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(article 2 du règlement du 27 prairial an xII; décret du 7 mars 1808, etc., etc., voy. aussi notre tome IX, n° 569).

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304. C'est un principe généralement reconnu aujourd'hui que les servitudes légales d'utilité publique ne donnent droit, par elles-mêmes, à aucune indemnité, ni contre les particuliers, ni contre l'État, et qu'une indemnité ne serait due qu'autant qu'elle serait allouée par une loi spéciale.

D'une part, en effet, les différents articles du Code Napoléon qui consacrent les servitudes d'utilité publique, ne concèdent, à raison de ces servitudes, aucune indemnité (art. 537, 544, 552, 649, 650); et leur silence, à cet égard, devient de plus en plus significatif, lorsqu'on les rapproche de l'article 545 qui impose, au contraire, formellement l'obligation d'une juste et préalable indemnité, lorsqu'il s'agit de l'expropriation, c'est-à-dire de la cession forcée de la propriété elle-même, du dominium, pour cause d'utilité publique;

D'autre part, il ne s'agit pas ici, comme nous l'avons déjà remarqué, de véritables servitudes, mais de règles générales, communes et réciproques, qui constituent l'état normal de la propriété et qui sont les conditions inséparables de son existence telle que la loi elle-même la reconnaît et la consacre.

Ce système d'indemnité, d'ailleurs, à raison même du caractère de réciprocité de la plupart de ces servitudes, et aussi de leur nombre, ne serait, dans l'État, qu'une source d'embarras et de complications.

Aussi croyons-nous, pour notre part, que le principe doit être maintenu intact, et qu'il faut rejeter les divers amendements par lesquels on a proposé de distinguer :

Soit entre les servitudes, qui « obligent le propriétaire du fonds servant à souffrir l'exercice d'actes qui diminuent sa jouissance, et les servitudes purement négatives qui l'empêchent seulement d'avoir le libre usage de son fonds» (Serrigny, Droit public, t. II, p. 462);

Soit entre celles qui résultent d'une mesure générale et celles qui résultent d'une mesure particulière (Gand, Exprop., p. 59).

Outre que ces distinctions seraient, en pratique, de la plus difficile application, et ne pourraient pas, le plus souvent, malgré une certaine apparence d'équité, se justifier au fond, elles nous paraissent repoussées par les raisons de texte et par les considérations que nous venons de présenter.

Concluons donc qu'aucune indemnité n'est due, en principe, à raison des simples servitudes légales d'utilité publique, à moins qu'un texte spécial n'en accorde, comme a fait, par exemple, le décret du 22 janvier 1808, qui déclare qu'il sera payé aux riverains des fleuves et rivières, où la navigation n'existait pas et où elle s'établira, une indemnité proportionnée au dommage qu'ils en éprouveront; disposition fondée sans doute sur ce que l'on a considéré qu'il s'agissait là de l'extension d'une servitude légale à des fonds qui n'y étaient pas primitivement assujettis (comp. supra, n° 102; conseil d'État, 27 août 1839, Donjon, Lebon, t. IX, p.489; 13 août 1840, Pierre; Paris, 14 janv. 1833, Ledieu, Dev., 1834, II, 11; Nancy, 30 mai 1843, Lamoureux, Dev., 1843, II, 333; Gand, 11 avril 1844, Gazette des Tribunaux, du 8 mai 1844; Proudhon, du Dom. public, n° 322 et 871; Pardessus, t. I, art. 139; de Cormenin, t. II, p. 223; Laferrière, Droit public, p. 393; Jousselin, t. I, p. 63 et t. II, p. 200).

305. Mais rentrons maintenant dans le sujet qui est le nôtre, et occupons-nous des servitudes établies par la loi pour l'utilité des particuliers, dont l'article 651 dit que « la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de <<< toute convention.>>

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Aux termes de l'article 652:

<< Partie de ces obligations est réglée par les lois sur << la police rurale.

<< Les autres sont relatives au mur et au fossé mitoyens, « au cas où il y a lieu à contre-mur, aux vues sur la propriété « du voisin, à l'égout des toits, au droit de passage.»>

Nous n'avons pas à examiner ici celles des servitudes pour lesquelles le Code Napoléon lui-même nous renvoie aux lois sur la police rurale (voy. la loi du 28 sept.-6 octobre 1791, tit. I, sect. Iv et tit. I, et le projet du Code rural de 1807).

306. Le chapitre п de notre titre est composé de cinq sections, qui correspondent aux cinq espèces de servitudes légales qui viennent d'être énumérées dans l'article 652.

