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vidu qui a reçu la chose de bonne foi; car il ne l'oblige, lors même qu'il l'aurait aliénée, qu'à restituer le montant du prix de la vente, parce que cette bonne foi le fait justement considérer comme légitime propriétaire de la chose d'où naît la conséquence qu'il avait le droit d'en disposer de la maniere qu'il a jugée le plus convenable à ses intérêts.

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Tels sont, tribuns, les principes établis dans la premiere partie du projet de loi qui vous est soumis, et qui frappent uniquement sur les engagements qui résultent de certains faits que la loi permet; mais il en est d'autres qu'elle réprouve et qu'elle punit, d'autres qu'elle excuse, et qui tous produisent des obligations sur lesquelles je dois maintenant appeler votre attention : je veux parler des délits et des quasi-délits.

Tout individu est garant de son fait; c'est une des premieres maximes de la société : d'où il suit que si ce fait cause à autrui quelque dommage, il faut que celui par la faute duquel il est arrivé soit tenu de le réparer. Ce principe, consacré par le projet, n'admet point d'exception; il embrasse tous les crimes, 1383 tous les délits, en un mot, tout ce qui blesse les droits d'un autre ; il conduit même à la conséquence de la réparation du tort, qui n'est que le résultat de la négligence ou de l'imprudence. On pourrait, au premier aspect, se demander si cette conséquence n'est pas trop exagérée, et s'il n'y a pas quelqu'injustice à punir un homme pour une action qui participe uniquement de la faiblesse ou du malheur, et à laquelle son cœur et son intention sont absolument étrangers. La réponse à cette objection se trouve dans ce grand principe d'ordre public; c'est que la loi ne peut balancer entre celui qui se trompe et celui qui souffre. Par-tout où elle aperçoit qu'un citoyen a éprouvé une perte, elle examine s'il a été possible à l'auteur de cette perte de ne pas la causer; et si elle trouve en lui de la légèreté ou de l'imprudence,

elle doit le condamner à la réparation du mal qu'il a fait. Tout ce qu'il a le droit d'exiger, c'est qu'on ne sévisse pas contre sa personne, c'est qu'on lui conserve l'honneur, parce que les condamnations pénales ne peuvent atteindre que le crime, et qu'il n'en peut exister que là où l'intention de nuire est établie et reconnue. Mais ce n'est pas trop exiger de lui que de l'astreindre à quelques sacrifices pécuniaires pour l'entiere indemnité de ce qu'il a fait souf→ frir par son peu de prudence ou son inattention. C'est dans ce défaut de vigilance sur lui-même, qu'existe la faute, et c'est cette faute qu'on appelle en droit quasi-délit, dont il doit réparation.

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Le projet ne s'arrête pas à la personne qui est l'au 1384 teur du dommage, il va plus loin; et pour en assu→ rer de plus en plus la juste indemnité, il autorise le lésé à recourir à ceux de qui cette personne dépend, et contre lesquels il prononce la garantie civile. C'est ainsi qu'il rend le pere, et la mere, après le décès: du mari, responsables du tort causé par leurs enfants mineurs. Cette obligation se rattache à la puissance, à l'autorité que la loi accorde aux parents sur leurs enfants en minorité, aux devoirs qu'elle leur impose pour la perfection de leur éducation, à la nécessité où ils sont de surveiller leur conduite avec ce zele, ce soin, cet intérêt qu'inspirent tout à la fois et le desir de leur bonheur, et la tendre affection qu'ils leur portent. Au surplus, cette garantie cesse si les enfants n'habitent pas la maison paternelle; parce que hors de là leur dépendance devient moins abso÷ › lue, moins directe : l'exercice du pouvoir du pere: est moins assuré, et sa surveillance presqu'illusoire,

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La même garantie est prononcée par l'article 1384 contre les instituteurs et les artisans, pour les dommages causés par leurs éleves ou apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. En voici la raison : c'est que les instituteurs ou artisans rem placent alors les parents; c'est que la loi leur délegue

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une portion d'autorité suffisante pour retenir les enfants et ouvriers qui sont sous leur direction, dans les bornes de la circonspection et du devoir; c'est qu'ils doivent à ces enfants et ouvriers de bonnes instructions, et de bons exemples; c'est qu'il faut qu'ils se garantissent de toute faiblesse envers eux ; et c'est qu'enfin ils ont la faculté de renvoyer ceux d'entre ees enfants ou ouvriers qui leur paraissent perversi on incorrigibles.

