Page images
PDF
EPUB

pires. Et en effet, sans la propriété, point d'agriculture, et sans agriculture, on ne verrait que des sauvages errans sur la surface du globe; les sujets de guerre n'en seraient pas moins fréquens entre eux ; ils se battraient pour la chasse dans les forêts et les terres incultes, comme les peuples civilisés le font pour la propriété des champs et des villes. M. Portalis a encore prouvé contre les économistes, le danger et la fausseté même d'un système qui admettait dans les Souverains une sorte de copropriété sur les biens situés dans le territoire qu'ils régissent. Cette co-propriété n'est point du tout la conséquence du droit nécessaire de lever des tributs pour la défense commune et le maintien de l'ordre intérieur; elle est en opposition avec la définition même du droit de propriété, essentiellement exclusif, et qui n'a d'autres limites que celles que les lois lui assignent; elle dégraderait dans l'esprit du citoyen, cette propriété pour laquelle il importe de lui conserver l'attachement le plus vif; car il ne peut aimer sa propriété, sans aimer aussi les lois qui la protègent,

Il a fait voir que les nations prospèrent moins en raison de la fertilité naturelle de leur sol, qu'en raison de la stabilité des propriétés, et de la liberté qu'à chaque citoyen de les faire valoir à son plus grand avantage. Il a cité en exemple le peuple hollandais qui a fait sortir du sein des flots la terre sur laquelle il s'est établi, et qui la défend chaque jour contre leur violence.

C'est la propriété qui a vivifié, étendu, agrandi

et a

notre propre existence; c'est par elle que l'industrie de l'homme, cet esprit de mouvement et de vie qui anime tout, a été portée sur les eaux, fait éclore, sous les divers climats, tous les tous les germes de richesses et de puissance.

Mais pour se pénétrer de toutes les excellentes maximes qui sont renfermées dans ce discours, il faut avoir recours au discours même.

[ocr errors]

ART. 544. La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus abso» lue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage pro» hibé par les lois ou par les règlemens. »

Cet article est la traduction de la propriété. Dominium, dit la loi 21, Cod. mandati, est jus utendi et abutendi re suâ, quatenùs juris ratio patitur. Le mot abuti ne veut pas dire ici abuser, comme on le croit vulgairement, mais disposer pleinement jusqu'à la consommation de la chose, par opposition au mot uti, qui est seulement le droit d'user, salvâ rerum substantiâ,

Quelqu'un demanda que le mot règlement fût retranché de l'article, comme le droit de jouir de sa propriété ne pouvant être modifié par de simples règlemens. On répondit que l'usage de la propriété était subordonné, non seulement aux lois, mais encore aux règlemens de police; et que la constitution donnait au Chef de l'État le pouvoir de faire des règlemens,

ART. 545. « Nul ne peut être contraint de céder » sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité pu

blique, et moyennant une juste et préalable in» demnité. »

Le Tribunat proposa d'ajouter à cet article que l'expropriation ne pourrait se faire qu'en vertu d'une loi.

Cette addition, soutenue par quelques Membres du Conseil, fut rejetée, parce qu'il pourrait arriver que l'utilité publique exigeât que l'on prît le fonds d'un particulier dans un tems où le Corps législatif ne serait pas assemblé; que jusqu'ici on ne s'était jamais écarté du principe décrété par l'Assemblée constituante; que toujours on a fait autoriser la cession par une loi, et que si aujourd'hui on mettait cette condition dans l'article, on semblerait suspecter la justice du Gouvernement; que si la nation avait le malheur de tomber sous un régime vio¬ lent et despotique, ce ne seraient pas quelques mots de plus insérés dans la loi qui garantiraient la propriété des citoyens.

On proposa aussi de définir les mots utilité publique, pour prévenir les difficultés qui se sont quelquefois élevées à ce sujet; mais on observa qu'il était impossible de prévoir tous les cas, et qu'on ne pouvait qu'établir une règle générale.

A la suite de cet article, on en avait proposé un autre, portant que dans le cas d'une très-grande urgence, le Couvernement pourrait occuper la propriété d'un particulier, en l'indemnisant.

On dit que ce mot urgence, qu'on ne pouvait absolument fixer, pourrait donner lieu à des abus locaux, et l'article fut supprimé. Mais personne ne

doutera probablement qu'en cas de guerre ou d'incendie, le Gouvernement ne puisse, pour la défense de la nation, ou pour arrêter un incendie, non seulement occuper, mais changer la face d'un sol, faire abattre un bâtiment, le tout sans avoir besoin d'en faire passer une loi.

ART. 546. • La propriété d'une chose, soit mobilière soit immobilière, donne droit sur tout › ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit acces› soirement, soit naturellement, soit artificielle› ment.

› Ce droit s'appelle droit d'accession. »

C'est bien là la règle générale, mais elle doit s'entendre avec les restrictions marquées dans les articles suivans.

CHAPITRE PREMIER.

Du Droit d'accession sur ce qui est produit par la chose.

ART. 547. Les fruits naturels ou industriels

de la terre,

› Les fruits civils,

Le croît des animaux, appartienneut au propriétaire par droit d'accession. »

Les fruits naturels sont ceux que la terre produit spontanément et sans culture, tels que le foin, le fruit des arbres.

Les fruits industriels sont ceux qui exigent le trâvail de l'homme, comme les moissons.

Les fruits civils sont le produit de deux autres espèces cédées à des tiers, comme les fermages, ou le profit qu'on retire d'une chose naturellement stérile, en la prêtant ou la louant à un autre, comme le loyer d'une maison, l'intérêt de l'argent.

Toutes ces définitions se trouvent dans la section première du titre de l'usufruit ; elles auraient été mieux placées ici, où l'on parle pour la première fois.

ART. 548. Les fruits produits par la chose n'appartiennent au propiétaire qu'à la charge de rem» bourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers.»

D

Telle est aussi la décision des lois 36 et 37, ff. de Hæred pet. Il y a pourtant une exception relativement à l'usufruitier, qui prend et rend les fonds dans l'état où ils se trouvent. V. l'art. 585.

ART. 549 Le simple possesseur ne fait les fruits > siens que dans le cas où il possède de bonne foi: › dans le cas contraire, il est tenu de rendre les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique. >

[ocr errors]

ART. 550. Le possesseur est de bonne foi quand › il possède comme propriétaire, en vertu d'un > titre translatif de propriété dont il ignore les » vices.

» Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces >vices lui sont connus.

On observa que ces deux articles étaient trop

« PreviousContinue »