Page images
PDF
EPUB

les règlements anciens et les usages locaux, sur ce sujet, ont été maintenus par le Code Napoléon, et doivent encore être observés aujourd'hui.

Voici, pour la négative, les arguments que l'on peut présenter :

1° Aux termes des articles 537 et 544, chacun a la libre disposition des biens qui lui appartiennent, sous les modifications établies par les lois; et, en conséquence, le propriétaire pourra creuser un fossé à l'extrême limite de son héritage, s'il n'en est pas empêché, soit par un texte de loi, soit du moins par un usage local ou un ancien règlement confirmé par notre Code; or, le Code Napoléon, qui a maintenu, en beaucoup de points, les anciens règlements et usages, garde le silence le plus absolu sur celui dont il s'agit; et ce silence est d'autant plus significatif, pour les fossés, que le Code exige, au contraire, pour les haies, que le propriétaire observe la distance prescrite par les règlements particuliers actuelle. ment existants ou par les usages constants et reconnus (art. 671); donc, aucune distance n'est prescrite, lorsqu'il s'agit d'un fossé, pas plus que lorsqu'il s'agit d'un mur, et on ne saurait imposer une telle restriction au droit de propriété ni créer une telle servitude légale sans un texte de loi; d'autant plus que même, dans notre ancien droit, il y avait des pays où cette distance n'était pas prescrite (comp. Guy Coquille, Quest. et rép. sur les art. des cout., quest. 298; loi du 30 ventôse an xII; art. 1er du Code Napol.).

2° Non-seulement ce serait créer une servitude légale; mais il faudrait aussi établir une présomption légale qui ne se trouve nulle part, à savoir la présomption qu'un certain espace de terrain au delà du fossé, du côté du voisin, appartient au propriétaire de ce fossé; telle était, en effet, la conséquence des anciens usages; or, le Code Napoléon, loin de consacrer cette présomption, admettrait plutôt la présomption toute contraire, lorsqu'il déclare

que

tous fossés entre deux héritages sont présumés mitoyens. 3o Ce n'est pas à dire sans doute que l'un des voisins puisse, en creusant un fossé tout à fait à fin d'héritage, exposer ainsi le fonds voisin à des éboulements; et il faut, certainement, sous peine de dommages-intérêts, quil avise au moyen de l'en garantir (comp. Colmar, 25 juil. 1861, Grosheintz, Dev., 1861, II, 577; et les Observations de M. Carette, h. l.).

Mais autre chose est de décider, en fait, cette question, eu égard à la nature plus ou moins compacte du sol et au mode d'établissement du fossé; autre chose, de faire revivre, de plein droit, tous les anciens règlements et usages locaux, lors même qu'une distance moindre que celle qu'ils prescrivaient, serait aujourd'hui reconnue suffisante (comp. Duranton, t. V, no 364; Daviel, t. II, n° 859; Demante, t. II, no 525; Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. II, no 304).

Cette argumentation est assurément très-forte; mais nous devons dire toutefois que la jurisprudence paraît définitivement fixée en sens contraire; et la vérité est que dès que l'on reconnaît (comme il le faut bien !) que le propriétaire ne peut pas plus aujourd'hui qu'autrefois, creuser un fossé sur l'extrême limite de son héritage, il n'y a plus qu'un pas à faire pour convenir aussi le que Code, en ne déterminant pas la distance qu'il sera nécessaire d'observer, s'en est remis aux usages et règlements locaux. L'article 544 ne permet au propriétaire de disposer de sa chose que sous la condition qu'il n'en fera pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements; or, les usages et règlements dont il s'agit, fondés sur l'intérêt de l'agriculture, n'ont pas cessé, en fait, d'être observés dans les diverses localités.

En conséquence, notre conclusion sera :

1° Que le propriétaire, qui veut se clore par un fossé, est tenu de laisser, en dehors et au delà, un certain espace, un franc bord, une repare;

2° Que, par suite, cet espace est présumé lui appartenir; 3o Enfin, que, par suite encore, celui qui creuse un fossé sans laisser cette marge, porte à la propriété du voisin un trouble qui peut autoriser, de sa part, la complainte au possessoire (comp. Caen, 14 juil. 1825, Gouley, Dev., 1826, II, 202; Cass., 22 fév. 1827, Delacroix, Sirey, 1827, I, 136; Dijon, 22 juil. 1836, Sigault, Dev., 1836, II, 387; Cass., 11 avril 1848, Mennesson, Dev., 1848, I, 395; Cass., 3 juil. 1849, mêmes parties, Dev., 1849, I, 624; Bordeaux, 18 juil. 1879, Chiron, Dev., 1879-2-329; Toullier, t. II, n° 227; Proudhon, du Dom. privé, t. II, n° 589; Pardessus, t. I, n° 186; Solon, no 267).

Il n'en serait autrement que dans les endroits où il serait constant qu'aucune coutume ni aucun usage local n'obligerait le propriétaire qui veut se clore par un fossé, à laisser, au delà et en dehors, un certain espace ou franc bord, pour garantir la propriété voisine contre l'éboulement des terres (comp. Cass., 3 janv. 1854, Bocquelin, Dev., 1854, I, 119).

[ocr errors]

465. Desgodets, sur l'article 213 de la coutume de Paris, prétendait même que celui qui abandonne son droit de mitoyenneté dans un fossé, abandonne aussi, par cela même, l'espace nécessaire pour la repare de son côté, qui devient ainsi la propriété exclusive du voisin.

Mais il nous paraîtrait difficile d'aller jusque-là aujourd'hui (comp. Pardessus, t. I, no 186).

