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se font ordinairement par l'intermédiaire des agents de change. Entre eux et les joueurs, il n'y a pareillement aucune action. Leur mandat n'est pas valable, parce qu'il repose sur une cause illicite. Il en résulte que l'agent de change n'a aucune action contre le joueur du chef des différences qu'il aurait payées pour lui. Mais il légitimerait son action s'il établissait qu'en acceptant le mandat d'acheter et de vendre, il a cru que le mandat était sérieux. Seulement, son expérience même de ces opérations lui permettra rarement de soutenir qu'il ignorait les intentions de son mandant.

Mais que faut-il décider des couvertures ou remises de valeurs faites à l'agent de change ou au commissionnaire par le joueur, pour les couvrir des avances qu'ils pourront faire? D'abord, il est certain que ce qui aurait été, après les opérations consommées, remis ou laissé à l'intermédiaire pour payer les différences, ne pourrait être répété; car il n'y a pas de répétition de ce qui a été volontairement payé pour les dettes de jeu. Mais la couverture remise d'avance serait-elle valable comme gage? Dans quels cas pourrait-elle être considérée comme un paiement anticipatif? Ce paiement anticipatif aurait-il lui-même quelque valeur? Sur toutes ces questions, il existe des difficultés. Mais la négative est très probable au point de vue des principes.

De même que le mandataire n'a aucune action contre le mandant, de même aussi le mandant n'a aucune action contre son mandataire. Donc, un joueur qui charge un agent de change de marchés fictifs n'a pas d'action contre lui, en cas de gain, pour se faire rendre compte des sommes qu'il aurait reçues. (1)

Nous n'examinons pas ici le point de savoir si un honnête homme peut ou non opposer l'exception de jeu. Nous ne parlons que de la défaveur dont le jeu est frappé par la loi. Nous reconnaissons également que notre législation pour

(1) Ces données sont le résumé des développements présentés par M. LAURENT, t. XVII, p. 214 à 291.

rait être plus complète en matière d'opérations de Bourse. Mais quelles que soient les modifications qu'on propose d'y apporter, les meilleures seront toujours celles qui auront pour résultat d'empêcher le plus possible ces spéculations

aventureuses.

Section VII.

Du Mandat.

272. NATURE DU MANDAT; DIVERSES ESPÈCES (art. 1984 à 1990). Le mandat est un contrat par lequel une personne donne à une autre qui l'accepte, le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le pouvoir donné s'appelle aussi lui-même mandat ou procuration.

Le mandat se prouve d'après le droit commun. S'il est constaté par un écrit sous seing privé, cet écrit ne doit pas être fait double; car il s'agit d'un contrat unilatéral.

L'acceptation de la procuration peut n'être que tacite et résulter, par exemple, de l'exécution du mandat ou d'autres circonstances. On admet généralement que la procuration peut aussi elle-même être tacite.

Il est évident que le mandant doit être capable de s'obliger et capable de faire l'opération qui est l'objet du mandat. Mais l'on peut choisir un incapable pour mandataire. Les tiers qui, en fait,traitent avec un mandataire mineur ou femme mariée traitent, en droit, avec le mandant luimême (1).

Mais celui qui a donné procuration à un incapable n'a pas d'action contre lui, si ce n'est : 1o quand le mandataire a dans sa possession des choses qu'il a obtenues par son

(1) A moins, ce qui pourrait arriver, que le mandataire ne parle en son nom propre. Car il se peut qu'on charge quelqu'un d'agir comme s'il stipulait pour lui-même. Alors, les tiers ont le mandataire pour créancier ou pour débiteur; ils ne peuvent agir contre le mandant, ni celui-ci contre eux, qu'en vertu de l'art. 1166, comme exerçant les droits du mandataire.

mandat; 2o quand il y a délit (nos 29, 63 et 64). C'est le droit commun.

Le mandat peut être conventionnel, légal ou judiciaire. Ainsi, le survivant des père et mère qui gère la tutelle de son enfant exerce un mandat légal; l'administrateur provisoire commis par le tribunal lors d'une demande en interdiction est un mandataire judiciaire.

De sa nature, le mandat est gratuit. Il faut donc une stipulation pour le rendre salarié. Mais cette stipulation ne doit pas nécessairement être expresse. Ainsi elle serait sousentendue quand on charge quelqu'un de faire un acte de sa profession, comme un avoué ou un avocat (v. le no 413, relatif au commissionnaire).

