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C'est faire, dit-on, une véritable confusion que d'objecter que la possession annale ne saurait enlever au voisin son droit de mitoyenneté; car il ne s'agit pas ici d'attribuer ou d'enlever à l'un des voisins le droit de mitoyenneté; il s'agit seulement de savoir quelle est l'étendue de la présomption légale, ce qui n'est qu'une question de preuve; et il n'est pas étonnant que la loi subordonne la présomption de mitoyenneté à celle qui résulte de la possession (Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. II, no 305). Quel serait, d'ailleurs, dans le système contraire, l'utilité de la possession annale puisqu'elle ne dispenserait pas de produire un titre? Et ne serait-il pas tout à fait illogique que la possession annale qui dispenserait le possesseur de tout fonds, de prouver qu'il est propriétaire, ne produisît pas le même effet, à plus forte raison, au profit du possesseur annal d'un simple mur? (Duranton, t. V, n° 314; Garnier, des Act. possess., p. 240.)

Voici notre réponse :

S'il est vrai que le possesseur annal seit présumé propriétaire, cette présomption disparaît, bien entendu, lorsque le demandeur au pétitoire prouve, au contraire, que c'est à lui que la propriété appartient; et pour appliquer cette règle à notre hypothèse, il est clair que la présomption de la propriété exclusive du mur, de la haie ou du fossé qui résulte de la possession annale, doit disparaître devant la preuve de la mitoyenneté, si le demandeur au pétitoire peut le faire ;

Or, la preuve de la mitoyenneté résulte de la présomption légale tout aussi bien que d'un titre (arti cle 1316);

la

Donc, c'est d'après la règle générale elle-même que possession simplement annale est suffisante pour détruire cette présomption.

On objecte qu'il ne s'agit ici que d'une question de preuve et d'un conflit entre deux présomptions; que la

seule question est de savoir si la présomption légale de mitoyenneté n'est pas vaincue par la présomption de propriété exclusive résultant de la possession annale. — Eh! sans doute, telle est la question; mais ce que nous soutenons, c'est que la présomption légale écrite dans l'article 653 prouve, au profit de celui qui l'invoque, la mitoyenneté, c'est-à-dire un droit de propriété, tandis que la possession annale ne prouve qu'une possession insuffisante précisément pour engendrer la propriété. Autrement, il arriverait que celui qui, en vertu des art. 653, 666 et 670, compte sur la mitoyenneté du mur, du fossé ou de la haie, et qui n'a pas songé à se procurer d'autre titre, parce que la loi elle-même lui fournissait le sien, se trouverait privé, par une simple possession annale, de son droit de propriété, tandis que la possession à l'effet d'acquérir, doit avoir dix, vingt ou même trente ans de durée! Et lorsqu'on se récrie que dans notre système, la possession annale d'un mur, d'un fossé ou d'une haie, ne présente pas d'avantages, nous sommes assurément bien fondé à répondre que le système que nous combattons lui fait, au contraire, des avantages excessifs et démesurés. Nous laissons, nous, dans ce cas comme dans tous les autres, au possesseur annal l'avantage de ne pou voir plus être attaqué qu'au pétitoire et d'être jusque-là et pendant toute l'instance, paisiblement maintenu; mais dans ce cas aussi, nous voulons qu'au pétitoire, lorsque le demandeur a prouvé légalement son droit de mitoyenneté, le possesseur établisse, à son tour, qu'il a acquis la propriété exclusive; or, cette propriété ne peut résulter que d'une possession de dix, vingt ou trente ans (comp. Merlin, Rép., v° Mitoyenneté, § 1, n° 8 et v Haies; Duvergier sur Toullier, t. II, n° 229, note a; Pardessus (nouv. édit.), t. II, 325; Coulon, Quest. de droit, t. II, p. 173; Zachariæ, t. II, p. 45; Taulier, t. II, p. 382; Marcadé, art. 670, nos 11 et 111; Demante, t. II, n° 507 bis, VI; Solon, p. 202).