. Mais si les peres, meres, instituteurs ou artisans parviennent à prouver qu'ils ont été dans l'impossi bilité d'empêcher le fait dont on se plaint, alors la garantie disparaît, parce que l'impossibilité bien constante, équivaut à la force majeure, qui ne donne ouverture à aucune action au profit de celui qui en est la victime.

Il n'en est pas de même des maîtres et des commettants. Ils ne peuvent, dans aucun cas, argumenter de l'impossibilité où ils prétendraient avoir été d'empêcher le dommage causé par leurs domestiques qw proposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés, et le projet les assujétit tonjours à la responsabilité la plus entiere et la moins équivoque. Cette disposition, qui se rencontre déja dans le Code rural, ne présente rien que de très-équitable. N'estce' pas en effet le service dont le maître profite, qui a produit le mal qu'on le condamne à réparer? Nateil pas à se reprocher d'avoir donné sa confiance à l des hommes méchants, maladroits ou imprudents ? etoserait-il juste que des tiers demeurassent victi- mes de cette confiance inconsidérée, qui est la cause premiere, la véritable source du dommage qu'ils éprouvent? La loi ne fait donc ici que ratifier ce que l'équité commande, ce que de fréquents et trop få-cheux exemples rendent nécessaire, et ce que la jurisprudence de tous les temps et de tous les pays a consacré. J's a

Le projet prevoit ensuite le cas où un animal,

guidé par quelqu'un, ou échappé de ses mains, ou simplement égaré, aurait causé quelque tort. Dans les deux premieres hypotheses, il veut que celui qui s'en servait, et dans le troisieme il ordonne qué celui qui en est le propriétaire, soit tenu de la répara tion du dommage, parce qu'alors ce dommage doit être imputé, soit au défaut de garde et de vigilance. de la part du maître, soit à la témérité, à la mala dresse ou au peu d'attention de celui qui s'est servit de l'animal, et parce que d'ailleurs, dans la these générale, rien de ce qui appartient à quelqu'un ne peut nuire impunément à un autre.

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C'est encore par suite de cette inconstable vérité 1386 que le dernier article du projet décide que le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage qu'il a causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par le défaut d'entretien ou par le vice de sa construction. Cette décision est bien moins rigoureuse et plus équitable que la disposition qui se trouve dans la loi romaine. Celle-ci autorisait l'individu dont le bâtiment pouvait être endommagé par la chûte d'un autre qui était en péril de ruine, à se mettre en possession de cet héritage voisin, si le propriétaire ne lui donnait des sûretés pour le dommage qu'on était fondé à craindre. Ainsi, la seule appréhension du mal donnait ouverture à l'action, et pouvait opérer of: la dépossession. Le projet au contraire veut, avant tout, quelle mal soit constant. C'est done le fait seul de l'écroulement qui peut légitimer la plainte et las demande du lésé, et déterminer une condamnation à son profit. C'est d'après cet écroulement qu'il est permis d'examiner le dommage, dé fixer son impor tance: et c'est alors enfin que le juge en prononce la réparation, s'il est établi que la négligence du maître à entretenir son bâtiment, ou l'ignorance desi ouvriers qu'il a employés à sa construction, en ont déterminé la chûte,

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Tribuns, j'ai parcouru successivement tous les

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articles du projet de loi; je vous ai exposé les différentes dispositions qu'il renferme et les motifs qui les ont déterminées. Vous avez dû remarquer que. ces dispositions sont toutes puisées dans la raison, la sagesse, l'équité naturelle, et dans les principes. de la plus saine morale, bases essentielles d'une bonne et durable législation. Vous n'hésiterez donc pas à lui donner votre assentiment, ainsi que la section vous le propose unanimement, par mon organe.

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DISCOURS prononcé au corps législatif,
par
le tribun TARRIBLE, l'un des orateurs
chargés de présenter le vieu du tribunat sur
la loi relative aux engagements qui se for-
ment sans convention. (Tome I, page 256.).

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1370 Le titre que je suis chargé de discuter devant vous, est encore relatif à la propritété.

Unorateur éloquent et profond a développé dans cette tribune, l'origine de ce droit qui fut une des premiéres causes de la réunion des hommes en société, et la premiere base de leur civilisation. Il en a peint, avec le coloris le plus riche, les avantages politiques et moraux, les rapports qui le lient à la stabilité des gouvernements et au bonheur des individus ; il a rendu un hommage solennel au rese pect qui lui est dû et à la protection dont il doit être appuyé; et son discours, digne de la loi dont il est le frontispice et le brillant commentaire, se

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