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§ 2. DE L'OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE.

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43. EFFETS DE CES OBLIGATIONS. Nous avons vu que la convention est la loi des parties. Il s'ensuit que le créancier peut contraindre son débiteur à s'exécuter. S'il s'agit d'une obligation de donner une somme d'argent, l'exécution forcée a lieu par la saisie des biens du débiteur récalcitrant et leur transformation en argent; s'il s'agit de l'obligation de livrer un corps certain, le tribunal autorisera le créancier à s'en faire mettre en possession manu militari. Mais il y a des cas où il est impossible de contraindre le débiteur à l'exécution. Ainsi en est-il des obligations de faire qui doivent être remplies par le débiteur en personne. On ne peut recourir à la violence physique, et même le plus souvent, elle serait inutile: comment forcer à s'exécuter, par exemple, un peintre qui m'a promis un tableau ?

Dans ce cas (art. 1162) l'obligation se résout en dommages-intérêts.

Mais remarquons que ce n'est pas une obligation alternative. Une seule chose fait l'objet de l'obligation: le fait ou l'abstention. Donc, c'est l'exécution que l'on doit réclamer tout d'abord, et le débiteur ne pourrait prétendre satisfactoire l'offre de payer une somme représentant cette exécution. De même, si elle est devenue impossible sans sa faute, le débiteur est libéré. Mais si le débiteur s'y refuse catégoriquement, tout ce que le tribunal peut faire, c'est de le condamner à des dommages et intérêts.

Mais quand l'exécution effective de l'obligation est possible sans qu'on doive recourir à la contrainte personnelle, le créancier est autorisé à l'exiger. Ainsi, quand le fait promis peut être accompli par un autre que le débiteur, le créancier peut le faire exécuter aux frais du débiteur (1144).

Il en est de même d'une obligation de ne pas faire dont l'exécution est possible sans violence personnelle. Le créancier peut demander que ce qui aurait été fait en contravention à l'engagement, soit détruit (art. 1143). Ainsi si

quelqu'un a bâti un mur malgré la convention de ne pas le faire, la justice autorisera le créancier à le faire démolir aux dépens de son débiteur.

Les dommages et intérêts résultant de l'obligation de faire ne peuvent être exigés, comme nous allons le voir, que lorsque le débiteur a été mis en demeure. Mais s'il s'agit de l'obligation dé ne pas faire, le débiteur est tenu des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention (art. 1145).

$ 3. DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS RÉSULTANT DE L'INEXÉCUTION DE L'OBLIGATION.

44. CONDITIONS POUR QUE LES DOMMAGES-INTÉRETS SOIENT DUS. Il s'agit ici des dommages et intérêts auxquels donne lieu l'inexécution ou l'exécution imparfaite de toute obligation conventionnelle, de donner Lou de faire (1).

Pour que les dommages-intérêts soient dus, il faut : 1o que le débiteur ait manqué d'exécuter son obligation, ou l'ait exécutée tardivement, 2o qu'il soit mis en demeure (art. 1146); car tant que le créancier reste dans l'inaction, on peut croire qu'il n'a pas besoin actuellement que l'obligation soit exécutée.

Toutefois, il faut entendre ce principe raisonnablement. Ainsi, le débiteur peut être constitué en demeure par la nature de la convention comme par une sommation ou une clause du contrat. C'est ainsi qu'il faut entendre la fin de l'art. 1146 « excepté quand la chose ne pouvait être donnée ou faite que pendant un certain temps que le débiteur a laissé passer ». Cette prétendue exception rentre dans la règle.

En outre, la faute est une cause d'imputabilité aussi bien que la demeure, et quand la faute est prouvée, comme si, par exemple, la chose vendue a péri faute des soins d'un

(1) Le titre IV du Code traite des dommages-intérêts résultant d'un délit ou d'un quasi délit.

bon père de famille, alors, il ne faut plus de sommation pour que les dommages-intérêts soient dus. Il en est de même, s'il est bien et définitivement constaté qu'une obligation de faire ne sera pas exécutée : la demeure proprement dite n'est qu'un retard légalement constaté; et il n'y a lieu de mettre le débiteur en demeure que lorsque l'exécution est encore considérée comme possible (1). Si donc l'exécution, au lieu d'être simplement retardée, avait été imparfaite, nulle ou mauvaise, des dommages et intérêts seraient dus sans mise en demeure préalable.

30 Que l'inexécution provienne de la faute ou du fait du débiteur. Celui-ci n'est pas responsable de l'inexécution quand elle provient d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable (art. 1147). Tel serait le cas où une guerre ou une inondation serait venue, d'une façon inattendue, m'empêcher de vous livrer en temps utile les marchandises dont j'étais débiteur: donc, « iln'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé ou a fait ce qui lui était interdit »> (art. 1148).

