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connu non coupable; que l'officier rapporteur et le commissaire du roi n'avaient point exercé de récours, et qu'ainsi le jugement avait acquis l'autorité de la chose jugée, que le conseil de révision n'a donc pu, sur le recours de Fabus, faire revivre ces accusations; qu'en condamnant ultérieurement Fabus sur deux de ces accusations éteintes par l'acquittement, le conseil de guerre a commis un excès de pouvoir, violé l'autorité de la chose irrévocablement jugée, l'art. 1351 du C. civ. et les principes du droit commun, consacrés par les art. 360 et 499 du C. d'instr. criminelle1.

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Des effets des cassations prononcées en vertu de l'art. 441 da C. d'instr. criminelle.

Nous avons posé en principe que les ordonnances et les jugements d'acquittement acquièrent l'autorité de la chose jugée et donnent lieu à l'application de la maxime non bis in idem, lorsqu'ils n'ont été d'aucun. recours dans les délais et suivant les formes déterminés par le Code. Ce prineipe doit-il trouver une limite, une exception quelconque dans la loi ? Existet-il une voie extraordinaire d'annulation en dehors des délais et des formes ordinaires?

L'art. 27 de la sect. I du tit. 3 de la Constitution du 3 sept. 1791 portait : « Le ministre de la justice dénoncera au tribunal de cassation, par la voie du commissaire du roi, et sans préjudice du droit des parties intéressées, les actes par lesquels les juges 1 Arr. Cass. 26 nov. 1842 (Bull., no 308).

auraient excédé les bornes de leur pouvoir. Le tribunal les annulera; et s'ils donnent lieu à la forfaiture, le fait sera dénoncé au Corps législatif, qui rendra le décret d'accusation s'il y a lieu. Cette disposition fut reproduite dans les art. 242 et 243 de la Constit. du 5 fructidor an I, et l'art. 80 de la loi du 27. ventose an VIII la reprit encore, mais en la modifiant; « Le gouvernement, porte ce dernier article, par la voie de son commissaire, et sans préju dice du droit des parties intéressées, dénoncera au tribunal de cassation, section des requêtes, les actes par lesquels les juges auront excédé leurs pouvoirs ou les délits par eux commis relativement à leurs fonctions. La section des requêtes annulera ces actes s'il y a lieu..., etc. Ces textes ont été la source de l'art. 441, qui est ainsi conçu : « Lorsque, sur l'exhibition d'un ordre formel à lui donné par le ministre de la justice, le procureur-général près la Cour de cassation dénoncera à la section criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements pourront être annulés et les officiers de police ou les juges poursuivis, s'il y a lieu, de la manière exprimée au chapitre 3 du tit. IV du présent livre. Quel est le sens de cette disposition? L'attribution qu'elle confère à la Cour de cassation doit-elle être restreinte au droit

L'art, 25 de la loi du 27 nov.-1er déc. 1790 avait déjà donné au commissaire du roi près le tribunal de cassation le droit de dénoncer à ce tribunal: « les jugements en dernier ressort directement contraires aux lois et aux formes de procéder » et les jugements étaient cassés sans que les parties pussent s'en prévaloir pour en éluder les dispositions. ›

d'annuler dans le seul intérêt de la loi? Cette attribution, au contraire, presque illimitée dans ses termes, ne doit-elle rencontrer aucunes limites dans ses effets, et le principe de la chose jugée doit-il fléchir devant elle?

