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Nous croyons, pour notre part, que cette dernière doctrine, qui est d'ailleurs aujourd'hui consacrée par la jurisprudence, est, en effet, la plus juridique (infra, no 304).

Et nous ajoutons que la loi actuelle ne nous paraît pas véritablement y déroger, en ce sens que, si elle attribue une indemnité au propriétaire du fonds asservi, c'est à raison des pertes matérielles que lui cause l'exercice de la servitude, mais non pas directement à raison de la création de la servitude elle-même et de l'atteinte qu'elle porte à son droit de propriété.

102.9° Sur le second point, il importe de remarquer que le propriétaire du fonds assujetti est seul autorisé à demander que le propriétaire de la source acquière son fonds.

Le propriétaire de la source n'a jamais, au contraire, lui-même, le droit de demander à l'acquérir :

<< Dans aucun cas, dit l'article 9, l'expropriation ne << peut être provoquée par le propriétaire de la source. » On ne saurait s'exprimer en termes plus absolus; et il est clair qu'il n'y a aucune distinction à faire, sous ce rapport, entre les maisons d'habitation et les cours attenantes d'une part, et les terrains de toute autre nature d'autre part.

C'est même afin qu'il fût bien constaté que les auteurs de la loi n'entendaient pas que l'intérêt des sources pût devenir une cause d'expropriation forcée, dans les termes de la loi du 3 mai 1841, qu'à cette formule : de la déclaration d'utilité publique des sources, qui formait d'abord l'intitulé du titre rer, on a substitué celle-ci, qui s'y trouve définitivement: de la déclaration d'intérêt public des sources (comp. notre Traité de la distinction des biens et de la Propriété, etc., t. I, n° 557; le rapport de M. Lélut, dans le Moniteur du 15 mai 1856, et M. Duvergier, Collect. des lois, 1856, p. 284, note 1, et p. 288, note 2).

APPENDICE.

Sur le point de savoir si les principes qui viennent d'être exposés relativement aux eaux de source, s'appliquent également aux eaux pluviales.

SOMMAIRE.

103. La règle, avec ses deux exceptions, que les articles 641, 642 el 643 ont établie, relativement aux eaux vives, est-elle aussi applicable aux eaux pluviales?

104. Il convient d'examiner à cet égard, séparément, deux hypothèses :

105. A. Du cas où l'eau pluviale, tombant sur un héritage privé, descend sur d'autres héritages privés. L'article 641 est applicable; et le propriétaire, sur le fonds duquel les eaux tombent directement du ciel, ou descendent d'un fonds supérieur, peut en user à sa volonté. 106. Suite. Quid, si le propriétaire supérieur avait réuni les eaux pluviales dans un canal ou tout autre aqueduc?

107.

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Les deux exceptions que comporte la règle posée par l'article 641, sont-elles applicables aux eaux pluviales?

108. 1° Du titre.

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112.

Le propriétaire supérieur contre lequel l'inférieur à acquis le droit aux eaux pluviales, peut-il ensuite en détourner le cours, ou modifier, d'une manière quelconque, l'état des lieux?

113.20 L'article 643 est-il applicable aux eaux pluviales?

114.

B. Du cas où les eaux pluviales tombent ou descendent sur un chemin public.

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105. Nous avons remarqué (supra, no 62) que notre Code, qui s'occupe de toutes les eaux, vives ou mortes, sans distinction, en ce qui concerne les inconvénients qui peuvent en naître, ne s'applique au contraire, du moins dans ses termes littéraux, relativement aux avantages qu'elles peuvent procurer, qu'aux eaux

vives.

On appelle, en général, eaux vives, celles dont l'exis

tence est continuelle, perenne quod semper fluat; et elles ne perdraient pas d'ailleurs ce caractère, lors même qu'elles seraient quelquefois intermittentes, par l'effet de la sécheresse ou autrement: non ideo minus perenne est (L. 1, § 2, ff. de flum.). Ce sont les eaux qui sortent du sein de la terre, qu'elles aient ou non un cours extérieur, telles que celles des rivières, des ruisseaux, des puits.

A la différence des eaux qui n'ont pas une existence continuelle, telles que celles qui tombent du ciel, aqua cœlestis, ou qui proviennent de la fonte des neiges ou des glaces aquam pluviam dicimus, quæ de cœlo cadit, atque imbre excressit (ff. L. 1, princ., de aqua et aquæ).

Eh bien donc, la thèse, que nous avons ici à résoudre, est de savoir si la règle, avec ses deux exceptions, que les articles 644, 642 et 643, ont établie relativement aux eaux vives, doit être aussi appliquée aux eaux pluviales. 104. Il convient d'examiner, à cet égard, séparément, deux hypothèses, qui ont été peut-être quelquefois un peu confondues:

A. D'abord, celle où l'eau pluviale, tombant sur un héritage privé, descend sur d'autres héritages privés;

B. Ensuite, celle où l'eau pluviale, tombant sur un chemin public, devient l'objet de prétentions opposées de la part des propriétaires riverains.

