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coupable ou imprudent qui l'a causé, un cri soudain de la justice s'éleve et répond que ce dommage doit être réparé par son auteur.

Cette disposition embrasse dans sa vaste latitude tous les genres de dommages, et les assujétit à une réparation uniforme, qui a pour mesure la valeur du préjudice souffert. Depuis l'homicide jusqu'à la légere blessure, depuis l'incendie d'un édifice jusqu'à la rupture d'un meuble chétif, tout est soumis à la même loi; tout est déclaré susceptible d'une appréciation qui indemnisera la personne lésée des' dommages quelconques qu'elle a éprouvés.

Le dommage, pour qu'il soit sujet à réparation, doit être l'effet d'une faute ou d'une imprudence de la part de quelqu'un s'il ne peut être attribué à cette cause, il n'est plus que l'ouvrage du sort, dont chacun doit supporter les chances; mais s'il y a eu faute ou imprudence, quelque légere que soit leur influence sur le dommage commis, il en est dû réparation.

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C'est à ce principe que se rattache la responsa- 1385 bilité du propriétaire relativement aux dommages 1886 causés par les animaux, ou par la ruine d'un bâtiment mal construit ou mal entretenu.

C'est au même principe que se rattache encore la responsabilité plus importante, prononcée par l'article 1384, contre le pere, la mere, les maîtres et les 1384 commettants, les instituteurs et les artisans, pour les dommages causés par les enfants mineurs, par les domestiques et les préposés, par les éleves et les apprentis.

Les premiers sont investis d'une autorité suffisante pour contenir leurs subordonnés dans les limites du devoir et du respect dû aux propriétés d'autrui. Si les subordonnés les franchissent, ces écarts sont attribués avec raison au relâchement de la discipline domestique qui est dans la main du pere, de la mere, du maître, du commettant, de

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l'instituteur et de l'artisan. Ce relâchement est une faute il forme une cause du dommage indirecte, mais suffisante pour faire retomber sur eux la charge de la réparation.

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Cette responsabilité est nécessaire pour tenir en éveil l'attention des supérieurs sur la conduite de leurs inférieurs, et pour rappeler les austeres devoirs de la magistature qu'ils exercent; mais elle exigeait, dans certaines circonstances, des tempéraments qui n'ont pas échappé à la sagacité des rédacteurs du projet.

La surveillance ne peut s'exercer qu'autant que les personnes qui y sont soumises se trouvent placées sous les yeux des surveillants.

Ainsi la responsabilité du pere, et à son défaut, celle de la mere, n'est engagée qu'à l'égard des enfants mineurs qui habitent avec eux.

La responsabilité des maîtres et commettants n'a lieu que pour le dommage causé par leurs domestiques, et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Celle des instituteurs et artisans ne s'exerce qu'à l'égard du dommage causé par leurs éleves et apprentis, pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

Elle cesse à l'égard de tous, s'ils prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui y donne lieu.

La responsabilité ne peut en effet atteindre ceux qui sont exempts de tout reproche; mais cet acte de justice envers eux ne dégage pas le véritable auteur du dommage: mineur ou préposé, éleve ou apprenti, il reste toujours obligé de le réparer, quelle que soit sa qualité.

Cette regle constante, invariable, qui veut que celui qui souffre un dommage par le fait ou la faute de quelqu'un trouve dans tous les cas un moyen d'indemnité, résout une question rappelée par l'orateur du gouvernement, et dont l'objet était de savoir

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si un prodigue interdit est obligé de réparer les torts. causés par ses délits.

L'orateur répond qu'on n'a pas dû supposer qu'une pareille question pût s'élever de nos jours, et qu'on ne doit pas faire à notre siecle l'injure de la décider.

Cet orateur, plein des principes de la justice comme de ceux du droit positif, a senti en effet que si la loi met le prodigue dans l'impuissance salutaire de dissiper sa fortune, elle n'a pu lui laisser l'étrange faculté de porter à la propriété du citoyen paisible des coups inattendus qu'il n'aurait pu ni prévoir ni éviter; elle n'a pu lui accorder une funeste impunité, ni le soustraire à cette obligation que le droit naturel impose à tout individu de réparer le dommage qu'il

a causé.

