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Du 8 mars 1736.

LES états de Bourgogne demandèrent au roi, par l'article 12 du cahier qu'ils eurent l'honneur de lui présenter au mois de mars dernier, qu'il plût à Sa Majesté ordonner, par une loi publique, que les fils de famille qui auroient atteint l'âge de vingt ans pourroient tester sans le consentement de leur père.

La réponse du roi a été que Sa Majesté se feroit rendre compte de la jurisprudence observée sur ce point dans la province de Bourgogne, et des motifs d'un arrêt par lequel les états prétendent qu'elle a été changée en 1732, afin d'y pourvoir ensuite ainsi qu'il appartiendroit.

C'est pour suivre la voie qui a été indiquée par cette réponse que MM. les élus des états de Bourgogne m'ont envoyé, depuis peu de jours, un mémoire plus instructif sur la question dont il s'agit, que les cahiers des états ne le pourroient être. Vous le trouverez joint à cette lettre, et je vous prie de le communiquer aux commissaires que vous avez accoutumé de rassembler pour travailler sur les diversités de jurisprudence, afin que je trouve, dans la manière dont ils traiteront cette question, et dans leur avis, les instructions nécessaires pour me mettre en état d'en rendre compte au roi, et de vous faire savoir ensuite la résolution qu'il aura plu à Sa Majesté de prendre sur ce sujet.

Du 7 avril 1736.

J'ATTENDRAI avec plaisir les réflexions que le parlement de Bordeaux doit m'envoyer, sur la nouvelle ordonnance qui regarde les testamens; mais cette compagnie doit considérer, comme les autres, que

l'objet de cette loi est de faire cesser les diversités de jurisprudence en cette matière, et c'est ce qu'il est impossible de faire sans abroger, jusqu'à un certain point, les usages de quelques parlemens; et comme ces usages étoient différens dans les différentes compagnies, si chacune vouloit réclamer les siens, on retomberoit dans la diversité qu'on a voulu faire cesser, et la loi deviendroit absolument inutile.

L'essentiel est que la pureté des principes et le véritable esprit du droit nouveau soit bien conservé dans une pareille loi, comme il l'est, en effet, dans celle des testamens; et il faut que chaque parlement sacrifie ses opinions particulières au grand bien de l'unité de la loi et de l'uniformité de la jurisprudence, c'est ce qui répondra apparemment aux difficultés qu'on travaille à rédiger dans votre compagnie; mais il faut les voir pour en mieux juger encore, et je les examinerai avec toute l'attention, qu'elles pourront mériter.

Je ne suis pas surpris des réflexions que vous faites sur le procès criminel qui a occupé en dernier lieu MM. de la grand'chambre, il est triste qu'on ait-engagé une si grande affaire sur des fondemens si légers; et la diligence avec laquelle les juges ont travaillé à l'examen de ce procès fait honneur à leur zèle pour la justice.

Du 14 mai 1736.

J'AI reçu les remontrances que le parlement de Bordeaux a jugé à propos de faire au roi, au sujet de quelques articles de l'ordonnance que Sa Majesté a faite pour prévenir les diversités de jurisprudence dans la matière des testamens. Je n'ai fait encore que parcourir très-rapidement ces remontrances, et elles m'ont paru rédigées avec tout le respect et toute la sagesse, qui doit régner dans le style de ces sortes d'ouvrages. L'examen du fond des points qui en sont

l'objet demandera une attention encore plus sérieuse ; c'est à quoi j'espère pouvoir travailler incessamment pour en rendre compte au roi, et vous faire ensuite savoir les intentions de Sa Majesté (1).

juin,

Du 7 juillet 1736.

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J'APPRENDS avec plaisir, par votre lettre du 25 , que l'ordonnance du roi sur les testamens a été enregistrée au parlement de Navarre avec une satisfaction générale; et je ne doute pas que l'attention de cette compagnie à la faire exécuter n'achève de la rendre aussi utile au public qu'on le peut dé

sirer.

Du 13 juillet 1736.

LA grande, lettre que je vous écris aujourd'hui est moins pour vous que pour votre compagnie, puisqu'elle contient la réponse que je fais, suivant les intentions du roi, aux remontrances qu'elle a adressées à Sa Majesté, sur l'ordonnance qui concerne les testamens. Je l'aurois fait partir plus tôt, si je n'avois été bien aise d'attendre ce qui se passeroit dans les autres parlemens sur le même sujet. Mais, comme ceux qui ont reçu cette loi, et dont il y en a plusieurs des pays de droit écrit, n'ont point été arrêtés par les mêmes difficultés, je n'ai pas cru devoir différer plus long-temps de répondre à celles du parlement de Bordeaux, et je crois qu'il sera content de la manière dont je l'ai fait, comme je l'ai été de la sagesse et du respect qui règnent dans toutes les expressions de ses remontrances.

