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C. pén.; Cass., 3 oct. 1835, Minist. public, D., 1835, I, 450).

Nous concluons donc que, dans tous les cas sans distinction, le propriétaire supérieur peut retenir les eaux pluviales, à la condition, bien entendu, comme le fait justement observer Duranton, de retenir toutes les eaux chez lui, en tout temps, et de manière qu'elles ne s'écoulent jamais sur le fonds inférieur autrement qu'elles ne s'écoulaient d'abord naturellement (comp. Cass., 14 juill. 1823, Peynier, Sirey, 1823, I, 173; Cass., 21 juill. 1825, Boissière, D., 1825, I, 366; Rennes, 10 févr. 1826, Desmars, Sirey, 1828, II, 74; Limoges, 22 janv. 1839, Bonnet, Dev., 1839, II, 284; Limoges, 14 juill. 1840, Bonifardière, Dev., 1841, II, 1; Caen, 26 fév. 1844, Duhamel, Dev., 1844, II, 335; L. I, § 2, et L. 22, ff. de aqua; Dunod, des Prescriptions, part. I, chap. XII, p. 88; Proudhon, du Dom. public, t. IV, no 1318; Garnier, t. III, no 717; Daviel, t. III, n° 796, 797),

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52. La même solution est applicable aux eaux de source, en ce sens que le propriétaire supérieur, dans le fonds duquel la source prend naissance, a toujours le droit de la détourner, au préjudice des propriétaires inférieurs (infra, no 64; art. 641, 642).

Mais le propriétaire supérieur, dont le fonds serait seulement traversé par les eaux vives d'une source venant de plus haut, n'aurait pas au contraire le droit d'en arrêter le cours (art. 644).

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53. Pareillement, en sens inverse, le propriétaire supérieur qui aurait, pendant plus de trente ans, retenu les eaux pluviales tombant sur son fonds, ou les eaux de la source qui y prend naissance, n'en serait pas moins fondé ensuite à les laisser couler de nouveau suivant leur pente naturelle, sur les fonds inférieurs; ce n'est pas une obligation pour lui de laisser couler les eaux sur les fonds inférieurs; c'est un acte de pure faculté, qui ne saurait se perdre par le non-usage (art. 2232; Pardes

sus, t. I, no 82; Daviel, t. III, no 761; Toullier, t. II, p. 361).

Des autres assujettissements qui peuvent encore résulter de la situation naturelle des lieux entre les fonds supérieurs et les fonds inférieurs. Des éboulements, des avalanches, etc.

SOMMAIRE.

54. Les fonds inférieurs sont encore assujettis, par la situation naturelle des lieux, à recevoir les éboulements de toutes sortes qui proviennent des fonds supérieurs. Quelles sont, à cet égard, les règles à suivre ?

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55. La première condition est que les éboulements descendent natųrellement du fonds supérieur, et sans que la main de l'homme y ait contribué. Exemple.

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56. Lorsque l'éboulement est naturel, quels sont respectivement les droits et les obligations du propriétaire d'en haut et du propriétaire d'en bas?

57. Le propriétaire supérieur a-t-il le droit de venir reprendre sur le fonds inférieur les matériaux qui y ont été entraînés? Peut-il y être contraint?

58. Le propriétaire supérieur peut-il cultiver son fonds, y construire, etc., de manière à produire des éboulements sur les fonds inférieurs?

59, De son côté, le propriétaire inférieur ne peut rien faire, qui change, au préjudice du fonds supérieur, la situation naturelle des lieux. Exemple.

60,

De la vue que les propriétaires des fonds supérieurs exercent sur les fonds inférieurs.

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54. L'article 640 n'est relatif qu'à l'écoulement des eaux; mais il est clair que les fonds inférieurs sont également assujettis à recevoir les lavanges, les avalanches, les éboulements enfin de toutes sortes, de terre, de neige, de glaces, de gravier, de rochers, etc., qui se détachent des fonds supérieurs. C'est là une règle de nécessité qui, pour n'avoir point été consacrée dans un article spécial, n'en est pas moins évidente, et dont l'article 640 n'est lui-même qu'une application (supra, no 7).

C'est donc d'après la pensée du législateur, telle que l'article 640 la révèle, et d'après les principes de l'équité et du bon sens, que les magistrats doivent se décider dans les différentes hypothèses qui peuvent se présenter à cet égard, et qui sont très-fréquentes dans les pays de montagnes. 55. Ainsi, la première condition est que les éboulements descendent naturellement des fonds supérieurs, et sans que la main de l'homme y ait contribué (art. 640). Point de doute, par exemple, que le propriétaire qui, par des travaux quelconques, aurait créé lui-même la pente du sol, ne fût responsable des dommages qui en résulteraient pour ses voisins (Zachariæ, t. I, p. 247).

