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comm. de la France, des Servit., sect. 1, n° 14; Merlin, Rép., v° Moulin, § 12; Toullier, t. III, no 622; Duranton, t. V, no 240).

134. — Enfin, il se peut que le canal ayant été originairement établi par un propriétaire sur son propre fonds, la question s'élève plus tard, par suite de la division de ce fonds, entre les différents propriétaires, copartageants ou autres, dont l'un aura succédé à la partie du fonds, sur laquelle existe l'usine; et l'autre à la partie de ce fonds, sur laquelle le canal a été établi.

Si l'acte de partage, de vente ou de donation, etc., renferme, à cet égard, quelque clause, il fera, bien entendu, la loi commune des parties; et il devra être interprété comme nous venons de le dire (supra, n° 432).

Mais, dans le silence de l'acte, que faudra-t-il présumer? Le canal ne constituera-t-il, au profit du propriétaire de la partie du fonds où se trouve l'usine, qu'une servitude d'aqueduc sur les autres lots? Ou, au contraire, le propriétaire de l'usine, aura-t-il aussi la propriété de toute la partie du terrain occupée sur les autres lots, par le lit et par les bords du canal?

D'après une doctrine assez accréditée, le propriétaire de la portion de l'héritage où se trouve l'usine, n'aurait droit qu'à une servitude d'aqueduc sur les autres portions traversées par le canal (comp. Bordeaux, 16 févr. 1821, Degros, Sirey, 1827, I, 145; Grenoble, 23 août 1828, Marcel, inédit, cité par Daviel, t. III, n° 836; Chardon, de l'Alluvion, n° 29 et suiv.).

Cette solution pourrait être adoptée sans beaucoup d'inconvénients, lorsque le canal est extérieur, ou, s'il est souterrain, lorsqu'il se manifeste par quelque signe apparent; la servitude résulterait alors tout naturellement de la destination du père de famille (art. 694). Mais si on suppose que les travaux souterrains qui conduisent l'eau à l'usine, ne se révèlent par aucun si

TRAITÉ DES SERVITUDES.

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gne extérieur sur la portion de l'héritage qui se trouve séparée de l'usine elle-même, comment serait-il possible de maintenir, à titre seulement de servitude, au propriétaire de l'usine, ce droit de conduite d'eau? Quel serait alors le moyen d'empêcher le propriétaire de la portion traversée par le canal souterrain, d'y faire des fouilles et de le couper?

Nous avons vu précisément se présenter cette hypothèse; il s'agissait de canaux souterrains, creusés par les Romains, qui conduisaient les eaux à une ville. Il paraît véritablement impossible, en pareil cas, que l'existence de ces canaux séculaires ne doive pas être respectée; car ils forment eux-mêmes la substance du sol et le tréfonds; aussi croyons-nous que l'on devrait alors considérer qu'il a été dans l'intention des parties, lors de la séparation des héritages, d'attribuer au propriétaire de l'usine la propriété de ces conduits incorporés dans le sol et identifiés avec lui (arg. de l'article 523; comp. Bourges, 24 août 1838, Dumay, D., 1841, II, 7; Aix, 9 janv. 1839, Brémond, Dev., 1839, II, 918).

135. Nous avons dit, en second lieu, que la propriété de l'usine et la propriété du canal, de son lit et de ses bords, lors même qu'elles se trouveraient réunies, ne sont nullement inséparables (supra, no 130).

Et, au point où nous en sommes, notre preuve est évidemment déjà faite.

Nous venons de constater, en effet, que la propriété de l'usine n'emporte pas même la présomption de la propriété du canal et de ses rives, et qu'il peut très-bien arriver, au contraire, que le canal appartienne aux propriétaires des terrains qu'il traverse; or, de la même manière que dans le principe, le maître de l'usine a pu n'acquérir qu'une servitude d'aqueduc, sans la propriété du lit ni des bords; de même, il a pu postérieurement aliéner cette propriété, et dès lors la perdre par l'effet de la prescription.

Il est donc inexact de dire que celui qui est propriétaire et possesseur de l'usine, est nécessairement par cela seul, propriétaire du lit et des bords du canal (supra, n° 130). La propriété et la possession du canal, soit de ses bords seulement, soit même de son lit, peuvent être, au contraire, très-distinctes de la propriété de l'usine; et si les riverains ont exclusivement possédé, soit les bords, soit même le lit, en tout ou en partie, il n'y a pas de motif pour qu'ils n'aient pas pu les acquérir par pres cription.

Il est vrai que, d'après l'article 558, le propriétaire d'un étang conserve toujours le terrain que l'eau couvre, quand elle est à la hauteur de la décharge de l'étang, encore que le volume de l'eau vienne à diminuer ; et nous en avons nous-même conclu qu'il n'en saurait être dépouillé par l'effet d'une prescription acquisitive au profit d'un autre (voy. notre tome X, no 31); mais c'est là une disposition spéciale, fondée sur le caractère particulier de la propriété d'un étang; et on ne saurait l'étendre à la propriété d'un canal servant à l'alimentation d'une usine ou à l'irrigation d'un héritage. Il faudra, sans doute, en fait, pour que le propriétaire de l'usine ait perdu la propriété soit du lit, soit seulement des bords du canal, qu'il soit bien constaté que les riverains en ont eu la possession et la jouissance, par des faits bien caractérisés; mais, une fois cette condition accomplie, le propriétaire de l'usine invoquerait en vain la possession de l'usine elle-même, puisque cette possession n'est pas inséparable de celle du lit et des bords du canal (comp. Angers, 22 fév. 1843, Hubert, Dev., 1844, II, 27; Cass., 6 mai 1844, Hubert, Dev., 1844, I, 289; Cass., 28 avril 1846, de Morlac, Dev., 1846, I, 380; Troplong, de la Prescription, t. I, n' 245; Daviel, t. III, no 838; Pardessus, t. I, no 112).