Que le propriétaire, l'artiste, le commerçant, se livrent donc avec confiance et avec sécurité à leurs soins domestiques, à leurs travaux, à leurs spéculations; la loi veille pour eux; quel que soit l'auteur du dommage qu'ils auront essuyé, elle leur signalera toujours un réparateur.

Voulez-vous maintenant, législateurs, réunir sous un seul point de vue les diverses dispositions du projet? Vous y trouverez la méthode, la clarté, la justice, la prévoyance que vous pouviez desirer dans une loi de ce genre.

Il embrasse tous les engagements dans lesquels la convention n'a interposé ni sa foi, ni son lien.

Il divise ces engagements en deux classes. Il met dans la premiere ceux que l'autorité seule de la loi fait ressortir de la situation respective des citoyens et des rapports qu'elle établit entre eux. Il range dans la seconde ceux qui naissent d'un fait volontaire. Il en développe les différentes especes; et les regles qu'il pose, sont puisées dans la nature même des faits qui produisent ces engagements.

S'agit-il de la gestion spontanée des affaires d'un absent? La loi ne peut mieux honorer le sentiment

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généreux de celui qui exerce ce bienfait, qu'en lui annonçant qu'il doit l'accomplir. Mais en mêmetemps elle rappelle aux juges les ménagements dus à ce précieux dévouement; et elle prescrit à celui qui en recueille les fruits, les justes devoirs de la reconnaissance.

S'agit-il du paiement d'une chose non due ? L'équité ne pouvant souffrir qu'une erreur dépouille l'un pour enrichir l'autre, le projet oblige d'abord celui qui a reçu à restituer; et ces autres obligations sont graduées sur la bonne ou la mauvaise foi qu'il apporte dans cette réception.

S'agit-il enfin de dommages causés? Le projet épuise tous les moyens d'en assurer la réparation; et dans le nombre de ces moyens, il place une responsabilité morale qui doit redoubler la vigilance des hommes chargés du dépôt sacré de l'autorité, et qui préviendra ainsi plus de désordres qu'elle n'en aura à réparer.

Tels sont les motifs qui ont déterminé le tribunat à voter, et à vous proposer l'adoption du projet de loi.

N° 65.

le con

EXPOSE des motifs de la loi sur le contrat
de mariage (Tome I, page 259.), par
seiller d'état BERLIER.

LEGISLATEURS,

Séance du 10 pluviose an XII,

L'une des lois que vous avez portées dans votre derniere session détermine les conditions requises pour le mariage, en regle les formes, et statue sur les droits et devoirs principaux qu'établit entre les

époux le lien justement révéré qui est le fondement des familles et de la société.

Cette loi s'est occupée de tout ce qui touche à l'état civil des époux, et a laissé à d'autres dispositions du Code, le soin de régler ce qui regarde les conventions que les époux peuvent établir par rapport à leurs biens et droits que, dans leur silence, la loi doit suppléer.

C'est ce complément que renferme le projet que nous vous apportons aujourd'hui, intitulé : Du contrat de mariage et des droits respectifs des époux.

Dans cette importante matiere, le gouvernement a dû ne rien admettre qui pût blesser l'institution fondamentale, ou fût capable de ralentir cet heureux élan que la nature elle-même a pris soin d'imprimer aux hommes en les dirigeant vers le mariage.

Ainsi point d'inutiles entraves; car si la volonté doit essentiellement présider aux contrats, c'est surtout lorsqu'il s'agit de conventions matrimoniales.

Cependant cette volonté doit être limitée en quelques circonstances, éclairée toujours et suppléée quelquefois.

De là la nécessité d'une loi puisse celle dont nous vous offrons le projet, remplir les vues qu'on s'est proposées !

Pour bien comprendre et sur-tout pour juger ses dispositions, il n'importe pas seulement de connaître le dernier état de notre législation sur les rapports qui existent entre les époux, quant aux biens; mais il ne sera pas inutile, peut-être, de remonter à la source de cette législation, et de porter un coup-d'œil général sur cette partie de notre droit.

Ici, comme en beaucoup d'autres matieres, il serait difficile de ne point citer Rome et ses lois. Les femmes, qui y furent long-temps incapables de succéder, ne pouvaient rien apporter à leurs maris;

ART.

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