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ART.

enfants d'y vivre aussi; ils n'auront qu'à dire je le

veux.

Ce régime n'avait pu éviter le sort de toutes les législations humaines qui s'usent, se compliquent et se déforment toujours en quelques points par l'action sourde et continue de la lime du temps; par la subtilité, trop souvent intéressée de leurs interprêtes ; par l'inépuisable fécondité de leurs commentateurs : d'où, la discordance des opinions, la variété et l'instabilité des jugements, l'incertitude et la fluctuation des chances dans les luttes judiciaires, leur dispendieuse durée, et leurs résultats ruineux.

Le projet de loi le ramene à sa simplicité et à sa pureté originelles; il en élague tout ce qui pouvait l'altérer ou en embarrasser l'application, et y conseve scrupuleusement tout ce qu'il avait de bon et d'utile.

Vous n'avez pour vous en convaincre, qu'à chercher son systême dans son ensemble, et non dans quelques dispositions isolées; qu'à vous prémunir sur-tout dans cette étude, contre toute insinuation étrangere, et contre tout ce qu'une position personnelle pourrait y mêler de prévention.

Je vote pour l'adoption du projet.

ART.

N° 69.

DISCOURS prononcé au corps législatif, par le tribun SIMEON, l'un des orateurs chargés de présenter le vœu du tribunat sur la loi relative au contrat de mariage et des droits respectifs des époux (Tome I, page 259.) Séance du 20 pluviôse an XII.

LEGISLATEURS,

Le mariage est le premier et le plus fort des liens qui rapprocherent les hommes sous ce rapport, il est à la tête des contrats. Cher à ceux qui le forment et dont il double l'existence, il est également précieux à la société qu'il perpétue; il n'appartient pas moins aux états qu'aux familles et aux individus ; il est à la fois un bien privé et public.

Les conventions dont il est l'occasion, se placent comme lui au premier rang des engagements; plusieurs sont pourtant plus anciennes. L'échange dut naître presqu'aussitôt que la propriété, au lieu que l'on put long-temps se marier avant de stipuler des dots, des apports, des reprises. La vente, qui est un échange plus perfectionné et plus simple, le louage, le prêt, se présenterent tout de suite comme d'eux-mêmes aux besoins, aux desirs, aux spéculations, à la bienfaisance. Les conventions matrimoniales ne sont dans le mariage qu'un accessoire dont il peut se passer, et que l'augmentation des richesses, l'inégalité des fortunes et les précautions à prendre contre les défauts, les vices et l'injustice, ne durent introduirent que dans les sociétés déja loin de leur adolescence.

Le mariage emporta d'abord, sans qu'il fût besoin

ART.

de stipulation, communauté de biens, comme il établissait communauté de vie et d'existence. L'épouse mit tout ce qui était en son pouvoir sous la main du protecteur qu'elle avait recherché, ou aux pieds du bien-aimé à qui elle se donnait. L'époux partagea tout ce qu'il possédait avec la plus belle et la meilleure partie de lui-même, avec l'économe, l'ordonnatrice de sa maison, la mere de ses enfants.

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Ceux-ci, lorsqu'ils vinrent à perdre l'un des auteurs de leurs jours, ou continuerent à vivre en communion avec le survivant, ou lui donnerent, en se séparant, une part dans les biens dont ils l'avaient vu jouir.

Telle est l'origine de la communauté. Elle remonte aux premiers âges de la société ; elle se rattache aux idées les plus simples et à l'instinct primitif.

La dot et ses prérogatives s'éloignent davantage de cette confusion de sentiments, d'intérêts et d'existence qui semble devoir naturellement emporter celle des biens. Il ne s'agit pas de cette dot que l'on paie aux peres pour acheter leurs filles, chez les nations où les femmes sont les premieres esclaves de leurs maris; je parle de cette portion de biens que la femme apporte en mariage pour en partager les charges, mais dont elle se réserve, ainsi qu'à ses enfants, la propriété.