* (1) Voir les lettres des 13, 14 juillet et 6 août 1736, cidessous..

Quand vous lui aurez fait part de ma réponse, il restera de voir quel parti on prendra pour finir cette affaire. Je me souviens que, lorsqu'il fut question de l'enregistrement de l'ordonnance sur les donations, votre compagnie, qui avoit fait aussi des remontrances sur cette loi, et qui me parut satisfaite de la réponse que je fis, crut néanmoins qu'elle ne pouvoit procéder à l'enregistrement qu'en vertu des lettres de jussion qui furent envoyées en conséquence, et enregistrées avec l'ordonnance. Je fis alors ce qu'elle désiroit, sans penser néanmoins comme elle sur cette forme. J'ai toujours cru, et je crois encore aujour d'hui qu'il est bien plus décent et plus honorable à un parlement de se rendre aux raisons du roi, qui veut bien traiter avec lui le fond de la matière de ses

lois, que d'aimer mieux ne paroître céder qu'à l'autorité de Sa Majesté. Le scrupule qui engagea votre compagnie à demander des lettres de jussion par rapport à l'ordonnance sur les donations, ne me parut pas trop bien fondé; elle se persuada qu'ayant pris une délibération pour faire des remontrances, elle ne pouvoit plus varier, à moins qu'elle ne connût, par de nouvelles lettres-patentes du roi, que Sa Majesté persistoit dans sa première volonté. Si l'on admettoit ce principe, il en faudroit conclure que toutes les fois qu'un parlement auroit cru devoir faire des remontrances au roi, les lettres de jussion deviendroient absolument nécessaires, lorsque Sa Majesté ne défère pas aux remontrances; mais c'est ce qu'on n'a jamais regardé comme une règle en cette matière. Lorsque des remontrances ont été portées jusqu'au roi, et que Sa Majesté y a répondu, sa réponse a été regardée dans tous les temps comme suffisante, pour rendre le changement de la première délibération et le retour à l'enregistrement de la loi, nonseulement permis, mais juste et conforme aux véritables règles. Il y a un grand nombre d'exemples où l'on voit qu'après une réponse faite verbalement ou par écrit, à des remontrances, le parlement de Paris et les autres parlemens du royaume ont enregistré

si

les ordonnances qui leur avoient paru d'abord susceptibles de difficulté, sans attendre des lettres de jussion, et étant encore plus éloigné d'en demander; c'est pour ne point chercher ici des exemples plus anciens) ce qui est arrivé encore, depuis peu, dans plusieurs parlemens, à l'égard de l'ordonnance même sur les donations, dont j'ai déjà parlé. Au reste, je vous fais faire toutes ces réflexions, c'est uniquement pour l'honneur et pour la dignité de votre compagnie. La voie des lettres de jussion est toujours entre les mains du roi, et elle ne peut jamais coûter qu'à sa bonté. C'est à lui d'en user quand il le juge a propos; mais ce n'est guère à une cour supérieure de désirer qu'il fasse cet usage de son pouvoir; et il est plus digne d'elle de conserver, dans le temps même qu'elle obéit, tout le mérite de sa liberté. Si néanmoins, après toutes ces réflexions, que je fais encore une fois, dans la seule vue de donner à votre compagnie des marques de ma véritable considération, elle pensoit encore aujourd'hui comme elle le faisoit dans le temps de l'ordonnance sur les dona→ tions, je vous prie de me le faire savoir, afin que je puisse en rendre compte au roi, et suivre, quoique à regret, une voie qui ne seroit ne seroit pas de mon goût, si j'avois l'honneur de servir Sa Majesté dans le parlement de Bordeaux.

Du 14 juillet 1736.

VOTRE Compagnie s'est expliquée très-dignement dans ses remontrances, sur l'attention que le roi a eue dans son ordonnance qui regarde les testamens, à ménager, autant qu'il étoit possible, les idées différentes, et même contraires, des pays qui suivent les mêmes lois. Les réflexions que le parlement de Bordeaux a faites sur ce sujet auroient dû le conduire naturellement à ne proposer que par un simple mémoire les difficultés qu'il a trouvées dans l'exécution

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