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Quant au choix du personnel subalterne, les indications des chapitres précédents montrent également tout l'intérêt qu'il y aurait à le choisir aussi indépendant que possible de celui du grand réseau. Et cela notamment, d'une part, parce que les occupations, pour certaines fonctions, ne sont pas également absorbantes. Nous estimons, en effet, qu'il n'y a que des inconvénients à permettre le passage du personnel d'une exploitation à l'autre les agents des lignes à grand trafic ne se rendant pas compte de la nécessité de réaliser, avant tout, une exploitation économique des lignes à faible trafic, et les agents habituellement en service sur les lignes à faible trafic ne pouvant apprécier, comme il convient, les grandes précautions qu'exige la sécurité sur les lignes à grand trafic.

De même en ce qui concerne les règles à adopter pour l'exploitation, il faudrait nettement abandonner la plupart de celles du grand réseau et s'inspirer simplement de ce qui est adopté sur ceux des réseaux locaux qui ont adopté des méthodes bien en rapport avec l'importance du trafic à desservir.

XIV

D'AUTRES COMBINAISONS DOIVENT ÉGALEMENT ÊTRE ÉTUDIÉES DANS LE BUT DE DIMINUER LE PERSONNEL DES HOMMES VALIDES

Les modes d'exploitation des lignes à faible trafic, que nous avons envisagés dans les chapitres précédents, doivent permettre de réduire le personnel affecté à ces lignes et de diminuer les dépenses d'exploitation. Mais, on ne réalisera ainsi que partiellement le desideratum signalé au début de cette note et que nous formulions en disant que, par rapport à l'avant-guerre, il faudrait pouvoir réduire le personnel des hommes valides des chemins de fer dans la proportion des vides que la guerre aura créés dans le

pays.

Il nous paraît donc indispensable que les ingénieurs et les fonctionnaires des grands réseaux recherchent attentivement toutes les solutions qui tendraient à obtenir ce desideratum, soit

en supprimant certaines opérations qui absorbent de la maind'œuvre, soit en apportant dans les méthodes d'exploitation des lignes à grand trafic toutes les simplifications qu'il est possible de réaliser sans nuire au bon fonctionnement du service si important des chemins de fer.

Nous ne nous occuperons pas ici des méthodes d'exploitation des lignes à grand trafic; et pour ce qui concerne la réduction de la main-d'œuvre, nous nous contenterons de signaler la convenance de reprendre après la guerre, et avec le désir sincère d'aboutir, l'étude des diverses questions déjà examinées antérieurement, comme le freinage continu des trains de marchandises (1), l'adoption d'un système d'attelage automatique, la généralisation de l'emploi de dispositifs pour le bourrage mécanique des traverses, etc... Dans le même ordre d'idées et au risque de sortir de la question envisagée plus spécialement dans la présente note, nous signalerons une disposition qui permet de réduire l'importance des opérations de transbordement nécessitées pour faire passer les marchandises soit des grands vagons à voie étroite, et vice-versa, soit aussi des grands vagons dans les voitures, qui assurent le camionnage pour des usines non raccordées au grand

réseau.

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En 1912, les lignes à voie étroite ayant transporté près de 9 millions de tonnes de marchandises P. V., on peut admettre que les 2/3 au moins de ce tonnage ont été transbordés et qu'ils ont exigé ainsi le travail moyen de 2.000 ouvriers. Or, si l'on adoptait des dispositifs et il en existe, mais à l'étranger permettant de transporter des véhicules du grand réseau sur les lignes à voie étroite, on diminuerait notablement l'importance du transbordement. En admettant l'hypothèse du transport de moitié seulement des grands wagons à charger ou à décharger, et en ne considérant que les marchandises intéressant les lignes

(1) On sait que les Allemands, faisant abstraction des négociations internationales entamées sur ce point avant la guerre, ont décidé récemment de procéder de façon indépendante (note du 21 novembre 1916 du gouvernement suisse).

à voie étroite, on voit qu'il serait possible de rendre disponible un millier d'ouvriers, qui feraient ailleurs œuvre plus utile.

Un dispositif (1) de cette nature est appliqué depuis plus de 20 années à l'étranger, non seulement sur des lignes d'intérêt local (2), mais même sur des tramways urbains pour faire un service de camionnage. Il a été essayé dans les Ardennes sur une ligne à voie de 0 m. 80 et a parfaitement fonctionné (3). On pouvait discuter, il est vrai, avant la guerre, sur le point de savoir si ce dispositif procurait une économie, quand on mesurait l'inconvénient du transbordement simplement par la somme payée pour cette opération. Mais, comme il n'est pas douteux que d'autres considérations devront intervenir après les hostilités, il ne nous paraît pas contestable qu'il y aurait un réel intérêt à reprendre une étude dans ce sens, tant au point de vue des dispositions. techniques à adopter pour réaliser le transport du grand véhicule sur la petite ligne (4), qu'au point de vue des conventions à

(1) La description de ce dispositif est donnée dans une note que nous avons publiée, en collaboration avec MM. Rigaux et Henry, dans les Annales des Ponts et Chaussées (1er semestre 1894).

(2) Au sujet du développement pris par ces engins dans les pays voisins durant ces dernières années, nous ne possédons pas de renseignement précis; mais nous signalerons, pour la Suisse, qu'en 1916, le nombre des trucks transporteurs a pu être augmenté de 10 unités.

