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berté indéfinie des testateurs, et celui du droit français, qui semble n'avoir travaillé qu'à restreindre et à limiter leur pouvoir, peut être regardée, à la vérité, comme la première origine d'une variété de jurisprudence qui se fait sentir dans cette matière, encore plus que dans aucune autre; mais la principale cause d'une si grande diversité a été l'incertitude que les sentimens des interprètes, souvent contraires les uns aux autres et quelquefois aux lois mêmes qu'ils expliquent, semblent avoir répandu dans les jugemens. Ce n'est pas seulement sur des questions peu intéressantes que les esprits se sont partagés, c'est sur les points même les plus essentiels de la jurisprudence pour assurer la validité et l'effet des dernières volontés. Tels sont la solennité ou la forme extérieure des dispositions testamentaires, l'institution d'héritier, le vice de la prétérition des enfans du testateur, la manière de laisser ou de fixer la légitime, les différentes détractions soit de cette portion sacrée, dont le privilége est fondé sur la loi naturelle, soit de celles que des lois positives accordent aux héritiers institués sous le nom de quarte-falcidie, et de quarte-trébellianique; le droit d'élection donné par le testateur à son héritier; enfin l'exécution et l'effet des dispositions que le domicile du testateur, le lieu où le testament a été fait, et la situation des biens, semblent assujettir à des lois différentes ou même contraires. C'est sur des matières si importantes, que nous jugeons à propos de rendre la jurisprudence entièrement uniforme dans tous les tribunaux de notre royaume; notre intention n'est point de faire, dans cette vue, un changement réel aux dispositions des lois qu'ils ont observées jusqu'à présent. Nous voulons au contraire en affermir l'autorité par des règles tirées de ces lois mêmes, et expliquées d'une manière si précise, que l'incertitude ou la variété des maximes ne soit plus désormais une matière toujours nouvelle d'inquiétude pour les testateurs, de doutes pour les juges, et de procès ruineux pour ceux mêmes qui les gagnent. Nous

ne pouvions parvenir plus sûrement à un si grand bien, qu'en nous faisant rendre un compte exact des usages et des maximes de chaque parlement, ou conseil supérieur de notre royaume, sur la matière des testamens, ainsi que nous l'avons fait sur celle des donations entre-vifs; et nous y avons eu la même satisfaction de voir ces compagnies souvent divisées dans leurs opinions, mais toujours unies par l'amour de la justice, tendre également, quoique par des voies différentes, au grand objet du bien public. Quand nous n'aurions fait que nous déterminer entre ces voies pour en autoriser une seule, l'établissement d'une règle fixe et certaine auroit toujours été un grand avantage pour nos sujets, mais notre affection pour eux a été encore plus loin; et, dans le choix que nous étions obligés de faire, nous avons toujours préféré la règle la plus conforme à cette simplicité qui a été appelée l'amie des lois, parce qu'elle prévient ces distinctions ou ces interprétations spécieuses dont on abuse si souvent pour en éluder la disposition, sous prétexte d'en mieux pénétrer l'esprit. C'est ainsi qu'en éloignant tout ce qui peut rendre les jugemens incertains et arbitraires, nous remplirons le principal objęt de la loi, qui est de tarir, autant qu'il est possible, la source des procès, d'affermir la tranquillité et l'union des citoyens, et de leur faire goûter les fruits de cette justice, que nous regardons comme le fondement du bonheur des peuples, et de la gloire la plus solide des rois. A ces causes, et autres à ce nous mouvans, de l'avis de notre conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui suit :

Art. 1.er Toutes dispositions testamentaires ou à cause de mort, de quelque nature qu'elles soient, seront faites par écrit. Déclarons nulles toutes celles qui ne seroient faites que verbalement; et défendons d'en admettre la preuve par témoins, même sous

prétexte de la modicité de la somme dont il auroit été disposé,

2. Déclarons pareillement nulles toutes dispositions qui ne seroient faites que par signes, encore qu'elles eussent été rédigées par écrit sur les fondemens desdits signes.

3. Voulons aussi que les dispositions qui seroient faites par lettres missives, soient regardées comme nulles et de nul effet.

