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ment du mari ou de l'autorisation judiciaire, en cas que le mari refuse șon consentement : le projet actuel devait se conformer à cette sage disposition; il l'a fait.

Ainsi le pouvoir de la femme sur ses biens paraphernaux, se réduira, comme le prescrivaient la raison et son propre intérêt, à l'administration et jouissance de cette espece de biens.

ART.

Mais qu'arrivera-t-il si le mari gere et jouit lui- 1577 même? Notre projet le considere dans l'une des trois situations suivantes :

Ou il n'aura joui qu'en vertu d'un mandat exprès, et il sera tenu des mêmes actions que tout mandataire;

Ou il se sera entremis et maintenu dans la jouis- 1579 sance par la force et contre le gré de sa femme; et alors il devra les fruits, car il n'a pu les acquérir par un délit ;

Ou enfin sa jouissance aura été paisible, ou du 1578 moins tolérée; et, dans ce cas, il ne sera tenu, lors de la dissolution du mariage, qu'à la représentation des fruits existants.

Il importait sans doute de prévoir tous ces cas, et de les distinguer; car si les biens paraphernaux ont une existence et une administration à part, s'ils sont de droit séparés et de la dot et des biens du mari, souvent et par la nature des choses, ils leur seront unis de fait : il fallait donc pourvoir à ce qu'à raison de cette jouissance, les époux ne laissassent pas des procès pour héritage.

Je vous ai exposé, Législateurs, tous les points essentiels du régime dotal.

Une disposition particuliere, terminant le chapi- 1581 tre qui lui est consacré, exprime qu'en se soumettant au régime dotal, les époux peuvent néanmoins stipuler une société d'acquets.

Sans doute les dispositions générales du projet de loi, sainement interprétées, eussent été suffisantes

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pour établir ce droit ou cette faculté ; mais le gouvernement n'a pas cru qu'il dût en refuser l'énonciation précise, réclamée pour quelques contrées du droit écrit, où cette stipulation est fréquente.

Cette mesure aura d'ailleurs le double avantage et de calmer des inquiétudes et de prouver formellement que nos deux régimes ne sont pas ennemis, puisqu'ils peuvent s'unir jusqu'à un certain point.

Législateurs, ma tâche est fort avancée, mais elle n'est pas finie. Je n'ai plus à justifier les dispostions écrites du projet, mais son silence sur certains avantages, qu'en quelques lieux les femmes survivantes obtenaient à titre d'augment de dot, et dans le plus grand nombre de nos coutumes, sous le nom de douaire.

Sur ce point, le projet a imité la sage discrétion du droit écrit; et il le devait d'autant plus, qu'en établissant la communauté pour droit commun, il donne assez à la femme, si la communauté est utile, puisqu'elle en partagera les bénéfices, et lui accorderait trop, au cas contraire, puisque la libéralité de la loi s'exercerait sur une masse déja appauvrie ou ruinée.

En se dépouillant d'ailleurs de tous les souvenirs de la routine, il fallait revenir aux premieres regles de la raison. Or, la loi permet les libéralités, mais elle ne les fait pas, et ne doit point, en cette matiere, substituer sa volonté à celle de l'homme, parce que souvent elle la contrarierait, sous prétexte de la suppléer.

Que les époux puissent donc stipuler des droits de survie avec ou sans réciprocité, la loi ne doit point s'y opposer; mais comme les libéralités sont dans le domaine de la volonté particuliere, on ne saurait en établir par une disposition de droit commun sans blesser tous les principes.

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Législateurs, je vous ai retracé tout le plan de la loi qui vous est proposée.

Dans une matiere de si haute importance, et que

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la diversité des usages rendait si délicate et si difficile, on a moins cherché à détruire qu'à concilier, et sur-tout on a desiré que chacun pût facilement jouir de la condition légale dans laquelle il voudrait se placer.

Si donc on a pu scinder la France pour donner des regles diverses aux diverses contrées qui la composent, on a fait beaucoup, et tout ce qu'il était possible de faire, en disant à tous les citoyens de la République :

« Voilà deux régimes qui répondent à vos habi« tudes diverses; choisissez.

« Voulez-vous même les modifier, vous le pouvez.