(3) Entre le 5 août 1896 et le 1er octobre 1898, ces engins ont transporté sur une seule ligne 2.985 vagons chargés de 10.541 tonnes; nous avons d'ailleurs résumé le résultat des expériences faites dans une note des Annales (2o semestre 1899). Et si l'usage des engins expérimentés ne s'est pas développé, cela tient à des causes tout à fait particulières et dont la principale est la suivante : les lignes, primitivement construites à voie de 0 m. 80, ayant été transformées en voie de 1 mètre, il fallait engager une nouvelle dépense pour la transformation des trucks transporteurs et des installations de chargement; or, l'accord ne put se réaliser au sujet de la prise en charge de cette dépense de transformation.

(4) Il est à craindre que les dispositions voulues n'ayant pas été adoptées au moment de la construction, on ne rencontre, sur certains réseaux, quelque difficulté pour assurer le passage du gabarit du matériel à voie large. Et cependant la dépense supplémentaire à engager était bien minime dans la plupart des cas; mais, on n'a pas voulu reconnaître tout l'intérêt que présentait une telle organisation qui cependant fonctionnait parfaitement à l'étranger.

Depuis le début de la guerre et en présence de la très grande difficulté rencontrée, pour se procurer la main-d'œuvre nécessaire au transborde

intervenir entre le grand et le petit réseau pour la location du grand véhicule. A ce dernier point de vue, on peut espérer d'ailleurs que si les grands réseaux afferment certaines de leurs lignes à des sociétés locales, ils ne feront pas plus de difficultés pour autoriser ces sociétés locales à transporter leurs grands vagons sur des lignes à voie étroite que pour leur permettre de faire rouler ces vagons sur des lignes affermées.

On doit même espérer qu'une collaboration plus étroite s'établissant entre les deux exploitants voisins permettrait de faire disparaître, au profit du public, l'antagonisme que l'on trouve encore, dans différentes régions, au point de soudure des lignes. présentant des écartements différents.

Quoi qu'il en soit, on peut encore envisager l'adoption d'autres mesures de même ordre procurant une réduction de personnel, même si ces mesures ne doivent pas se traduire par une réduction de dépenses. De sorte que, à défaut d'une modification profonde de l'organisation des grands réseaux permettant une réduction suffisante du personnel des hommes valides on peut escompter que la réalisation d'une série d'améliorations de détail permettra de se rapprocher du but qu'il faut atteindre.

On voudra bien reconnaître cependant que la combinaison qu fait l'objet principal de la présente étude est tout particulièrement intéressante, puisqu'elle doit permettre d'obtenir à la fois une réduction de personnel, et aussi une réduction de dépenses d'exploitation sur les lignes à faible trafic; cela par la seule adoption d'une organisation facile à réaliser et sans attendre les longs. délais qu'exigera, après la guerre, la construction d'un nouveau matériel ou même toute modification à apporter au matériel existant.

A un autre point de vue, la réalisation d'une telle combinaison nous paraît recommandable. C'est que, de même qu'une Admi

ment, on a bien essayé de réaliser le transport des grands vagons sur des lignes à voie étroite. Hélas, il était trop tard! On n'a pas pu faire construire les engins nécessaires et, en outre, en deux points il a été reconnu que des ouvrages d'art, quoique fort peu importants, ne permettraient pas le passage du gabarit du grand matériel.

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nistration donnée peut perdre de vue des réductions possibles de dépense, quand elle voit l'Administration voisine dépenser sans souci de l'économie - les circonstances actuelles l'ont quelquefois démontré de même la contagion dans le sens de l'économie peut, fort heureusement, se gagner. On a donc tout lieu d'espérer que la réalisation d'une réduction de dépense sur les lignes à faible trafic ne pourrait qu'inciter à la recherche de méthodes nouvelles permettant de réduire également le personnel des lignes à plus grand trafic. De toute façon, d'ailleurs, nous estimons qu'il n'y a, au point de vue de l'intérêt général, qu'à favoriser le fonctionnement parallèle des deux régimes d'exploitation différents, étant entendu que toutes les dispositions seraient bien étudiées à l'avance pour éviter toute dualité entre les deux Administrations intéressées et même toute cause de rivalité entre les personnels.

XV

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.

L'idée d'adopter, sur les lignes à faible trafic des grands réseaux, les méthodes d'exploitation des réseaux d'intérêt local, quoique fort simple, nous a entraîné à donner d'assez longs développements, tant pour montrer qu'elle était facilement réalisable que pour essayer de chiffrer les résultats que l'on pouvait en attendre. Aussi, et laissant de côté les questions de détails qui ont été traitées, nous estimons qu'il ne sera pas inutile, pour terminer, de mettre plus en lumière les grandes lignes de l'idée développée dans la présente note.

Partant de cette indication que, pour permettre, après la guerre, le fonctionnement normal de l'industrie et de l'agriculture de l'agriculture surtout, nous avons montré qu'il paraît indispensable que les Administrations publiques et notamment celles des chemins de fer prennent les mesures voulues pour que le personnel des hommes valides de ces Administrations soit à l'avenir réduit, par rapport à l'avant-guerre, dans la proportion des vides que la guerre aura créés dans le pays.

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