4. L'usage des testamens nuncupatifs écrits, et des testamens mystiques ou secrets, continuera d'avoir lieu dans les pays de droit écrit, et autres, où Jesdites formes de tester sont autorisées par les coutumes ou statuts (1),

5. Lorsque le testateur voudra faire un testament nuncupatif écrit, il en prononcera intelligiblement toutes les dispositions, en présence au moins de sept témoins, y compris le notaire ou tabellion, lequel écrira lesdites dispositions, à mesure qu'elles seront prononcées par le testateur, après quoi sera fait lecture du testament entier audit testateur, de laquelle lecture il sera fait mention par ledit notaire ou tabellion, et le testament sera signé par le testateur, ensemble par le notaire ou tabellion et par les autres témoins, le tout de suite et sans divertir à autres actes; et en cas que le testateur déclare qu'il ne sait ou ne peut signer, il en sera fait mention (2),

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56. Il suffira que les témoins qui assisteront au testament nuncupatif écrit, y aient été présens tous ensemble, sans qu'il soit nécessaire de faire mention

(1) Voir la lettre du 29 juillet 1736, page 387, et celle du 11 février 1737, page 417.

(2) Voir la lettre du 29 juillet 1736, page 387; celle du 11 février 1737, page 417; celle du 23 novembre même année, page 426; celle du 30 décembre 1742, page 445; celle du 3i mars 1745, page 450, et celle du 30 octobre 1748, page 453.

qu'ils aient été priés et convoqués à cet effet; ce qui aura lieu pareillement à l'égard de tous les testamens et autres actes de dernière volonté, ou la présence des témoins est nécessaire (1).

7. Si le testateur est aveugle, ou si dans le temps du testament, il n'a pas l'usage de la vue, il sera appelé un témoin outre le nombre porté par l'article 5, lequel signera le testament avec les autres témoins.

8. Si le testateur ne peut parler, soit par un défaut naturel, ou autrement, il ne pourra faire de disposition à cause de mort, que dans la forme portée par les articles 9 et 12 ci-après (2).

9. Lorsque le testateur voudra faire un testament mystique ou secret, il sera tenu de signer ses dispositions, soit qu'il les ait écrites lui-même, ou qu'il les ait fait écrire par un autre, sur le papier qui contiendra lesdites dispositions, ensemble le papier qui servira d'enveloppe, s'il y en a une, clos et scellé avec les précautions en tel cas requises et accoutumées; le testateur présentera ledit papier, ainsi clos et scellé, à sept témoins au moins, y compris le notaire ou tabellion, où il le fera clore et sceller en leur présence, et il déclarera que le contenu audit papier est son testament écrit et signé de lui, ou écrit par un autre, et signé de lui; ledit notaire ou tabellion en dressera l'acte de suscription, qui sera écrit sur ledit papier ou sur la feuille qui servira d'enveloppe, et sera ledit acte signé, tant par le testateur, que par le notaire ou tabellion, ensemble par les autres témoins, sans qu'il soit nécessaire d'y apposer le sceau de chacun desdits témoins. Tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à autres actes; et en cas que le testateur, par un empêchement survenu depuis la signature du testament, ne puisse signer l'acte de suscription, il sera fait men

(1) Voir la lettre du 23 novembre 1737, page 426.
(2) Voir la lettre dų 11 février 1737, page 417.

tion de la déclaration qu'il en aura faite, sans qu'il soit besoin, en ce cas, d'augmenter le nombre des témoins (1).

10. Si le testateur ne sait signer, ou s'il n'a pu le faire lorsqu'il a fait écrire ses dispositions, il sera appelé à l'acte de suscription un témoin, outre le nombre porté par l'article précédent, lequel signera ledit acte avec les autres témoins, et il y sera fait mention de la cause pour laquelle ledit témoin aura été appelé

11. Ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de disposition dans la forme du testament mystique.

12. En cas que le testateur ne puisse parler, mais qu'il puisse écrire, il pourra faire un testament mystique, à la charge que ledit testament sera entièrement écrit, daté et signé de sa main; qu'il le présentera au notaire ou tabellion, et aux autres témoins, et qu'au haut de l'acte de suscription il écrira, en leur présence, que le papier qu'il présente est son testament; après quoi ledit notaire ou tabellion écrira l'acte de suscription, dans lequel il sera fait mention que le testateur a écrit ces mots en présence dudit notaire ou tabellion et des témoins; et sera au surplus observé tout ce qui est prescrit par l'article 9 (2).

13. N'entendons par les dispositions des articles 5 et 9, déroger aux statuts ou coutumes observées dans les lieux régis par le droit écrit, qui exigent un nombre de témoins moindre que celui qui est porté auxdits articles, à la charge néanmoins d'appeler un témoin, outre le nombre requis par lesdites coutumes ou statuts, dans les cas mentionnés aux articles 7 et 10.

(1) Voir la lettre du 23 novembre 1737, page 426, et celle du 26 janvier 1750, page 458.

(2) Voir la lettre du 14 juillet 1736, page 377.

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