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Du 6 avril 1736.

Je conçois aisément toutes les inquiétudes de madame... et il faut avouer qu'elles sont aisées à justifier par l'expérience du passé; mais, quoique je la plaigne plus véritablement que personne, je ne vois pas trop ce que l'on pourroit faire en sa faveur.

Dans le moment présent, on ne peut rien reprocher à ses parties. Ce n'est pas leur faute si le rapporteur est malade. Leur récusation contre M...... est-elle bien ou mal fondée? C'est ce qui dépend d'un fait de parenté qui n'est pas encore éclairci, et le seul secours que l'on puisse accorder à M...... sur ce point, est de donner un terme très-court à ses parties, pour justifier la parenté de M......, qui sert de fondement à leur récusation, et d'ordonner que, faute par eux d'y avoir satisfait dans ce terme, il sera. passé outre au rapport du procès, en présence de M...... Tout récusant doit être prét, et depuis le jour que la récusation est formée, on a eu tout le temps nécessaire pour rapporter des preuves d'une parenté déniée par M....

Je sais bien que M. et madame..... se flattent toujours que, si l'on donnoit un arrêt d'attribution à ceux qui sont naturellement les juges du procès, leur affaire seroit bien plus tôt jugée. Mais, je crois en parler juste et en termes propres, quand je dis qu'ils se flattent lorsqu'ils ont cette pensée.

Un arrêt d'attribution n'empêcheroit pas la voie de la récusation. On récuse des commissaires du roi comme tous autres juges.

Quels seront, d'ailleurs, les juges délégués? Y comprendra-t-on M... ... et M......? Mais, on retombera par là dans le même état où l'on se trouve aujourd'hui.

Ne les y comprendra-t-on pas ? Ce ne sera plus suivre la première proposition, qui a toujours été de D'Aguesseau. Tome XII.

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donner un arrêt d'attribution aux juges naturels du procès. Ce sera prendre une autre route, en nommant arbitrairement des commissaires, ce qui ne convient nullement à la nature de ce procès.

Il n'y auroit eu qu'un seul moyen pour parvenir à ce que l'on désire ; c'auroit été de convenir, par votre canal, des juges qui seroient nommés dans l'arrêt d'attribution; alors on auroit fermé la porte aux récusations, et ouvert une voie sûre pour l'expédition. de ce long procès. Mais, vous m'assurez vous-même qu'on ne peut espérer de faire convenir les deux parties sur le choix des juges, et il est aisé de tirer de ce fait une nouvelle raison contre l'attribution.

Dès le moment qu'on ne commettra plus les juges naturels, mais des juges choisis arbitrairement, délégués pour la décision du procès, peut-on douter que des parties qui ne veulent convenir expressément d'aucuns juges, et qui sont supposés avoir envie d'éluder le jugement, ne forment opposition à l'arrêt d'attribution? Ainsi, cette opposition, qui aura même des moyens spécieux, parce qu'en effet une pareille attribution paroîtra toujours assez extraordinaire deviendra la matière d'une nouvelle instance, qui retardera encore le jugement du procès, ce qui fera peut-être regretter, à M. et à madame.. de ne s'être pas renfermés dans les règles de l'ordre commun, toujours plus sûres que les exceptions.

Je craindrois donc de leur rendre un fort mauvais office, si je devenois plus facile sur une attribution forcée, dont je crois, d'ailleurs, qu'on ne trouvera point d'exemple dans l'état où est actuellement leur procès; et, au surplus, si l'on craint que leurs parties ne veuillent gagner encore le temps de la séance présente du parlement de Bordeaux, il y a un moyen simple et régulier pour l'empêcher; c'est de déclarer dès à présent qu'en quelque temps que le rapport soit commencé, le roi donnera des lettres-patentes pour proroger le pouvoir des juges au-delà du terme ordinaire des séances de votre compagnie.

Prenez donc, s'il vous plaît, la peine de faire com

prendre à madame...... que son véritable intérêt est de faire statuer incessamment sur la récusation de M......., et mettre tout de suite le procès sur le bureau, avec l'assurance d'une prorogation de la séance des juges, si cela devenoit nécessaire, ce qui n'est pas trop à présumer.

Comme cette lettre est devenue plus longue que je ne le pensois quand je l'ai commencée, je me contente d'y renvoyer madame......., à laquelle je n'écris qu'un mot, pour lui marquer combien je prends de part à toutes ses peines. Mais, c'est par cette raison même que je ne veux pas les augmenter, en suivant la vue peu méditée, et, d'ailleurs, dangereuse, d'un arrêt d'attribution.

Du 29 avril 1736.

