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Cependant on a objecté que l'instruction préalable peut devenir judiciaire, lors, par exemple, qu'un parent vient alléguer que le consentement du père adoptif n'est pas donné librement, que ce père est en démence, que l'adoption est consentie par un faux tuteur; mais qu'arrivera-t-il alors? ce qui arrive tous les jours à l'égard des questions de propriété ; il y aura une question préliminaire sur laquelle les tribunaux prononceront.

LE PREMIER CONSUL dit qu'il adopte cette opinion, pourvu que la loi impose expressément au gouvernement l'obligation de renvoyer aux tribunaux les questions préliminaires dont M. Tronchet a parlé. Ainsi le gouvernement ne pourrait pas proposer de loi tant que l'opposition ne serait pas levée; et il demeurerait cependant libre de ne pas la proposer, même après la main-levée de l'opposition.

LE CONSEIL adopte en principe que l'adoption sera prononcée par une des grandes autorités du gouvernement.

LE PREMIER CONSUL ouvre la discussion sur la question de sect. a. savoir quelle procédure sera tenue à l'égard des demandes en adoption.

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) demande que l'instruction soit faite par le tribunal civil, et non par le juge de paix.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS pense qu'il est naturel d'employer le ministère du juge de paix, parce que la juridiction gracieuse lui appartient: c'est lui qui reçoit les délibérations de famille relativement aux tutelles et aux affaires des mineurs ; il doit également recevoir les demandes en adoption. Sur ces demandes, il fera appeler les témoins, la famille, et dressera un procès-verbal. Si cependant il survient des réclamations qui puissent donner lieu à une instance, il les renverra devant un tribunal. Jusqu'ici le gouvernement ne prend point part à ce qui se passe, et sa dignité n'est point compromise. Ensuite, et quand toutes les difficultés sont levées, les parties viennent à lui pour solliciter une loi. Le Conseil d'État

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examine les pièces; il prend, s'il veut, des informations nou-
velles ; il n'a point de surprises à craindre; car le gouverne-
ment est encore maître de ne point proposer de loi d'adoption.
M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) explique les mo-
tifs de son opinion: il fait observer que,
dans les campagnes,
les juges de paix procèdent fort légèrement; il craint même
que quelques-uns d'entre eux ne se prêtent à des collusions.
Ces motifs l'ont déterminé à proposer que l'instruction soit
confiée à une autorité plus imposante, qui soit cependant sur
les lieux, et qui vérifie les fraudes avec plus de sévérité, et
près de laquelle le commissaire du gouvernement est le re-
présentant de la société, le surveillant de tous les droits, de
tous les intérêts: il faudrait du moins que l'instruction faite
devant le juge de paix fut soumise au tribunal civil. On peut
ajouter aux raisons qui viennent d'être présentées une con-
sidération importante; c'est que les juges de paix n'ont point
de correspondance avec le Ministre de la Justice, et qu'au
contraire les commissaires du gouvernement près les tribu-
naux pourraient faire parvenir directement l'instruction qui
aurait été faite. Au surplus, on pourrait la faire arriver éga-
lement par le préfet en la soumettant à sa révision : l'essen-
tiel est que le travail du juge de paix soit soumis à une véri-
fication, et n'arrive pas aussi imparfait que celui qui sort trop
souvent de ses bureaux.

La proposition du Consul Cambacérès est adoptée.

La discussion est ouverte sur la troisième question, qui consiste à savoir par quelle autorité l'adoption sera prononcée. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'il inclinerait à donner cette fonction au Sénat, si la loi pouvait lui donner des attributions. LE CONSEIL ajourne la discussion de cette question jusqu'après celle des causes et des conditions de l'adoption. M. BERLIER fait lecture de celles proposées par la section, et consignées dans les §§ 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du projet présenté dans la séance du 14 de ce mois.

Les articles 2, 3 et 4 sont adoptés sans discussion.

L'article 5 est soumis à la discussion.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'il n'y a point de proportion entre l'âge auquel l'adoption serait permise à un homme veuf, et l'âge où elle le serait à un homme marié : il suffit en effet à ce dernier d'avoir passé dix années dans le mariage pour avoir le droit de devenir père adoptif.

M. BERLIER répond que la raison de cette différence est que le veuf peut se remarier incontinent, tandis que cette possibilité n'existe pas pour l'homme et la femme mariés, dont cependant l'union a été stérile depuis dix ans ; et qu'en cet état, il a paru juste d'établir pour ceux-ci un terme moins reculé que pour l'autre, en partant toujours de ce principe, que l'adoption doit se coordonner avec le mariage, et n'ètre accordée qu'à ceux dont la société ne peut guère espérer une descendance naturelle.