Nous suivrons également cet ordre; et nous chercherons ensuite, dans une sixième section, s'il existe encore d'autres servitudes d'utilité privée, en dehors des articles compris dans les cinq sections qui précèdent.

306 bis.

Une loi nouvelle a été rendue, le 26 août

1881, sous ce titre :

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Loi ayant pour objet le titre complémentaire du livre 1er du Code rural, portant modification des articles du Code civil relatifs à la mitoyenneté des clôtures; -aux plantations ; aux droits de passage en cas d'enclave. >> Et le premier alinéa de l'article unique de cette loi est ainsi conçu:

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« Sont modifiés ainsi qu'il suit, les articles 666, 667, 668, 669, 670, 671, 672, 673, 682, 683, 684 et 685 du Code civil. »

Ces modifications ont, en général, ce double but : Soit de compléter, par quelques dispositions additionnelles, les articles précités;

Soit de résoudre législativement les questions qu'ils avaient soulevées; et la solution, qu'elles y appliquent, est généralement conforme à celle que ces questions avaient reçue dans la jurisprudence et dans la doctrine, aussi suffira-t-il le plus souvent de rapprocher ce texte nouveau du texte ancien pour en comprendre le caractère et la portée.

C'est pourquoi nous reproduisons les articles de la loi nouvelle pour chacune des matières à laquelle ils se réfèrent.

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307. Il faut remarquer d'abord que l'intitulé de cette section n'est pas tout à fait exact, en ce sens qu'il n'annonce pas tout ce que la section renferme.

Il n'est pas, en effet, ici question seulement du mur et du fossé mitoyens; le Code y a, en outre, placé les règles relatives au cas où les différents étages d'une maison appartiennent à divers propriétaires; à la mitoyenneté des fossés et des haies; et à la distance requise pour les plantations des haies et des arbres.

L'inexactitude de l'intitulé de cette section est devenue plus grande encore, depuis la promulgation de la loi du 26 août 1881, qui a généralisé la présomption légale de mitoyenneté, par l'article 666 modifié en ces termes : «Toute clôture, qui sépare des héritages, est réputée mitoyenne....

Voici donc les sujets dont nous aurons à traiter dans cette section:

4o Des murs mitoyens et non mitoyens;

2o Des mitoyennetés relatives au cas où les différents étages d'une maison apppartiennent à plusieurs propriétaires; et, plus généralement, des cas où une chose commune est affectée à l'usage indivis de plusieurs héritages appartenant à des propriétaires différents;

3o Des fossés mitoyens et non mitoyens;

4o Des haies mitoyennes et non mitoyennes; et des arbres qui se trouvent sur les confins des héritages; et plus généralement des clôtures mitoyennes;

5° De la distance à observer pour les plantations des

arbres et des haies vives.

SI.

Du murs mitoyens et non mitoyens.

SOMMAIRE.

308.- Définition et origine des mots mitoyenneté, mitoyen. 309. Quel est le caractère de la mitoyenneté?

une copropriété indivise?

310.

311.

Constitue-t-elle

Suite. Règles générales en matière de mitoyenneté. De la mitoyenneté des murs. Historique. Du droit romain sur ce sujet. De notre ancien droit français.

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308.- La mitoyenneté, en général, est la copropriété d'une clôture située sur les confins de deux héritages contigus.

Moi et toi, telle serait, suivant d'anciens glossateurs, la racine de cette expression complexe; et la vérité est que l'on disait autrefois metoyen et même moitoyen (comp. Loysel, Inst. cout., liv. II, tit. I, n° 1 et 3; Guy-Coquille, art. 214 de la cout. de Nivernais; Basnage, sur l'article 614 de la cout. de Normandie).

Suivant d'autres, au contraire, c'est dans les mots milieu, moitié, ou mitan, comme on dit vulgairement, qu'il faudrait en chercher l'étymologie « quasi médius inter « utrumque, vel meus, vel tuus.» (Ferrières, sur l'article 183 de la cout. de Paris.)

Ces deux explications semblent assez ingénieuses; nous croyons toutefois, pour notre part, que la dernière origine que nous venons d'indiquer est la plus vraisemblable; car si le mot mitoyenneté dérivait de ce que la chose est commune à deux personnes, à moi et à toi, on devrait appeler de ce nom toute communauté ou copropriété quelconque; or, précisément, l'expression de mitoyenneté est réservée à cette espèce de communauté intermédiaire, qui forme le milieu entre deux autres propriétés, qu'elle sépare, et dont l'indivision forcée est l'un des caractères distinctifs et essentiels.

309.

On pourrait même soutenir que, dans la ri

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