351. Il est un argument qui a été encore fourni par l'opinion que nous venons de combattre.

<< La loi, dit Duranton, présume aussi qu'un fonds est franc de toute servitude; et néanmoins si un voisin a acquis la possession annale d'une servitude sur ce fonds, ce sera au propriétaire du fonds à détruire, au pétitoire, la preuve de la non-existence du droit, l'effet de cette possession.... » (T. V., no 344.)

par

Telle est, en effet, la thèse que développe un peu plus bas, dans son livre (n° 641), notre savant collègue.

Mais précisément cette thèse est elle-même très-contestable; et nous faisons, pour notre part, dès à présent ici nos réserves pour nous en expliquer bientôt (infra, no 957).

ARTICLE II.

DE LA FACULTÉ, POUR L'UN DES VOISINS, D'ACQUÉRIR LA MITOYENNETE DU MUR APPARTENANT A L'AUTRE.

352. - Article 661.

SOMMAIRE.

Considérations sur lesquelles il est fondé.

353. L'usufruitier, l'usager ou l'emphytéote pourraient-ils invoquer l'article 661?

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354. Il faut que le mur dont le voisin veut acheter la mitoyenneté, joigne immédiatement son héritage. Quid, pourtant, si l'espace laissé par le propriétaire constructeur entre son mur et le voisin, est si minime qu'il ne puisse évidemment lui être d'aucune utilité? 355. L'article 661 s'applique à tout mur; et par conséquent il ne faut pas distinguer les murs qui soutiennent des bâtiments d'avec les autres; les murs des villes d'avec ceux des campagnes; les murs antérieurs à la promulgation du Code d'avec ceux qui n'ont été construits que postérieurement.

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355 bis. Suite.

Quid, si le mur provient d'un partage, qui a été fait entre le propriétaire de ce mur et le voisin?

356.

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- Il ne s'agit, dans l'article 661, que des murs qui ne sont point placés hors du commerce. Exemples.

356 bis.

357.

-

L'article 661 est-il applicable aux clôtures en planches? La mitoyenneté du mur peut être acquise par le voisin à toute époque, et lors même qu'il s'agirait d'un mur d'abord mitoyen, et dont il aurait abandonné la mitoyenneté. Que devrait-il payer, dans ce cas, pour le réacquérir?

358.

--

Quid, si le propriétaire voisin offrait de démolir son mur et d'en rétablir un autre, à frais communs, sur une égale portion des terrains

limitrophes?

Quid, s'il avait déjà antérieurement annoncé l'inten

tion de le démolir?

- Quid, enfin, s'il l'avait démoli depuis que le voisin avait régulièrement annoncé l'intention d'en acquérir la mitoyenneté?

359.

Le voisin qui achète la mitoyenneté n'est pas tenu de donner de motifs; il peut l'acheter même sans avoir le projet de bâtir.

360. L'existence de jours de souffrance ou même de fenêtres ouvrantes dans le mur, serait-elle un obstacle à la mitoyenneté ?

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361. Le voisin pourrait-il renoncer à la faculté d'acquérir la mitoyenneté du mur? Cette renonciation résulterait-elle de la servitude non ædificandi aut non altius tollendi, qui serait imposée à son héritage?

362.

Le voisin peut acquérir la mitoyenneté du mur en tout ou seulement en partie, dans une partie de sa hauteur ou de sa longueur. Peut-il n'en acheter la mitoyenneté que dans une partie de son épaisseur?

363.

Lorsqu'on n'achète la mitoyenneté du mur que dans une partie de sa hauteur, il faut toujours l'acheter à partir de ses fondements.— Quid, pourtant, si le propriétaire du mur, afin d'avoir, par exemple, une cave, avait fait des fondations plus profondes et plus épaisses que celles qui seraient nécessaires pour soutenir un mur ordinaire ? 364. L'acquéreur de la mitoyenneté doit payer la moitié de la valeur actuelle du mur ou de la partie du mur qu'il veut rendre mitoyenne. - Conséquences de cette règle.

365.