M. ROEDERER dit que l'article 5 suppose gratuitement que les hommes veufs et les femmes veuves préfèrent l'adoption au mariage. Ces personnes doivent avoir le droit d'adopter quand bon leur semble: elles ont prouvé qu'il n'est point dans leur cœur de se soustraire à l'engagement du mariage. L'intérêt de la population n'est pour rien'ici; ce sont les prolétaires qui peuplent les Etats: toutes les tables de population qui ont été faites prouvent qu'elle suit toujours les progrès ou la diminution du travail.

La proposition de M. Roederer est adoptée.

L'article 6 est soumis à la discussion.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS propose de réduire cet article à une disposition qui déclare qu'en aucun cas l'adoption ne sera permise qu'à l'âge de quarante ans, et qu'elle ne le sera qu'à l'âge de soixante aux personnes non mariées.

LE CONSEIL décide que l'adoption ne sera permise qu'à l'âge de quarante ans aux individus mariés ou veufs, et à cinquante ans aux personnes qui ne sont point et n'ont point été engagées dans le lien du mariage.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS demande que la prohibition soit

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étendue jusqu'à soixante ans pour ces dernières : à Rome, l'on ne pouvait adopter avant l'âge de soixante ans.

M. ROEDERER fait observer qu'un vieillard et un enfant sont mal placés ensemble.

LE CONSEIL maintient son arrêté.

L'article 7 est soumis à la discussion.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE demande le motif de cette disposition.

M. BERLIER dit qu'elle est dictée par la crainte de l'influence naturelle des tuteurs, et par l'abus qu'ils en pourraient faire pour s'approprier les biens du mineur par un acte d'adoption.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE dit que l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant, et a pour objet de lui donner un père; qu'il le trouve dans son tuteur, et qu'il ne s'agit plus que de donner un plus grand caractère à des rapports qui sont déjà formés. Si l'on craint des abus, on peut ordonner que l'adoption ne sera pas permise au tuteur avant qu'il ait rendu ses comptes.

L'article est adopté.

L'article 8 est soumis à la discussion.

M. TRONCHET dit qu'on doit retrancher de cet article l'exception qui le termine. L'intérêt des mœurs a fait prohiber les mariages entre proches parens, parce qu'on a craint les suites de la familiarité qui existe naturellement entre eux. La même raison doit faire prohiber l'adoption de la nièce par l'oncle, et du neveu par la tante.

M. BERLIER dit qu'il n'y a nulle parité entre ces deux espèces; que si le législateur a craint que la familiarité qui existe entre proches parens ne dégénérât en de criminelles complaisances par l'espoir du mariage, le but est ici tout différent, et que, sous le rapport qu'on discute, rien ne ressemble moins au mariage que l'adoption; qu'au surplus, et puisque le système des dispenses a passé, l'oncle qui au

rait sur sa nièce des vues de l'espèce qu'on suppose songerait plutôt à l'épouser qu'à l'adopter.

M. BOULAY ajoute que l'oncle et la tante sont déjà un quasi père et une quasi mère à l'égard de leurs neveux.

M. PORTALIS Opine pour le maintien de l'article. Il observe qu'en effet, si le mariage est défendu entre parens à certains degrés, c'est à cause des dangers de la familiarité, lorsqu'elle est alimentée par l'espoir du mariage; mais l'adoption ne peut être prohibée par les mêmes motifs; car elle établit des rapports bien différens, ou plutôt elle maintient dans la famille le parent adopté, en ajoutant seulement aux affections qui déjà l'unissent à celui qui adopte.

L'article est adopté.

L'article 9 est soumis à la discussion.

M. MARMONT dit que cette disposition peut compromettre l'état des enfans naturels. Il pourrait arriver en effet que, pour se ménager la faculté de les adopter, leur père différât de les reconnaître, et que cependant il mourût sans les avoir ni adoptés ni reconnus.

M. BERLIER convient que l'article est trop sévère; le motif qui l'a fait adopter à la section a été la crainte de contredire le projet de loi qui ne donne aux enfans naturels reconnus qu'une créance sur les biens de leurs pères.

M. EMMERY fait observer que la créance est le droit commun, et l'adoption le cas particulier.

Il demande la suppression de l'article,

M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) dit que la disposition rappelée par M. Berlier n'a pour objet que de détruire la législation antérieure, qui donnait aux enfans légitimés des droits beaucoup plus étendus qu'une simple créance, L'article est supprimé.

L'article 10 est soumis à la discussion.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS youdrait qu'il ne fût permis d'adopter que des enfans en bas âge.

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