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DE

CODE NAPOLÉON.

LIVRE DEUXIÈME.

TITRE QUATRIÈME.

DES SERVITUDES OU SERVICES FONCIERS.

1.

2.

EXPOSITION GÉNÉRALE.

SOMMAIRE.

Définition générale de la servitude.

Deux caractères essentiels la différencient des droits d'usufruit et d'usage: 1o La servitude est un démembrement perpétuel du droit de propriété. - Réflexion à cet égard.

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2o La servitude réelle ne peut etre établie que sur un héritage au profit d'un autre héritage. Origine et acception de ce mot. 3. — La servitude n'établit aucune prééminence d'un héritage sur l'autre. - Explication historique de cette maxime. Pourquoi les rédacteurs du Code n'ont pas employé les mots accrédités, dans cette matière, d'héritage dominant et d'héritage servant.

4.- Toute servitude suppose deux héritages appartenant à des propriétaires différents.

5. — D'après l'article 639, la servitude dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires, · Observations sur la rédaction de cet

6.

article.

Quel est, au fond, le mérite de cette classification?

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7.

8.

9.

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Suite. 10 Y a-t-il quelque différence entre les servitudes, qui d'après le chapitre I de notre titre, dérivent de la situation des lieux, et les servitudes, qui sont établies par la loi, d'après le chapitre II? 2o Y a-t-il quelque différence entre les servitudes dont il est question dans les chapitres I et II de notre titre, et les servitudes dont il est question dans le chapitre II?

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Suite.

10. Suite.

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- Toutes ces charges naturelles, légales, ou dérivant du fait de l'homme, ont, d'après notre Code, un égal caractère de réalité. - Conséquence.

11. Suite. Est-ce à dire que le propriétaire d'un héritage pourrait toujours s'affranchir, par le déguerpissement, des obligations résultant des servitudes naturelles et légales?

12. Suite. Observation générale.

13.

-

Il faut se garder de confondre

les servitudes dites naturelles et légales avec les servitudes dérivant du fait de l'homme.

1.

Suite.

<< Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage apparte<< nant à un autre propriétaire. » (Art. 637.)

Cette importante définition sur laquelle nous aurons plus d'une fois à revenir, nous révèle tout d'abord deux caractères essentiels de la servitude foncière et qui la différencient profondément des droits d'usufruit, d'usage et d'habitation, qui font l'objet du titre précédent :

1° Tandis que les droits d'usufruit et d'usage sont établis au profit d'une personne déterminée, et n'ont, par conséquent, qu'une durée temporaire, les servitudes ou services fonciers, constitués sur un héritage pour l'uti lité d'un autre héritage, participent en général du caractère de perpétuité des fonds eux-mêmes, dont ils sont des dépendances et des qualités.

C'est donc là une exception à la grande règle de notre législation moderne, qui n'admet pas, ainsi que nous l'avons exposé (comp. notre Traité de la distinction des biens, etc., t. I, nos 406 et suiv.), les démembrements perpétuels du droit de propriété.

Cette exception, pour être unique, n'en est pas moins très-considérable; car il n'est aucune espèce de droits peut-être qui jouent dans la pratique un plus grand rôle

que les servitudes, et si le législateur l'a admise, c'est par des considérations puissantes d'utilité publique et privée, parce qu'il n'est pas non plus de droits plus importants dans l'intérêt de l'agriculture et de l'industrie, et généralement pour la commodité de toutes les relations de voisinage.

Ce qu'un fonds peut gagner à l'établissement d'une servitude à son profit sur un autre fonds, on ne saurait souvent se l'imaginer; et presque toujours l'avantage, qu'il en retire, ne peut pas être comparé à l'inconvénient beaucoup moindre relativement, qui en résulte pour le fonds assujetti.

Il est vrai que les servitudes, à raison même de leur perpétuité et de leur grand nombre, peuvent être considérées comme l'une des sources les plus fécondes des contestations et des procès, et même des procès les plus dispendieux, par les mesures d'instruction qu'ils nécessitent : telles que les expertises, les enquêtes et les visites de lieux; à ce point que la coutume de Paris avait réun dans le même titre (IX) les servitudes et rapports de jurés, « par le motif, dit Ferrières, que les servitudes sont trèssouvent des sujets de contestations entre voisins, lesquelles ne peuvent être décidées que suivant les rapports faits par gens à ce connaissants. »

Mais quelle est l'institution qui soit, de tout point, irréprochable?

