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CLEMENS HERSCHEL.

Jusqu'en 1885, la question de l'écoulement sur les déversoirs noyés, si l'on fait abstraction des recherches purement mathématiques, était à l'étranger comme en France, traitée à la manière de Du Buat. On assimilait cet écoulement à la superposition d'un écoulement en nappe libre et d'un écoulement par un orifice. Les expériences auxquelles on se livrait, et telles furent celles de Francis et de Fteley et Stearns, utilisées par M. Cl. Herschel, avaient pour objet la détermination des valeurs des coefficients de formules reposant sur cette assimilation dépourvue de base rationnelle.

La formule qu'avait adoptée MM. Fteley et Stearns entre autres pour représenter les résultats de leurs expériences de 1877 sur la conduite de la Sudbury River (1) était la suivante :

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où c est un coefficient fonction de la charge et de la retenue, Les expériences de MM. Fteley et Stearns et celles, assez sommaires, antérieurement faites par Francis en 1848 à Lowell, Mass. (2), ont permis de reconnaître que la valeur du coefficient c est loin d'être constante.

Plus tard, Francis a renouvelé ses expériences à Lowell (1883) (3); la formule dont il a calculé les coefficients est tirée également de la théorie de Du Buat ; c'est la suivante :

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(1) A. FTELEY et STEARNS: Description of Some Experiments on the Flow of Water made during the Construction of Works for conveying the Water of Sudbury River to Boston (Trans. of the Amer. Soc. of Civ. Engrs., t. XIII, 1883, p. 1-118).

(2) James B. FRANCIS: Lowell Hydraulic Experiments, etc. Boston, 1855. 4 édition. New-York, 1883. (Voir Ann. des P. et Ch., 1855, I, p. 381.)

(3) James B. FRANCIS: Experiments on the Flow of Water over Submerged Weir (Trans. of the Amer. Soc. of Civ. Engrs., t. XIII, p. 303-312).

Les importantes recherches de Francis et de MM. Fteley et Stearns, ont provoqué le travail susmentionné de M. Clemens Herschel. Son court mémoire, du 17 juin 1885 (1), qui est d'une lecture attachante, a jeté un grand jour sur la question de déversoirs noyés, par l'abandon, d'une part, de la formule surannée de Du Buat, et par le recours, d'autre part, à la formule si simple de l'écoulement en nappe libre sur déversoir à mince paroi, dite, en Amérique, formule de Francis (2):

Q = 1,84 H3/2

(en unités métriques)

M. Clémens Herschel s'est inspiré du mode opératoire adopté par ses confrères, pour calculer l'unique coefficient variable à introduire dans cette formule afin de tenir compte du degré de

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<< submergence » (ou ennoiement) du seuil du déversoir, c'est-àdire de sa profondeur sous la surface libre, à l'aval.

Les opérations de Lowell et de la Sudbury River avaient consisté à faire passer un égal volume d'eau d'abord sur le déversoir fonctionnant en nappe libre, puis sur le même déversoir noyé par une retenue faite à l'aval, et à mesurer les charges Het H observées dans chacune de ces deux opérations. Tout en utilisant ces mesures, M. Herschel, au lieu de se préoccuper de mettre en formule explicite la valeur du débit, a eu l'idée de ne H faire entrer en ligne de compte que le rapport n= (plus petit H

que 1) de ces deux quantités, rapport que l'on peut appeler mo

(1) Clemens HERSCHEL : The Problem of Submerged Weir, 17 juin 1885 (Trans. of the Amer. Soc. of Civ. Engrs., t. XIV, May 1885, p. 189). Voir aussi une analyse in Min. Proc. Inst. of the Civ. Engrs., t. CI, 1890, p. 324. (2) La formule de Francis, qui date de 1848 (à l'occasion des expériences de Lowell), n'est autre que la formule de Du Buat, laquelle remonte à l'année 1786 (Principes d'hydraulique, t. I, p. 203), si l'on attribue au coefficient de cette formule la valeur de 0.416 au lieu de la valeur 0.418 admise par Du Buat; Francis n'a pas noté cette coïncidence fortuite.

Cette formule de Du Buat-Francis a été heureusement corrigée en 1884 par HUNKING et HART: Velocity of Approach in Weir Computation, etc. (Journ. of the Franklin Inst., t. 118, p. 121-126). C'est de cette dernière formule que s'est peut-être inspiré Bazin dans son étude sur l'écoulement en nappe libre.

dule de charge par analogie avec une expression analogue, déjà employée par Boileau. Le débit des déversoirs noyés sera alors donné, ainsi qu'on peut le voir immédiatement, par la formule : Q = 1.84 (nH)3/2. ̧

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Faisant un pas de plus, M. Clemens Herschel a étendu au module de charge l'observation que MM. Fteley et Stearns avaient déjà faite au sujet du coefficient c de leur formule, à savoir que sa valeur ne dépend sensiblement que du rapport H1/H de la retenue à la charge, rapport qu'en Amérique on appelle submergence, quand il est positif. Cette conclusion de M. Clemens Herschel est tirée de l'examen d'un graphique sur lequel les points. représentant les valeurs observées du module en fonction du rapport H,/H s'écartent peu (au plus 0.02) d'une ligne moyenne qu'on peut considérer comme représentant les valeurs réelles.