Le régime dotal, suivi et soigné avec tant de scrupule par le peuple législateur, a deux bases; la persuasion où étaient les Romains, qu'il importait à l'état de conserver les biens dans les familles ; et la réserve dans laquelle vivaient les femmes romaines. On ne pensait pas que les devoirs d'économie qu'elles remplissaient dans l'intérieur de leurs maisons leur donnassent des droits sur le pécule que leurs époux acquéraient dans les camps, au barreau, dans le commerce. Brillantes de l'éclat de leur mari, heureuses de ses richesses pendant sa vie, elles n'y avaient d'autre part après sa mort que celle qu'elles avaient mé

rité qu'il leur donnât par son testament; mais si elles demeuraient étrangeres à sa fortune, elles reprenaient toute la leur. Pour la chance de partager ses acquêts, elles n'avaient pas couru le risque qu'il dévorât leurs apports et le patrimoine maternel de leurs enfants.

Dans les contrées où l'on avait craint les séductions de l'amour, même dans le mariage, la communauté était une juste indemnité de l'incapacité des femmes à recevoir des libéralités de leurs maris.

Dans les contrées où l'épouse était susceptible de recueillir à la mort de son époux d'utiles et d'honorables témoignages de sa tendresse, on n'avait pas eu besoin de lui donner d'avance sur la fortune de son mari des droits que peut-être elle ne mériterait pas. Chaque usage, chaque systême a ses raisons, ses avantages et ses inconvénients. S'il eût fallu choisir entre le régime de la communauté et le régime dotal, on n'aurait pas eu seulement beaucoup d'embarras; on aurait violemment heurté une grande masse d'habitudes et de préjugés, dans une matiere qui intéresse tous les individus. Plusieurs ont un double ou un trible intérêt aux conventions matrimoniales; mais tous y en ont un quelconque, car tous sont peres ou enfants.

C'est ici que la sagesse du projet qui vous est soumis, législateurs, devient principalement remarquable: elle a consisté à ne pas se montrer trop sévèrement jaloux de cette uniformité à laquelle tend si constamment notre législation; à reconnaître que si l'uniformité plait à l'esprit, la condescendance pour les mœurs et les usages satisfait les cœurs.

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D'ailleurs la variété n'est qu'apparente. Les ques- 1387 tions nombreuses que produisent et la communauté et le régime dotal si diversement jugés jusqu'à présent dans chaque ressort, reçoivent des regles communes; et si l'on se marie à son gré en communauté ou sans communauté, sous une communauté plus V. Motifs.

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étendue ou plus restreinte, avec dotalité ou sans dotalité, le principe d'uniformité n'en sera pas plus altéré qu'il ne l'est par l'immense diversité des conditions des socités et des autres contrats. Les conventions matrimoniales sont un contrat; il est de la nature de tout contrat de recevoir toutes les stipulations qui conviennent à ceux qui le forment, pourvu qu'elles n'aient rien de contraire aux lois qui intéressent l'ordre public, et aux bonnes mœurs.

Il est indifférent à l'état, pourvu que l'on se marie, que les époux mettent leurs biens en communauté ou sous le régime dotal. Qu'on stipule tout ce qu'on voudra, pourvu qu'on ne stipule rien que ce qui est honnête et permis, et qu'on le stipule clairement, voilà le premier précepte et tout le desir de la loi.

Imposer la communauté à ceux qui ne la veulent pas, ou la dotalité à ceux qui la croient moins assortie aux droits respectifs des époux, c'eût été introduire la tyrannie dans le contrat qui doit être le plus libre; c'eût été substituer des abstractions théoriques aux convenances particulieres. La loi doit régler la forme des contrats et leurs effets; elle doit en procurer l'exécution; mais les stipulations en appartiennent à la volonté des contractants. Elles font partie de cette liberté que la constitution politique leur garantit, de cette propriété que le Code civil protege et organise.

Des jurisconsultes et des législateurs disputeraient des années entieres sur les avantages et les inconvénients de la communauté et du régime dotal, sans pouvoir s'accorder. Pour en être juge impartial et éclairé, il faudrait être né hors des pays où ces régimes sont en vigueur, et cependant y avoir vécu assez long-temps pour y acquérir une grande expérience de leurs résultats; au contraire, l'individu qui se marie se décide en un moment. Il voit plus d'avantage dans ce qu'il préfere; s'il lui reste quelque

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