ou de contraire au texte du droit civil, il n'y a qu'à lire une autre loi du code, qui commence par les mêmes mots : Hac consultissima, dans le titre, Qui testamenta facere possunt, pour être convaincu que cette nécessité dans le testament nuncupatif a été également reconnue par les empercurs romains. Quoique cette loi n'ait pour objet direct que le cas d'un testateur aveugle, Justinien a eu soin néanmoins d'y marquer, que les mêmes règles sur la présence des témoins avoient lieu dans tous les autres testamens du même genre, excepté en ce qu'il ajoute la présence d'un notaire ou d'un huitième témoin, lorsqu'il s'agit d'un testateur qui a perdu l'usage de la vue.

La peine de nullité est de droit, quand il s'agit de formalités essentiellement prescrites par la loi ; mais le parlement de Dijon n'étoit pas même obligé ici de suppléer au silence du législateur, il trouvoit dans le texte de l'article 47 de l'ordonnance des testamens, une disposition générale qui porte expressément que cette ordonnance, en ce qui concerne la date et la forme des testamens, codicilles, ou autres actes de dernière volonté, et la qualité des témoins, sera exécutée, à peine de nullité, sans préjudice des autres moyens tirés des dispositions des lois ou des coutumes, ou de la suggestion et captation desdits actes, termes qui auroient bien dù faire connoître au rédacteur des motifs, que la nullité résultante du défaut de formalité est indépendante des soupçons de suggestion par lesquels on peut attaquer un tes

tament.

Il a fini ces motifs par des réflexions moins étrangères à la cause qu'il a tirées des défauts de la procédure qui avoit été faite par le frère du testateur,

pour parvenir à la preuve de l'absence des témoins. Mais d'un côté, les principes qu'on rappelle sur ce point ne sauroient s'appliquer à une procédure criminelle; et de l'autre, quand il y auroit eu de l'irrégularité dans celle qui avoit été faite, le parlement auroit dû se contenter de la réformer, au lieu de se déterminer, comme il paroît visiblement l'avoir fait, par des raisons de droit aussi peu solides que celles qu'il a alléguées pour justifier son jugement.

Je n'ai donc pas cru qu'il suffit d'adhérer, comme je l'ai fait, au sentiment unanime de tout le conseil sur la cassation de cet arrêt ; et il m'a paru d'autant plus nécessaire de vous instruire des réflexions qui ont été faites sur les motifs du parlement de Dijon, que ce n'est pas la première fois qu'il a donné des preuves de la répugnance qu'il a à se conformer exactement aux dispositions de l'ordonnance qui regarde les testamens; on en a déjà vu plusieurs exemples au conseil, ou l'on a détruit quelques-uns des arrêts qui étoient contraires à cette loi, et où l'on n'en a laissé subsister d'autres que par des motifs tirés de fins de non-recevoir, ou de quelques circonstances singulières.

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Vous aurez donc soin, s'il vous plaît, de faire part de cette lettre aux juges qui ont rendu l'arrêt que le conseil vient de détruire; et il seroit bon même qu'elle ne fût pas ignorée des autres officiers de votre compagnie, avant qu'ils fussent tous également attentifs à suivre si fidèlement les dispositions de cette loi, que leurs arrêts ne donnassent plus aucune prise à la critique des demandeurs en cassation.

Le conseil du roi ne la prononce jamais qu'à regret; mais il faut que l'autorité de la loi demeure toujours supérieure à celles des juges. Il ne leur convient jamais de disputer contre des principes qui doi vent faire la règle commune de tous les tribunaux auxquels le roi confie l'exécution de ses lois; et il faut commencer par en reconnoître la vérité dans les motifs qu'on envoie au conseil, pour ne soutenir les arrêts. qui sont attaqués que par des moyens qui n'aient rien

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