Au graphique est annexé le tableau numérique de ces dernières, mais l'auteur s'est arrêté là et n'a pas jugé à propos de se livrer au burdensome juggling de les traduire par une formule mathématique qui, applicable aux déversoirs expérimentés, pourrait ne pas l'être à d'autres.

Dans ces dernières années, un ingénieur de l'Amérique du Sud, M. Brady, prenant occasion de considérations générales sur la construction des formules empiriques (1), a donné à titre simplement d'exemple, pour exprimer la valeur du débit, une formule qu'il a établie d'après les données figurant au tableau de M. Cl. Herschel. Cette H formule en adoptant, pour abréger l'écriture, le variable x =

- H1 H

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Lorsque la valeur du coefficient de chute x est inférieure à 0,80, la formule peut être simplifiée, et devient.

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(1) Cyrus T. BRADY Jr., The Construction and Use of Empiric Formulas (Engr. News, t. LXX, 24 juillet 1913, p. 164).

L'idée de comparer directement le débit des déversoirs noyés à celui des mêmes déversoirs fonctionnant en nappe libre n'était pas nouvelle. Déjà en 1854, Boileau avait fait remarquer combien on peut simplifier les questions en employant, suivant son expression, des modules de transition pour passer de la dépense des barrages types (c'est-à-dire en mince paroi et à nappe libre) à celle qui résulte d'autres dispositifs (1), mais il proposait de comparer des débits différents sous les mêmes charges alors que M. Clemens Herschel et ses collègues américains ont comparé des charges différentes correspondant au même débit. Le module de transition de Boileau, que nous appellerons simplement le module de débit est le rapport du débit du déversoir étudié au débit, sous la même charge, d'un déversoir vertical à mince paroi, établi sur le même canal et fonctionnant sans retenue, en nappe libre, rapport nécessairement égal au rapport des coefficients de débit m et m'. La formule de l'écoulement libre type étant :

Q
= c H3/2

celle de l'écoulement sur déversoir noyé sera, en appelant K le module de débit :

Q=Kc H3/2

Si l'on admet que c est un coefficient constant, indépendant de la charge pour un même déversoir, il y aura entre les deux sortes de modules, la relation simple :

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Mais les expériences de Bazin (2) ont montré que le coefficient c, dans les limites de charge et de hauteur de déversoir qu'il a expérimentées, dépend de la valeur de la charge, même si la vitesse à l'amont est peu sensible. En désignant par p. et pn les

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(1) P. BOILEAU: Traité de la mesure des eaux courantes, etc. Paris, 1854, p. 126.

(2) H. BAZIN: Expériences nouvelles sur l'écoulement en déversoir (Ann. des P. et Ch., 1888, II, p. 393-448, nappes libres). Voir aussi le mémoire résumé, p. 25.

valeurs des coefficients de débit de la nappe libre répondant respectivement aux charges H et nH, on aura donc exactement entre les deux modules, la relation :

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Dans les expériences américaines, les charges ont été tenues entre des limites relativement étroites; on peut admettre que le

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rapport est alors égal à l'unité, et calculer les valeurs du rap

port K d'après la formule [1].

La considération du module permet de donner au principe. admis par Herschel et vérifié approximativement d'après les données les plus exactes que l'on avait alors en Amérique, l'énoncé simple suivant :

Le module de charge d'un déversoir noyé est fonction d'une variable unique qui est la submergence ou rapport de la retenue à la charge.

L'étude de M. Clemens Herschel n'a généralement pas attiré l'attention des ingénieurs, malgré son grand intérêt; elle n'est brièvement mentionnée que dans quelques traités d'hydraulique en langue étrangère (1); quant à la formule du débit des déversoirs noyés calculée par Brady, elle est restée ignorée. A notre connaissance, l'idée de M. Clemens Herschel n'a provoqué aucune recherche nouvelle, et lorsqu'on a abandonné la formule de Du Buat, on s'est contenté d'y substituer des formules tout à fait arbitraires; c'est le cas de celles de Bazin et c'est aussi le cas de la formule la plus récente, celle de Love (2) :

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(1) Hamilton SMITH Jr.: Hydraulics. The Flow of Water Through Orifices, over Weirs, and Through Open Conduits and Pipes. 1886, p. 149. Ph. FORCHHEIMER: Hydraulik, 1914, p. 304.-M. MERRIMANN: Treatise of Hydraulics, New-York, 10° édition, art. 67, p. 157. — Voir aussi une brève analyse in Proc. of The Inst. of Civ. Engrs, t. CI, 1890, p. 324.

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(2) J. MULLINS (Général) : Irrigation Manual, 1890, p. 11.

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