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N° 25.

LES FORMULES DE SALAIRE MODERNE

PAR M. GOUPIL,

Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.

Exposé. - L'étude scientifique des questions de salaire qui paraît avoir été poussée plus loin que chez nous dans les pays de langue anglaise a pris, au cours de la guerre mondiale, une importance particulière qui ne fera que croître lorsque cette guerre prendra fin. Nous croyons qu'il serait fort utile pour les Ingénieurs d'être documentés sur le côté simplement mathématique de cette étude, c'est-à-dire d'avoir un aide mémoire, un formulaire concis donnant les divers tarifs qui ont été successivement préconisés, en faisant concorder autant que possible les notations qu'il serait désirable au premier chef de voir unifier par les autorités économiques. C'est simplement ce formulaire que nous avons eu l'intention de présenter aux lecteurs des Annales.

Nous n'avons pas cherché, en dehors du fonctionnement mathématique des tarifs, à discuter les idées erronées qui ont cours relativement aux formules de salaire moderne et qui tendent à perpétuer l'opposition de l'intérêt des ouvriers avec celui des patrons; nous croyons, avec Taylor et Bayle, qu'il vaut mieux dire nettement la vérité à l'ouvrier et lui démontrer qu'elle est aussi avantageuse pour lui que pour le patron.

En tout cas, la justification d'une formule de salaire, c'est la réussite de son application prolongée. C'est donc à la récolte impartiale des faits particuliers qu'il faut demander des solutions irréprochables, lesquelles devront être empreintes, de part et d'autre, d'équité et d'un sens exact des réalités de manière à éviter après coup des revisions toujours délicates.

Tarif Lallemand. - C'est à un ingénieur français que paraît revenir l'honneur d'avoir créé le premier tarif de salaire moderne M. Ch. Lallemand, Directeur du Service de Nivellement général de la France, l'a réalisé et fait fonctionner dans son service depuis 1883.

La conception du salaire qu'il a envisagée et exposée dans son ouvrage: Nivellement de haute précision, avait pour but de concilier dans la mesure du possible les intérêts du patron et ceux de l'ouvrier, en faisant croître le salaire effectif élémentaire d S correspondant à un travail élémentaire d T, comme l'effort nécessaire pour exécuter ce travail. Il admet que pour l'instant considéré, ledit effort est proportionnel à la fatigue de l'organisme, qui est elle-même proportionnelle au travail T accompli depuis l'origine de la période de travail jusqu'à l'instant considéré. On a donc d SA TdT, dont l'intégrale est S B+T, A étant un coefficient constant et B le salaire minimum acquis avant tout travail.

=

Soient maintenant F la part des frais généraux afférente à la période durant laquelle a été exécuté le travail T, et ☎ le prix correspondant de revient de l'unité de travail, on a :

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Il faut que d'une part l'ouvrier reçoive un salaire convenable dans les plus mauvaises conditions et que d'autre part le prix de revient diminue à mesure que le rendement augmente. Ceci

d & exige que soit négatif au moins pour les valeurs de T inféd T

m

rieures au rendement maximum T susceptible d'être atteint dans les circonstances les plus favorables pour la période considérée. On trouve ainsi :

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Le cas concret des opérateurs de nivellement dans lequel M. Lallemand a pu appliquer sa conception du salaire moderne et faire fonctionner son tarif pendant plus de 30 années a le grand avantage d'échapper aux principales difficultés que rencontre la question prise dans toute sa généralité, avec la contradiction apparente des intérêts de l'employeur et de l'employé, car si l'action de la discipline patronale tend à faire baisser le prix de revient, la réaction ouvrière tend au contraire à le faire remonter en réduisant la production (1).

En fait le problème du salaire moderne a fait éclore de nombreuses formules dans le nouveau monde et dans l'ancien et il est intéressant pour les ingénieurs d'avoir à l'heure actuelle une connaissance générale de ces formules dont l'expression mathématique résume les diverses conséquences et facilite la comparaison.

Formule générale. -La formule la plus générale comprenant tous les types de tarif et les salaires à variation discontinue est donnée par F. Bayle dans son ouvrage Les Salaires ouvriers et la Richesse nationale (Dunod et Pinat, éditeurs), sous la forme

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où S désigne le salaire effectif, s, le salaire de base à la journée, m l'activité, c'est-à-dire le rapport de ce que l'ouvrier produit réellement à ce qu'il doit produire conventionnellement sous le régime du salaire ordinaire à la journée ou à l'heure.

La différentiation de la formule précédente donnera

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et la génération des tarifs peut se déduire par intégration d'hypothèses diverses sur la forme de f' (m).

(1) M. l'Ingénieur en chef DUPERRIER a publié dans les Annales de 1916, t. IV, une note sur l'utilisation comme cantonniers des blessés ou réformés, dans laquelle il parle de paiement à la tâche, mais sans donner d'indication précise sur le mode de règlement des salaires.

Ainsi f' (m) = o donnera S

à l'heure.

f' (m)

1 donne S

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const et la constante doit être nulle puisque pour m = 1, S doit se réduire à s。. On a ainsi la formule du salaire ordinaire aux pièces, croissant proportionnellement à l'activité.

Ce salaire aux pièces croissant sans limitation fut longtemps le seul employé, il l'est encore dans les directions d'artillerie, poudreries, etc. Dans des usines n'occupant que des ouvriers de même provenance, exécutant toujours les mêmes travaux avec le même outillage, on peut admettre qu'une longue pratique de ces travaux conduise à des tarifs aux pièces bien équilibrés; on arrive ainsi à des primes variant de 10% pour les ouvriers novices ou malhabiles, à 40% pour les ouvriers expérimentés. Mais il reste toujours l'objection du surmenage qui peut entraîner pour l'ouvrier l'appât du gain.

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et la constante déterminée comme précédemment sera égale à 8。 (1 — a) d'où l'expression :

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Tarif Halsey. On arrive ainsi au tarif Halsey-Willans dit à partage de bénéfices, lequel est usité en Allemagne, en Angleterre et surtout aux États-Unis. Une note de M. Laubœuf dans le Bulletin de l'Association technique maritime de 1907 rappelle que le système Halsey avait été appliqué dans les ateliers de la marine française de 1891 à 1902.

L'hypothèse f' (m) = m correspond aux tarifs hyperboliques comme celui de M. Ch. Lallemand que nous avons exposé en commençant.

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qui permet au salaire journalier de s'élever sans limite lorsque la production de l'ouvrier croît indéfiniment.

Tarif Rowan.

1

L'hypothèse f (m)

est pratiquement

m2

plus intéressante car elle conduit par l'intégration à la formule

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Le second terme explicitant l'accroissement obtenu sur le salaire journalier s, t'est le rapport de la prime à s。. La limite de S'donnée par m = ∞ est égale à 2 s。.

Le formule Rowan a été modifiée aux États-Unis par l'introduction dans l'accroissement de salaire d'un coefficient a inférieur à l'unité, ce qui donne

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Cette dernière formule tend à supplanter celle d'Halsey Willans en Amérique. Nous devons mentionner pour les systèmes Halsey-Willans et Rowan l'étude documentée qu'en a fait M. Julien Izart dans son article: « Les méthodes modernes de paiement des salaires» (Mois scientifique et industriel du 25 mars 1904). Il se prononce en faveur du système Rowan comme réalisant le mode de rémunération actuel le plus juste et le plus parfait et il reproduit l'application du premium plan étudiée en 1903 par Henry Hess pour un genre de travaux auquel il ne se pliait pas plus facilement que le système Lallemand aux opérations sur le terrain, nous voulons dire les travaux de dessin dans un bureau d'études.

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