466. Le terrain de la repare ou berge du fossé n'est certainement pas imprescriptible; mais la vérité est qu'en fait, l'acquisition au profit du voisin n'en pourra que très-rarement résulter de la prescription, par le double motif d'une part, que les faits de possession seront presque toujours équivoques, clandestins, ou le résultat de la tolérance (art. 2229, 2232); et d'autre part, que le propriétaire du fossé, qui, dans les trente ans, l'a relevé à l'aide de cette repare, n'a pas cessé de la posséder en l'employant à la seule destination dont elle soit pour lui

susceptible (comp. Caen, 14 juillet 1825, Gouley, D., 1826, II, 206; Caen, 1 ch., 3 mars 1839, de Saint-Pol; Rouen, 6 mars 1841, Levillain, cité par Daviel, t. III, n° 860).

467. Celui auquel un fossé appartient exclusivement, est libre de le combler et de le supprimer, puisqu'il aurait pu ne pas l'ouvrir (voy. toutefois infra, no 481).

S 4.

Des haies mitoyennes (et non mitoyennes). - Et des arbres qui sont sur les confins des héritages.

468.

[ocr errors]

SOMMAIRE.

Un propriétaire ne peut jamais contraindre son voisin à élever, à frais communs, une haie entre leurs héritages, pas plus qu'un voisin ne peut contraindre son voisin à lui céder la mitoyenneté de sa haie. 469. De la présomption légale de mitoyenneté à l'égard des haies. S'applique-t-elle aux haies sèches aussi bien qu'aux haies vives? Dans quels cas cette présomption de mitoyenneté cesse-t-elle? - 1o Du cas où un seul des héritages est en état de clôture. 472. · Suite. Que faut-il entendre par ces mots : en état de clôture? 473. Suite. Quid, si aucun des héritages n'étant clos de toutes parts, l'un d'eux a évidemment plus besoin de clôture que l'autre ? — La haie sera-t-elle, même dans ce cas, présumée mitoyenne?

470. 471.

474.

[ocr errors]

2o Du cas où il existe des titres ou des bornes régulières qui attribuent à l'un des voisins la propriété exclusive de la haie.

475.

3o La présomption de mitoyenneté peut céder encore, lorsqu'il y a possession suffisante au contraire. Que signifient ces mots? Quid, lorsque deux héritages sont séparés tout à la fois par une haie et par un fossé, qui se touchent?

476.

477. Des effets de la mitoyenneté de la haie sous le rapport des avantages et des charges.

478. — Chacun des copropriétaires peut abandonner son droit de mitoyenneté.

[ocr errors][merged small]

479. — L'un des voisins peut-il, sans le consentement de l'autre, exiger que la haie soit détruite et partagée?

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

- Dans une ville ou dans un faubourg, chacun des voisins pourrait demander que la haie mitoyenne fût remplacée par un mur construit à frais communs.

[blocks in formation]

Celui auquel la baie appartient exclusivement, peut la détruire. Mais doit-il, en ce cas, se conformer encore aujourd'hui aux anciens règlements et usages, qui l'obligeaient à certaines précautions dans l'intérêt des voisins?

[merged small][ocr errors]

483.

Des arbres qui se trouvent dans la haie mitoyenne. - Suite.

[ocr errors]

De quelle manière doit se faire, entre les deux voisins, le partage, soit de l'émondage et des fruits de l'arbre, lorsqu'il est debout, soit du tronc et des branches, lorsqu'il est abattu?

[ocr errors]

468. Nous pouvons tout d'abord ici poser comme certaines, relativement aux haies, les deux propositions, que nous avons déjà établies en ce qui concerne les fossés (supra, no 450), à savoir:

1° Un propriétaire ne peut jamais contraindre son voisin, ni dans les campagnes, ni dans les villes ou faubourgs, à élever à frais communs une haie entre leurs héritages.

2o Lorsque l'un d'eux a placé une haie sur son fonds, l'autre ne peut pas le contraindre à lui en céder la mitoyenneté, dans le cas même où, par une circonstance quelconque, la haie joindrait immédiatement son fonds; mais il y a d'ailleurs, presque toujours, dans ce cas, un autre obstacle encore à l'acquisition forcée de la mitoyenneté, du moins lorsqu'il s'agit de haies vives, c'est que la haie (comme le fossé) ne pouvant pas être établie par un propriétaire sur la limite même de son héritage, ne joint pas immédiatement l'héritage du voisin (comp. 661, 671; Solon, no 206; Duranton, t. V, no 385). 469. Quant à la présomption de mitoyenneté, l'article 670 l'établit pour les haies, en ces termes :

« Toute haie, qui sépare des héritages, est réputée mi<< toyenne à moins qu'il n'y ait qu'un seul des héritages << en état de clôture, ou s'il n'y a titre ou possession suf<< fisante au contraire. »

Toute haie..... rien de plus général. Quelques-uns pourtant ont pensé que cette présomption de mitoyenneté ne s'appliquait qu'aux haies vives ou à pied, et qu'elle n'était pas faite pour les haies sèches ou mortes, qui ne constituent, dit-on, le plus souvent qu'une clôture provisoire, qui peuvent être enfoncées en terre et attachées sans qu'il soit besoin de passer sur le fonds du voisin, et dont le renouvellement fréquent ne rendra d'ailleurs jamais douteuse la question de propriété exclusive (comp. Pardessus, t. I, n° 187; Bourguignat, Droit rural, n° 126 Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. II, no 304).

« PreviousContinue »