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Quid, si le mur dont le voisin veut acquérir la mitoyenneté, était, à raison de la qualité des matériaux, ou de son épaisseur, d'une solidité de construction hors de rapport avec sa destination? 366. Lorsque les parties ne s'entendent pas à l'amiable, sur l'estimation de la valeur du mur ou de la partie du mur dont la mitoyenneté est demandée, à la charge de qui sont les frais de l'expertise, qui devient alors nécessaire?

367. — L'indemnité doit être payée au propriétaire d'un mur préalablement. Mais s'il ne l'avait pas reçue d'avance, aurait-il, pour sa créance, le privilége et le droit de résolution, qui appartiennent au vendeur d'un immeuble non payé de son prix?

368. Le propriétaire exclusif du mur pourrait-il, de son côté, contraindre le voisin à en acquérir la mitoyenneté?

369.

Quels sont les effets de l'acquisition forcée de la mitoyenneté? Le voisin qui l'a acquise, peut-il faire supprimer les jours, les fenêtres ou autres ouvrages quelconques, que le propriétaire exclusif du mur y aurait pratiqués, et que le copropriétaire d'un mur mitoyen n'a pas le droit de pratiquer? Distinction.

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370. Première hypothèse: L'acquéreur de la mitoyenneté peut-il faire supprimer les jours de souffrance que le voisin a ouverts dans le mur, aux termes des articles 676-677, pendant qu'il en était le propriétaire exclusif, ou tous autres ouvrages qu'il y aurait légalement pratiqués à ce titre?

371. Suite. Quid, si les jours de souffrance ou autres ouvrages existaient depuis plus de trente ans? - Quid, si les deux fonds avaient appartenu d'abord au même propriétaire?

372.

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Suite. Quid, si les ouvrages dont l'acquéreur de la mitoyenneté demande la suppression, ne lui causaient actuellement aucun dommage ni aucune gêne?

373. Lorsque le voisin, après avoir acheté la mitoyenneté, demande la suppression des jours de souffrance que le propriétaire du mur y avait pratiqués, lequel des deux doit payer les frais de cette opération?

374. Seconde hypothèse: L'acquéreur de la mitoyenneté peut-il faire supprimer les vues ou les fenêtres ouvrantes, qui existeraient dans le mur?

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374 bis. Quel est le caractère juridique de l'opération, par suite de laquelle la mitoyenneté du mur est acquise par l'un des voisins contre l'autre?

374 ter.

Suite. Le propriétaire du mur, qui a été contraint de céder la mitoyenneté à son voisin, est-il tenu, envers lui, de la même obligation de garantie, dont le vendeur est tenu envers l'acheteur? 374 quater. - Suite. Peut-il réclamer, pour le payement du prix, le privilége, que l'article 2103-10 accorde au vendeur non payé d'un immeuble? - Peut-il demander la résolution de la convention?

374 quinter. Suite. Les créanciers hypothécaires du propriétaire du mur auraient-ils le droit de suite contre le voisin acquéreur de la mitoyenneté?

375. Article 660.

Le copropriétaire d'un mur mitoyen a le droit d'acquérir la mitoyenneté de l'exhaussement qui aurait été donné à ce mur par son copropriétaire. - Peut-il l'acquérir seulement en partie? Avec ou sans intention de bâtir? Peut-il faire fermer les jours de souffrance que le voisin y aurait pratiqués?

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-

376. Le voisin qui achète la mitoyenneté de l'exhaussement, doit-il payer toujours la moitié de la dépense qu'il a coûtée, quelle que soit l'époque à laquelle il l'achète, et sans jamais tenir aucun compte de l'état de délabrement où cet exhaussement se trouve?

352.

Aux termes de l'article 661:

« Tout propriétaire joignant un mur, a de même la faculté de le rendre mitoyen, en tout ou en partie, en << remboursant au maître du mur la moitié de sa valeur, << ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut ren<< dre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel « le mur est bâti. » (Voy. aussi art. 660.)

Cette disposition) que plusieurs de nos anciennes coutumes renfermaient déjà, est fondée sur les considérations d'intérêt privé et public, que nous avons signalées plus haut (no 313). L'avantage que trouve l'un des voisins à acquérir la mitoyenneté du mur de son voisin, ne sau

TRAITÉ DES SERVITUDES.

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