Le mandat est général ou spécial: il est spécial quand il a pour objet une affaire déterminée. Alors, tout ce qui est fait au delà est nul et n'oblige pas le mandant. Le mandat général, comme serait celui de faire tout ce que vous jugerez convenir à mes intérêts, ne confère que le droit de faire des actes d'administration.

Il ne faut pas confondre le mandat avec le quasi-contrat de gestion d'affaire, qui est le fait de gérer les affaires d'autrui sans y être autorisé par le maître (v. les nos 183 et 184). De même, le mandat salarié doit être distingué du louage d'industrie. Il y a des cas où cette distinction est assez difficile. Cependant, les effets de ces deux contrats sont différents sur plus d'un point.

Le man

273. DES OBLIGATIONS DU MANDATAIRE. dataire doit accomplir entièrement le mandat accepté; si l'inexécution de cette obligation entraînait quelque préjudice pour le mandant, il y aurait lieu à dommages et intérêts (art. 1991). Le mandataire doit s'acquitter de sa mission en bon père de famille. Néanmoins, la responsabilité, quant aux fautes, est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire (art. 1992).

Tout mandataire doit rendre compte de sa gestion. Il doit faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant (art. 1993). Car ce que le mandataire reçoit en vertu de sa procuration, il le reçoit au nom du mandant. Donc, la chose payée doit être remise à celui-ci. S'il n'y a pas droit, celui qui a payé aura la répétition de l'indû, non contre le mandataire, mais contre le mandant.

Le mandataire doit porter en recette non seulement les sommes et les choses qui lui sont effectivement parvenues, mais aussi celles qui lui devaient parvenir, et qu'il n'a pas perçues par sa faute.

On admet généralement qu'il peut retenir les objets qu'il devrait remettre au mandant, jusqu'au paiement de ses déboursés.

Le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans sa gestion (art. 1994): 1o quand la procuration ne contient pas pouvoir de se substituer quelqu'un; 2o quand elle contient ce pouvoir, mais sans désigner telle personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement insolvable ou incapable. Dans tous les cas, la loi permet au mandant d'agir directement et en son propre nom contre le substitué (art. 1994, al. 2). Le produit de son action lui appartiendra donc exclusivement, lors même que son mandataire serait en faillite.

Enfin, si la procuration contient pouvoir de se substituer telle personne, le mandataire qui se substitue cette personne n'est pas responsable de ce chef.

Quand il y a plusieurs mandataires établis par le même acte, il n'y a de solidarité entre eux qu'autant qu'elle soit exprimée (art. 1995). C'est le droit commun (1). Donc, si le mandat n'a pas été ou a été mal exécuté, l'action en dom

(1) Les exécuteurs testamentaires sont solidairement responsables dans les limites posées par l'art. 1033.

mages et intérêts ne peut être exercée par le mandant contre chacun des mandataires que pour sa part.

Si le mandataire emploie à son usage les sommes qu'il a reçues pour le mandant, il en doit l'intérêt à dater de cet emploi. Quant aux sommes dont il est reliquataire, il en doit l'intérêt à compter du jour qu'il est mis en demeure de les payer (art. 1996).

274. DES OBLIGATIONS DU MANDANT. Le mandant

est tenu :

1o D'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au delà, qu'autant qu'il la ratifié expressément ou tacitement (art. 1998).

Quand le mandant ne ratifie pas les actes faits en dehors des pouvoirs donnés au mandataire, celui-ci peut être poursuivi par les tiers s'il ne leur a pas donné connaissance suffisante de ses pouvoirs. Les tiers n'ont pas d'action contre lui dans le cas contraire (art. 1997); car si les tiers connaissent les termes de la procuration, l'opération est censée faite à leurs risques et périls, sous réserve de ratification.

2o De rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, avec l'intérêt de ces avances à dater du jour où elles ont été constatées (art. 1999 et 2001). Il doit ensuite payer le salaire promis.

«S'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursement et paiement, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu'ils pouvaient être moindres (art. 1999). »

30 D'indemniser le mandataire des pertes qu'il a essuyées à l'occasion de sa gestion, et sans imprudence de sa part (art. 2000).

«Lorsque le mandataire a été constitué par plusieurs personnes pour une affaire commune, chacune d'elles est

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