Il serait difficile de circonscrire le droit d'annulation conféré par l'art. 441 dans les étroites limites de l'intérêt de la loi, c'est-à-dire, de n'y voir qu'un moyen de signaler aux juges leurs erreurs de droit, sans toucher aux intérêts des parties et sans modifier la situation où les jugements les ont placées. Quelques doutes pouvaient s'élever à cet égard en face des termes généraux et ambigus de la Constitution de 1791. Car on peut croire que le législateur n'avait d'autre pensée que de redresser les actes erronés des juges et de réprimer leurs excès, qu'il n'avait en vue que l'unité du pouvoir judiciaire et la discipline des tribunaux. Si ces mots sans préjudice du droit des parties intéressées, littéralement interprétés, peuvent être appliqués au droit de recours qu'elles possèdent et non au droit que les jugements annulés leur avaient acquis, il y a lieų cependant de croire que tel ne fnt pas le sens dans lequel ils furent entendus; car, qu'était-il besoin de réserver à ces parties un droit que la loi leur avait conféré? Est-ce que leur droit de recours n'est pas toujours indépendant de celui du ministère public? En se pénétrant de l'esprit de cette disposition, du but qu'elle voulait atteindre, des intérêts qu'elle se proposait de garantir, on est porté à penser qu'elle s'est servie d'une locution vicieuse pour énoncer une proposition qui semble le corol

laire de tous ses termes, et que ce qu'elle voulait réserver, ce n'était pas un droit de recours incontesté, mais bien le droit acquis par la chose jugée; la loi, en frappant les actes du juge, en punissant ses écarts, déclarait qu'elle ne prétendait pas porter préjudice au droit des parties intéressées.

La même interprétation pouvait expliquer encore l'art. 80 de la loi du 27 ventose an vIII. Nous trouvons encore ici, à la vérité, à côté de cette disposition une autre disposition, l'art. 88 de la même loi, qui reproduit l'art. 25 de la loi du 27 nov.-1" déc. 1790: « Art. 88. Si le commissaire du gouvernement apprend qu'il ait été rendu, en dernier ressort, un jugement contraire aux lois ou aux formes de procéder, ou dans lequel un juge ait excédé ses pouvoirs, et contre lequel cependant aucune des parties n'ait réclamé dans le délai fixé, après ce délai expiré, il en donnera connaissance au tribunal de cassation; et si les formes ou les lois ont été violées, le jugement sera cassé, sans que les parties puissent se prévaloir de la cassation pour éluder les dispositions de ce jugement, lequel vaudra transaction entre elles. On a fait remarquer que les différences qui séparent les art. 80 et 88 indiquent qu'ils n'ont pas le même but; et de là on a conclu que l'annulation qu'ils prononcent ne doit pas avoir les mêmes effets. Cette conséquence estelle exacte? Il est très vrai que ces deux articles n'ont pas le même but: l'art. 80 a voulu principalement atteindre les faits personnels des juges; il poursuit les excès de pouvoir et les délits par eux commis relativement à leurs fonctions; il règle la procédure qui doit

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être suivie contre eux; ce n'est que secondairement qu'il s'occupe de leurs actes, et il se borne à dire que l'annulation en sera prononcée s'il y a lieu. L'art. 88, au contraire, laisse de côté les juges et les délits qu'ils ont pu commettre, il ne s'occupe que de leurs jugements et de la conformité de ces actes aux lois et aux formes de procéder, il ne voit plus l'excès du magistrat, il ne voit que la fausse interprétation judiciairement consacrée. Cette différence dans l'objet de ces deux dispositions explique la différence de leurs textes. L'art. 80, qui s'occupait principalement des personnes et accessoirement de leurs actes, a dû se borner à déclarer que ses dispositions seraient exécutées sans préjudice du droit des parties intéressées. L'art. 88, qui ne s'occupait que des actes et nullement des personnes, a dû, au contraire, régler avec plus de détail les conditions et les effets de l'annulation: il n'est permis de la provoquer qu'après l'expiration du délai du recours ordinaire, et les parties ne peuvent s'en prévaloir. Il est donc naturel que cette dernière disposition, nẻcessaire dans l'article qui n'attaquait que les actes, ait été omise dans celui qui avait pour but principal la poursuite des magistrats coupables d'excès ou de délits. On ne peut point conclure nécessairement · que les parties puissent se prévaloir de l'annulation dans un cas par cela seul que la loi le leur a interdit dans l'autre. La loi, en réservant, dans l'art. 80, le droit des parties intéressées, devait croire, d'ailleurs, avoir couvert tous les droits acquis..

Mais cette explication ne saurait s'appliquer à

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