Mais remarquons que l'impossibilité doit être absolue. Si cette impossibilité existait au moment du contrat, celui-ci n'a pas même pu se former, comme nous l'avons vu; il en serait de même si l'objet était illicite ou immoral: il n'y a pas d'obligation, donc il n'est pas question de dommagesintérêts.

Mais si l'impossibilité n'est que relative au débiteur, il n'y a pas lieu d'appliquer l'adage qu'à l'impossible nul n'est tenu; et le débiteur sera tenu des dommages-intérêts. Tel serait le cas où il aurait promis une somme d'argent disproportionnée à ses ressources ou un fait au-dessus de ses forces, mais pas inexécutable en soi (2).

(1) LaRombière, Ed. B., t. I, p. 215. LAURENT, t. XVI, nos 251 et suiv. Certains arrêts ont décidé le contraire.

(2) POTHIER. Des obligations, no 133.

Si l'impossibilité s'est produite postérieurement au contrat, il faut voir, avons-nous dit, si elle provient d'un cas fortuit ou du fait du débiteur.

Il est difficile de définir d'une manière générale le cas fortuit ou la force majeure. C'est une question abandonnée à la prudence de juge (1). L'art. 1147 donne cette règle que le débiteur n'est déchargé de la responsabilité que s'il justifie que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputable.

Ainsi, les événements extraordinaires de la nature : une tempête, un tremblement de terre, ont toujours été considérés comme cas fortuits. Mais il n'en est pas de même des événements ordinaires, même irréguliers, si les parties ont dû s'y attendre: telle est la crue ordinaire des fleuves. Le fait de l'homme : le vol, la guerre, l'incendie, etc., sont souvent considérés comme des événements de force majeure, mais cela dépend des circonstances. Ainsi l'aubergiste n'est excusé que par le vol à main armée ou pratiqué dans des conditions analogues (art. 1953-4). Le locataire répond de l'incendie, s'il ne prouve pas la force majeure (art. 1733).

En outre, il faut (art. 1148) que le cas fortuit l'ait empêché, pour que le débiteur soit déchargé de la responsabilité de donner ou de faire. Donc, si, malgré le cas fortuit, il pouvait remplir l'obligation, bien que sous des conditions plus onéreuses pour lui, il n'y a plus de force majeure.

Remarquons enfin qu'il y a des cas où le débiteur reste responsable des cas fortuits; le voleur répond de la perte fortuite de la chose volée; il en est de même de celui qui reçoit de mauvaise foi un paiement indu (art. 1379). (V. encore les articles 1825, 1882 et 1883.) Le débiteur, nous l'avons dit, répond encore du cas fortuit quand il est en demeure (art. 1302).

C'est au débiteur à prouver le cas fortuit qu'il allègue. (art. 1302).

(1) LAURENT t. XVI, nos 257 et suivants.

4o Enfin, pour qu'il y ait lieu à des dommages et intérêts, il faut que l'inexécution soit dommageable. Car il se peut qu'elle ne cause aucun préjudice au créancier. L'art. 1147 dit que le débiteur sera condamné à des dommages et intérêts s'il y a lieu. Je vous charge de prendre une inscription hypothécaire, et vous ne le faites pas; mais il se trouve que l'immeuble était déjà grevé au delà de sa valeur: vous ne me devrez aucune indemnité.

45. DU QUANTUM DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS.— Les dommages-intérêts comprennent, en général, la perte qu'a faite le créancier et le gain dont il a été privé par suite de l'inexécution ou de l'exécution imparfaite de l'obligation (art. 1149). Ainsi le juge ne pourrait, pour contraindre le débiteur à s'exécuter, prononcer des condamnations pécuniaires excédant le préjudice causé par le retard ou l'inexécution. De même, si l'exécution d'une obligation de faire est définitivement refusée par le débiteur, on ne pourra le condamner qu'à une somme fixée définitivement et non par jour de retard.

Le demandeur doit donc établir le chiffre de la perte qu'il a faite; de même, il doit prouver, ce qui sera souvent plus difficile, le montant du gain dont il a été privé. J'achète des marchandises pour les revendre. Je calculerai le bénéfice qui m'est enlevé par suite de la non-livraison.

Mais, ce principe général posé, il y a des distinctions à faire. Nous examinerons donc successivement: 1o le cas où les parties auraient fixé elles-mêmes la somme à payer en cas d'inexécution; 2o celui où les dommages-intérêts doivent être fixés par le tribunal; 3o enfin, les règles spéciales aux obligations ayant pour objet une somme d'argent.

46. DE LA CLAUSE PÉNALE. Quand les parties ont fixé elles-mêmes la somme à payer au cas d'inexécution de la convention, il ne peut être alloué une somme plus forte ni moindre (art. 1152). Ce règlement anticipé des domma

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