<< Tout ce qui n'est pas contraire à l'ordre public «ou formellement prohibé, peut devenir l'objet de « vos conventions; mais, si vous n'en faites point, << la loi ne saurait laisser les droits des époux à l'a« bandon; et la communauté, comme plus conforme « à la situation des époux et à cette société morale, qui déja existe entre eux par le seul titre de leur a union, sera votre droit commun ».

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Législateurs, si cette communauté a été bien organisée, et si elle a conservé tout ce qu'il y avait de bon dans nos anciens usages, en rejettant seulement ce qui pouvait l'embarrasser sans fruit;

Si d'un autre côté le régime dotal, quoique dirigé vers une autre fin, mais organisé dans les mêmes vues, a recueilli et conservé les meilleurs éléments que nous eussions sur cette matiere;

Si enfin le projet a laissé à la volonté la juste latitude qu'elle devait avoir, le gouvernement aura rempli ses vues.

Et vous, Législateurs, en consacrant son travail par votre approbation, vous acquerrez de nouveaux droits à la reconnaissance publique.

ART.

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RAPPORT fait au tribunat par le tribun DUVEYRIER, au nom de la section de législation, sur la loi relative au contrat de mariage (Tome I, page 259).

TRIBUNS,

Séance du 19 pluviose an XII,

Votre section de législation m'a chargé de vous présenter les résultats de l'examen qu'elle a fait du projet de loi relatif au contrat de mariage et aux droits respectifs des époux, placé sous le titre V du troisieme livre dans l'ordre des matieres qui doivent composer le code civil.

Si, dans l'examen politique de notre législation civile, le nombre et la variété de nos coutumes frappent comme un reste affligeant de l'anarchie féodale, de ces temps où le duel était le seul jugement, la treve de Dieu l'unique sauve-garde ; et de la diversité des lois barbares qui les ont précédés: on doit observer avec plus d'étonnement encore ces innombrables usages, ne gouvernant que la moitié de l'empire, tandis que l'autre moitié obéissait aux lois du peuple vainqueur, bien moins imposées par la conquête, qu'introduites et fondées par la justice, la sagesse et l'exemple.

Les racines profondes que cette scission législative avait jettées, attestent seules aujourd'hui l'antiquité de sa source sans la découvrir.

On peut l'entrevoir obscure et couverte de tous les nuages qui enveloppent l'histoire du démembrement de l'empire romain, dans le partage de puissance qu'affecterent alors, sur les diverses nations des Gaules, au midi, la loi gothique et le code de Théo

dose; au nord, les lois salique, saxonne, gombette ART. et ripuaire.

On peut la trouver plus récente et plus bizarre, après les siecles d'ignorance et de barbarie, dans la domination temporelle usurpée par les papes sur quelques portions du territoire français, dans la décrétale du pape Honorius III, qui, vers le commencement du treizieme siecle, défendait, sous peine d'excommunication, à Paris et dans tous les lieux circonvoisins, l'étude et l'enseignement des lois romaines, lorsque le code de Justinien était retrouvé, et déja publiquement enseigné à Montpellier et à Toulouse.

Mais quelle que soit son origine, cette division d'un grand peuple en deux peuples distingués par la loi, confondus sous le sceptre, avait, par sa longue influence, imprimé une telle force aux opinions, aux affections, aux habitudes, que toujours l'entreprise de confondre les deux législations, et même d'en affaiblir en certains points l'extrême différence fut considérée comme une entreprise impossible.

On sait qu'au milieu du quinzieme siecle, lorsque Charles VII ordonna la rédaction par écrit de toutes les coutumes de France, jusqu'alors abandonnées aux incertitudes de la tradition, et à la preuve plus incertaine encore des enquêtes; ce travail n'était que le premier moyen d'exécution du projet plus vaste de rapprocher ensuite, de confondre ces textes différents, et de réunir tous les pays coutumiers sous le même empire d'une coutume générale.

Mais ce projet, d'un courage remarquable et peutêtre excessif pour le temps où il était conçu, puisque des difficultés insurmontables l'ont repoussé, n'allait pas jusqu'à la témérité de vouloir combiner et fondre en un seul code les coutumes et le droit romain; et le vœu de Louis XI, le seul peut-être qu'il ait formé dans les principes d'un gouvernement

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