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56. — Mais, au contraire, lorsque l'assujettissement dérive de la situation naturelle des lieux, les propriétaires d'en bas sont obligés de le supporter; et de là les conséquences suivantes :

1° Le propriétaire d'en haut n'est tenu à construire aucun ouvrage, ni mur de soutènement, ni terrasse ou autre, afin de protéger les propriétaires inférieurs, sauf à ceux-ci la faculté d'employer eux-mêmes les moyens de préservation qui leur seraient utiles, sans nuire au propriétaire supérieur.

2o Le propriétaire supérieur n'est pas tenu de réparer le dommage que les éboulements auraient causé aux fonds inférieurs; c'est là un des accidents de la nature dont nul n'est responsable, toutes les fois, bien entendu, qu'on ne lui impute d'ailleurs aucune faute (infra, no 58; Poitiers, 6 mai 1856, Ribouleau, Dev., 1856, II, 470; Pardessus, t. I, no 82.)

57. Mais on peut demander:

D'une part, si le propriétaire supérieur a le droit de venir reprendre, sur le fonds inférieur, les matériaux quelconques qui y ont été entraînés;

D'autre part, s'il peut y être contraint par le propriétaire inférieur.

Qu'il puisse aller chercher les matériaux, arbres, pierres, meubles quelconques, qui lui auraient été enlevés par l'avalanche, cela n'est pas contestable, pourvu qu'il s'agisse de matériaux assez considérables pour être reconnus et revendiqués (voy. notre tome X, n° 100; et comp. supra, no 32). Et alors, c'est-à-dire lorsque le propriétaire supérieur vient lui reprendre ce qui lui a été enlevé, il est tenu de tout enlever, le bon et le mauvais, et de réparer aussi tout le dommage, non-seulement celui qui résulte de l'enlèvement, mais encore celui que le cas fortuit a causé, puisqu'il n'en accepte pas lui-même les conséquences (voy. notre tome X, n° 112: L. 7, § 5; L. 9, § 1, 2 et 3, ff. de damno infect.; Toullier, t. XI, no 324; Locré, Législ. civ., t. VIII, p. 126).

Mais nous ne croyons pas que, en sens inverse, le propriétaire supérieur soit tenu de venir reprendre, sur les fonds inférieurs, les matériaux qui ont été emportés de son fonds; c'est là pour lui une faculté, point une obligation. C'est en cela précisément que consiste l'assujettissement du fonds inférieur; c'est à recevoir ce qui se détache naturellement du fonds supérieur (voy. encore notre tome X, no 103; et comp. Garnier, t. III, n° 689).

58. Il est bien entendu que le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur (art. 640).

Solon (no 52) remarque néanmoins que c'est l'abus seul qui pourrait le rendre responsable et que, s'il avait usé de son droit de cultiver son champ avec précaution et en bon père de famille, il ne devrait pas être condamné à retenir les terres qui se détacheraient par suite de ses travaux, selon le précepte que celui-là qui use d'un droit ne peut jamais être passible de dommages-intérêts.

C'est ainsi, en effet, que nous avons vu, sur l'article 640, que le propriétaire supérieur peut ouvrir des sillons et des rigoles pour la culture et l'exploitation de ses fonds

(supra, no 39; ajout. L. 24, § 12, ff. de damno infect.).

Toutefois, on ne saurait ici se montrer trop réservé; et le mieux nous paraît être de ne point poser à priori de règles absolues sur toutes ces questions de responsabilité, qui sont plutôt, en pratique de fait que de droit.

Le propriétaire supérieur, peut, sans doute, exploiter son fonds, y semer, y planter, y bâtir, etc.; c'est son droit (art. 544).

Il est vrai! mais prenons garde que si chacun peut faire ce qu'il veut sur son fonds, c'est à la condition de ne rien faire tomber sur le fonds d'autrui, quatenus nihil immittat in alienum (L. 15, ff. si servit. vindic.); et la vérité est que le propriétaire ne peut plus dire qu'il a exercé son droit, lorsque le résultat de cet exercice est de causer des éboulements sur les fonds inférieurs.

On verra donc! et l'on appréciera si l'ouvrage ou le travail quelconque, déplacement de terres, plantations, ou bâtisse, exécutés par le propriétaire supérieur, est tel qu'il ait pu, eu égard à la situation des lieux et à la nature du sol, se le permettre sans faute et sans imprudence (art. 1382, 1383; comp. Pau, 14 févr. 1832, Lo, D., 1832, II, 77; Cass., 29 nov. 1832, Feel, D., 1833, I, 98). 59. De son côté réciproquement, le propriétaire inférieur ne peut rien faire qui change, au préjudice du fonds supérieur, la situation naturelle des lieux.

Il ne pourrait point, par exemple, couper à pic la partie inférieure de son fonds, de manière que le fonds supérieur demeurât sans soutien, et fût ainsi exposé lui-même à des éboulements plus fréquents et plus dommageables. C'est là, d'ailleurs, comme nous le verrons, une règle générale du voisinage, que nul ne peut creuser sur son fonds, au point extrême, qui le sépare des points contigus, de manière à les mettre ainsi, pour ainsi dire, en l'air, et sans appui !

Si tandem tam alte fodiam in meo, ut paries tuus stare

TRAITÉ DES SERVITUDES.

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