136. A plus forte raison, les propriétaires riverains d'un canal artificiel peuvent-ils y acquérir un droit

de prise d'eau, soit par titre, soit par prescription, lorsqu'ils ont pratiqué dans le canal des travaux destinés à faciliter la chute et le cours de l'eau dans leurs héritages conformément à l'article 642, soit aussi par l'effet de la destination du père de famille (arg. des articles 690, 692, 694; comp. Cass., 13 juin 1827, Chatard, Sirey, 1827, I, 473; Cass., 27 mars 1832, Dev., 1832, I, 598; Cœpolla, de Servit., tract. 2, cap. iv, no 60; Duranton, t. V, no 239; Pardessus, t. I, n° 112).

157.- Tout ce qui précède ne concerne, bien entendu, comme nous avons eu soin de le remarquer, que les eaux qui coulent dans un canal artificiel, creusé de main d'homme.

Les mêmes principes ne sont point applicables aux eaux qui coulent dans leur lit naturel, alors même que l'un des riverains aurait établi une usine sur le bord de la rivière; il est évident, en effet, que l'établissement d'une usine, en lit de rivière, comme on dit, ne saurait modifier la condition du cours d'eau, ni changer les droits des autres propriétaires riverains (comp. Cass., 7 août 1839, J. du P., 1839, I, 318; Cass., 30 mars 1840, Delavingterie, Dev., 1840, I, 447; Daviel, t. III, no 833 bis ; Pardessus, t. I, no 144).

Les articles 644 et 645 seraient alors, au contraire, tout à fait applicables; et les riverains auraient tous les droits qui en résultent pour eux, sur les eaux courantes, considérées comme choses nullius.

Mais quels sont ces droits? C'est ce que nous avons maintenant à examiner.

138.

N° 2.

Quels sont les droits que l'article 644 confère aux propriétaires
riverains sur les eaux auxquelles il s'applique?

SOMMAIRE.

Distinction entre les deux espèces de droits dont les eaux cou

rantes peuvent être l'objet. aux propriétaires riverains.

139.

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Il s'agit ici des droits qui sont concédés

Ces droits ne sont concédés par la loi qu'aux propriétaires riverains. Conséquences.

140.

141.

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Suite. Observation sur cette condition de contiguïté.

Si les droits d'irrigation ou autres sur les eaux courantes ne sont accordés qu'aux riverains, ils sont accordés du moins à tous les riverains. Pourquoi et comment?

142.

143.

Il faut, à cet égard, distinguer deux hypothèses:

A. Première hypothèse celle où la propriété étant seulement bordée par l'eau courante, chacun des propriétaires n'est riverain que - Quels sont alors les droits de chacun d'eux?

d'un côté. 144.- Suite. Suite.

145.

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Le riverain d'un seul côté, peut-il pratiquer des saignées et des rigoles, afin d'amener l'eau dans son fonds?

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Peut-il appuyer un barrage sur la rive opposée? Le riverain peut-il dériver l'eau sur son fonds, au moyen d'une prise établie sur un héritage supérieur au sien, lorsque le propriétaire de cet héritage y consent?

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Le riverain peut faire participer au bénéfice de l'irrigation toutes les terres qu'il possède, si étendues qu'elles soient, dès qu'elles se rattachent, sans solution de continuité, à sa propriété riveraine. Plusieurs questions s'élèvent ici. Exposition.

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1o Le propriétaire riverain pourrait-il, sans le consentement de ses coriverains et des riverains inférieurs, faire participer au bénéfice de l'irrigation, ses propriétés non riveraines, en obtenant, à cet effet, le droit de faire passer l'eau sur les fonds intermédiaires? 151. 2o Pourrait-il concéder l'eau à un tiers non riverain, soit que celui-ci dût la venir prendre directement au cours d'eau lui-même, soit qu'il dût exercer sa prise d'eau à un canal creusé dans le fonds riverain?

152.3o Les terres d'abord non riveraines peuvent-elles participer au bénéfice de l'irrigation, lorsqu'elles s'ajoutent, en l'agrandissant, à la terre riveraine, soit que le propriétaire riverain les acquière, soit que le propriétaire non riverain devienne lui-même propriétaire du fonds riverain?

153. — 4o En cas de division du fonds riverain, par l'effet d'un partage ou de toute autre aliénation, les parts qui cessent d'être riveraines, continuent-elles d'avoir droit à l'eau courante pour l'irrigation?

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Le riverain latéral est-il obligé de rendre ensuite à son cours naturel, l'eau qui n'aurait pas été absorbée par l'irrigation?

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Celui dont la propriété borde seulement l'eau courante, ne peut-il se servir de cette eau que pour l'irrigation de ses propriétés 156 bis. Suite. Peut-il l'employer à des usages domestiques? Pour l'exercice d'une profession?

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Comme force motrice, pour faire mouvoir une usine?
Des moulins ou autres usines, qui avaient une exis-

tence légale antérieurement à la révolution de 1789?

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