105. A. Nous supposons, en premier lieu, qu'il s'agit d'eaux pluviales tombant sur un héritage privé. Que la règle posée par l'article 641, et d'après laquelle celui qui a une source dans son fonds, peut en user à sa volonté, que cette règle soit applicable aux eaux pluviales, c'est ce qui ne saurait être contesté.

Les eaux qui tombent du ciel, sont effectivement par leur nature même, et dans l'état où les phénomènes physiques les produisent, des choses nullius; non pas sans doute en ce sens qu'elles ne puissent pas être l'objet d'un droit privé, mais tout au contraire en ce sens qu'elles de

viennent la propriété du premier occupant (voy. notre tome IX, no 461; Dubreuil, t. I, p. 162 et suiv.). D'où il résulte :

1° Que celui sur le fonds duquel les eaux pluviales tombent directement du ciel, en devient propriétaire par droit d'occupation, ou, si l'on veut, par l'effet d'une sorte d'accession à son héritage; et qu'il peut conséquemment en user à sa volonté (art. 641), les retenir, les absorber tout à fait en usages agricoles ou industriels ou de pur agrément, ou les laisser couler sur les fonds inférieurs, en vertu de l'article 640 (L. I, § 2, ff de aqua et aquæ; Pothier, sur l'article 170 de la cout. d'Orléans; Henrion de Pansey, Compét. des juges de paix, chap. vi, § 5; Pardessus, t. I, no 79; Solon, no 46);

2° Que le même droit appartient au propriétaire, à l'égard des eaux pluviales qui ne tombent pas directement sur son fonds, mais qui découlent des fonds supérieurs, lorsque les propriétaires de ces fonds, n'ayant pas eu la volonté ou la possibilité de les retenir ou d'en changer courant, n'ont pas exercé, à l'égard de ces eaux, le droit du premier occupant.

le

106.- Il n'y a donc pas lieu d'appliquer, dans ce dernier cas, l'article 644, qui ne concerne que les propriétaires dont les fonds sont bordés ou traversés par une eau courante, qui n'est pas res nullius, mais seulement res communis, c'est à dire une chose dont l'usage est commun à tous et qui n'appartient à personne (art. 714; voy. notre tome IX, no 461).

Très-différente est l'eau pluviale; et puisqu'elle appartient, comme nous venons de le dire, au premier occupant, il s'ensuit que le propriétaire, sur le fonds duquel elle coule, par la pente naturelle du sol, ou même par l'effet d'une direction différente qui lui aurait été donnée par le propriétaire supérieur, peut exercer sur cette eau, une fois arrivée dans son fonds, le droit d'occupation, et qu'il n'est nullement tenu de la transmettre aux autres

TRAITÉ DES SERVITUDES.

I-9

propriétaires inférieurs (Caen, 26 fév. 1844, Duhamel, Dev., 1844, II, 335).

Et il en serait ainsi, dans le cas même où le propriétaire supérieur aurait construit un canal, afin d'y réunir les eaux pluviales et de leur donner une direction. Qu'importe, en effet, que les eaux pluviales soient éparses ou réunies? Cette circonstance ne change pas leur nature propre; elle ne fait pas qu'elles deviennent des eaux courantes, dans le sens que l'article 644 attache évidemmen à ces mots; et par conséquent, le droit du propriétaire qui reçoit ces eaux du fonds supérieur, même par le moyen d'un canal ou d'un aqueduc, son droit, dis-je, demeure toujours entier et absolu à l'égard des autres propriétaires inférieurs (comp. Cass., 14 janv. 1823, de Peynier, J. du P., t. LXVII, p. 55; Proudhon, du Dom. public, t. IV, no 1330; Zachariæ, t. II, p. 35; Demante, Cours analyt., t. 2, no 495 bis, I).

107. La règle que l'article 641 a posée, est donc applicable aux eaux pluviales.

Voyons maintenant, s'il en est de même des deux exceptions qu'elle comporte, ou, en d'autres termes :

1° Si le propriétaire inférieur peut acquérir le droit aux eaux pluviales :

Soit

par titre;

Soit par prescription;

Soit par destination du père de famille (art. 641,642); 2° Si les habitants d'une commune, d'un village ou d'un hameau, pourraient s'opposer à ce qu'un propriétaire disposât des eaux pluviales, qui tombent directement ou qui passent sur son fonds, par le motif que ces eaux seraient nécessaires à leurs besoins (art 642; supra, n° 90 et suiv.).

108. 1° Quant au titre, pas de difficulté; il est évident que le propriétaire supérieur peut s'interdire le droit de disposer des eaux pluviales, au détriment des propriétaires des fonds inférieurs; le titre, quel qu'il soit,

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