COMME j'apprends que c'est vous qui présidez au que jugement des affaires de M. le duc...... et de plusieurs communautés qui sont en procès avec lui, je m'adresse à vous avec plaisir, sachant combien vous aimez la justice, au sujet d'un incident qui retarde depuis long-temps l'expédition de ces affaires.

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Cet incident est une récusation formée contre M..... sous prétexte de parenté, avec un des habitans d'une des communautés, qui sont parties au procès.

Je ne sais d'abord si une pareille récusation auroit dû seulement être écoutée; cela dépend de savoir si le particulier qu'on prétend être parent de M.... est partie en son propre et privé nom, ou s'il ne l'est que sous le nom collectif des habitans de la communauté. Dans le premier cas, la récusation pourroit avoir lieu, si la parenté étoit prouvée au degré de l'ordonnance; dans le second cas, la requête de récusation ne seroit pas admissible suivant l'esprit de la même ordonnance; autrement il y auroit bien des cas où les parties ne pourroient plus avoir de juges.

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s'il suffisoit, pour les exclure, d'alléguer une parenté entr'eux et quelqu'un de ceux qui ne plaident qu'en nom collectif.

Mais, quand même le particulier, du chef duquel la récusation est proposée, seroit partie en son nom dans le procès, il n'en seroit pas plus permis de laisser durer si long-temps un incident dont l'expédition est aussi facile que celle d'une récusation.

Il y a cependant environ deux mois que celle dont il s'agit est formée, sans être encore jugée. Je sais que le rapporteur a été malade; mais le parlement a remédié à cet inconvénient, en commettant un autre conseiller pour faire le rapport de la requête de récusation, et c'est ce qui n'est pas encore fait. Il est donc bien à craindre que ceux qui ont fait naître cet incident, ne cherchent à en prolonger la durée que pour éloigner le jugement du procès principal qui est depuis long-temps en état, et pour le faire encore renvoyer au parlement prochain, comme l'on en vint à bout, l'année dernière, par une autre espèce d'incident, c'est-à-dire, par la signification d'une cédule évocatoire qui n'avoit aucun fondement.

Comme il n'est donc pas juste de laisser des plaideurs les maîtres absolus du temps et des momens où la justice terminera le premier procès, et que l'on a souvent recours, en pareil cas, à l'autorité du roi, pour y apporter un remède décisif, je crois qu'il est de votre devoir de ne pas souffrir que la récusation dont il est question demeure plus long-temps indécise; il ne s'agit, pour cela, que de donner le bureau au rapporteur, et c'est ce qui dépend absolument de celui qui préside. Peut-être l'aurez-vous déjà fait quand vous recevrez cette lettre; et, si cela est, je n'aurai qu'à approuver la diligence avec laquelle vous l'aurez prévenue; mais, si cet incident subsistoit encore lorsque ma lettre arrivera à Bordeaux, je compte au moins que vous le ferez finir aussitôt que vous l'aurez reçue. Vous prendrez, s'il vous plaît, la peine de m'informer de quelle manière il l'aura été; et, dans Lous les cas, je vous prie de ne pas manquer de me

faire réponse par le premier ordinaire qui partira de Bordeaux après la réception de cette lettre, afin qu'étant instruit par vous du dernier état des choses je puisse bien juger de ce qu'il conviendra de faire pour assurer la prompte expédition du procès principal.

Du 3 novembre 1736.

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Vous m'avez prié, par votre lettre du 28 septembre dernier, de vous marquer la règle qu'on doit suivre dans les cas où il s'agit de savoir (comme cela a été agité dans le procès de M.. .); si les arrêtés qui se font en jugeant les procès de grands commissaires, peuvent être changés dans la suite, avant que l'arrêt soit clos, ou si la décision en doit demeurer invariable; et je crois ne pouvoir mieux satisfaire à ce que vous désirez sur ce sujet, qu'en vous envoyant la copie d'un arrêt de réglement du parlement de Paris, qui fut médité et rédigé avec beaucoup de soin, dans le temps que j'y étois avocat-géneral: il renferme en effet tout ce qu'on peut regarder comme la véritable règle en cette matière.

Ce qu'il y a d'essentiel dans cet arrêt est :

1.° La forme et l'exactitude avec laquelle les arrêtés doivent être rédigés.

2. L'autorité de ces arrêtés, qui sont d'un côté quelque chose de plus qu'une délibération provisoire et sujette au changement par la seule volonté des juges, et de l'autre, quelque chose de moins qu'un arrêt.

Ils sont plus qu'une délibération provisoire et révocable, parce qu'on ne peut y rien changer, qu'en conséquence d'une production nouvelle, s'il s'en fait d'un côté ou d'un autre.

Ils sont moins qu'un arrêt, parce qu'après ces arrêtés, la production nouvelle peut être admise à la

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