2.- 2o A la différence des droits d'usufruit et d'usage, qui peuvent être établis sur toute espèce de biens, meubles ou immeubles (art. 581), les servitudes réelles ne peuvent être imposées que sur un héritage au profi! d'un autre héritage.

Un héritage, c'est-à-dire un bien immeuble par sa nature, un fonds de terre ou un bâtiment (art. 687); vieux mot de notre droit coutumier, qui signifie propriété ; dont la racine remonte sans doute au droit romain, où le mot hæres était synonyme de herus, propriétaire (Inst.

liv. Il, tit. xix, p. 7); qui ne s'appliquait qu'aux immeubles, et qui rappelle bien cette époque, où les meubles étaient comparativement de si peu de prix! (Voy. le glossaire du Droit français, Inst. cout. de Loysel, par MM. Dupin et Laboulaye, t. II, p. 425.)

Prædium, disait aussi la loi romaine, pour désigner le sujet actif et passif de la servitude réelle : « De servitutibus rusticorum et urbanorum prædiorum » (Inst., h. t.);

Ou encore fundus, qui signifiait, d'après Florentinus, omne ædificium et omnis ager (L. 211, ff. de Verb. signif., Cœpolla, de Servit., tract. 1, cap. 1, no 2; voy. art. 518, C. Napol.).

C'est qu'en effet il n'y a que les biens immeubles par leur nature, ou, en d'autres termes, les fonds de terre et les bâtiments, qui aient une situation fixe, et qui soient susceptibles de contiguïté permanente, ou plus généralement de voisinage; c'est qu'eux seuls constituent le sol même du pays et les différentes propriétés territoriales entre lesquelles il est partagé, et dont le législateur se propose ici d'organiser et de réglementer les rapports.

3. Les rédacteurs du Code Napoléon, qui, dans la crainte de blesser les susceptibilités nationales, ont évité d'appeler du nom de servitudes personnelles, les droits d'usufruit, d'usage et d'habitation (voy. notre vol. précéd., no 211), paraissent avoir éprouvé ici des scrupules du même genre.

C'est ainsi que l'article 543 ne désigne les servitudes réelles que sous le nom de services fonciers; et l'intitulé de notre titre, qui emploie la dénomination de servitudes, ajoute immédiatement aussi ces mots : ou services fonciers (voy. encore art. 526). Le législateur toutefois, dans notre titre lui-même, a fini par se servir purement et simplement du mot servitude.

La loi des 28 septembre-6 octobre 1791 (tit. 1, art. 1), avait posé l'un des grands principes du nouveau droit public de la France en ces termes :

« Le territoire de France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l'habitent; ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi; et envers la nation, qu'aux contributions publiques établies par le Corps législatif, et aux sacrifices que peut exiger le bien général sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Ce fut évidemment pour se conformer à cette déclaration de l'Assemblée constituante, et afin de la consacrer de plus en plus, que les rédacteurs du Code Napoléon insérèrent eux-mêmes, dans l'article 638, la disposition suivante :

« La servitude n'établit aucune prééminence d'un hé<< ritage sur l'autre. » (Voy. aussi art. 686.)

Cette disposition, en soi, est empreinte d'un tel caractère d'évidence, sous l'empire d'une législation comme la nôtre, qu'elle aurait pu paraître superflue; car la servitude, telle qu'elle peut seulement exister aujourd'hui, n'établissant de relation qu'entre les héritages euxmêmes, considérés uniquement en leur qualité d'immeubles, abstraction faite de la personne de ceux qui les possèdent, il est bien clair qu'il n'en peut résulter aucune prééminence sociale, ni politique, ni honorifique, de l'un des propriétaires envers l'autre.

Mais il ne faut pas oublier l'époque à laquelle nos lois nouvelles ont été données à la France. Les temps n'étaient pas encore loin où les baux à fief établissaient des rapports de supériorité et de dépendance non-seulement entre les héritages, mais encore entre les propriétaires, et où l'on avait, en même temps qu'un fief dominant et un fief servant, un seigneur et un vassal, qui ne possédait qu'à la charge de foi et hommage (Pothier, des Fiefs, partie I, chap. prélim., § 1).

Il est même certain que c'est afin d'éviter tout rapprochement semblable et d'abolir le plus complétement pos

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