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Cour de cassation a jugé dans ce sens : que l'action publique est évidemment celle qui est exercée par le ministère public, et que cette action, dont le titre fondamental est la plainte, existe par le fait seul de cette plainte, soit qu'il y ait ou non mandat contre les prévenus; que, dans l'espèce, pendant que les parties étaient en instance au civil, le ministère publica rendu plainte en banqueroute contre les défendeurs; que dès ce moment il y a eu action publique dont l'effet était de suspendre l'action civile dont la Cour était saisie 1. » Mais si la plainte émane de la partie lésée, il faut distinguer. En règle générale, les plaintes et les dénonciations n'ont point pour effet nécessaire de mettre l'action publique en mouvement 2. La Cour de cassation a donc pu décider, quoique ses motifs soient évidemment trop absolus, * que l'action publique a pour objet de punir les atteintes portées à l'ordre social; qu'elle ne peut être exercée qu'au nom du souverain et par des fonctionnaires spécialement établis à cet effet; que la plainte en banqueroute frauduleuse, portée par le demandeur, n'ayant été suivie d'aucunes poursuites dirigées par le magistrat chargé de la recherche des crimes et délits, il en resulte qu'il n'y a pas eu dans l'espèce d'action publique intentée avant ou pendant l'instance civile et par une conséquence ultérieure, que la Cour d'appel a refusé la surséance

1 Arr. Cass. 18 nov. 1812 (J. du pal., t. X, p. 811). 2 Voy. notre tom. II, p. 255.

sans contrevenir à l'art. 8 du C. 3 brumaire aniv1.» Cette décision s'appliquerait à plus forte raison au cas où la plainte ne serait que le renouvellement d'une première plainte déjà appréciée par la justice 2. Mais si la partie plaignante se constituait partie civile devant le juge d'instruction, l'action publique, ainsi que nous l'avons démontré, se trouve engagée par cet actes, et le sursis est de plein droit. La même solution s'applique évidemment au cas où la simple plainte a été suivie de quelque acte d'instruction, tel, par exemple, que la déposition de témoins 4.

Le sursis est également de plein droit, lors même que le plaignant ne s'est pas constitué partie civile, en matière de faux. En effet, les art. 239 et 240 du C. de pr. civ. portent : « Art. 239. S'il résulte de la procédure des indices de faux ou de falsification, et que les auteurs ou complices soient vivants, et la poursuite du crime non éteinte par la prescription d'après les dispositions du C. pén., le président délivrera mandat d'amener contre les prévenus, et remplira, à cet égard, les fonctions d'officier de police judiciaire, -Art. 240. Dans le cas de l'article précédent, il sera sursis à statuer sur le civil, jusqu'après le jugement sur le faux. L'art. 460 du C. d'instr. crim. a reproduit ces dispositions: « Si la partie, qui a argué

1 Arr. Cass. 10 avril 1810 (J. du dal., t. VIII, p. 241).

2 Arr. Paris, 11 juin 1825 (ibid., t. XIX, p. 574).

3 Voy. notre tome II, p. 263.

♦ Arr. Cass. 22 messidor an vii (J. du pal., t. 1, p. 432).

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de faux la pièce, soutient que celui qui l'a produite est l'auteur ou le complice du faux, ou s'il résulte de la procédure que l'auteur ou le complice du faux soit vivant et la poursuite du crime non éteinte par la prescription, l'accusation sera suivie criminellement dans les formes ci-dessus prescrites. Si le procès est engagé au civil, il sera sursis au jugement jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur le faux. Ainsi, lorsqu'un tribunal civil reconnaît qu'une des pièces produites dans un procès paraît être entachée de faux et peut donner lieu à l'exercice de l'action publique, il doit, d'office et sans attendre la plainte, provoquer cette action et surseoir au jugement1. Il doit surseoir également par cela seul qu'il y a plainte: l'art. 250 du C. proc. civ. porte, en effet: « Le demandeur en faux pourra toujours se pourvoir par la voie criminelle en faux principal; et dans ce cas il sera sursis au jugement de la cause, à moins que les juges' n'estiment que le procès peut être jugé indépendamment de la pièce arguée de faux. »

Nous avons vu que la partie qui a porté son action devant la juridiction civile, est présumée avoir renoncé à employer la voie criminelle 2. Faut-il conclure de là que le demandeur, qui a saisi le tribunal civil, doit être déclaré non recevable à réclamer le sursis, lorsqu'ultérieurement il se porte partie civile devant le juge d'instruction? Cette conséquence ne serait point exacte. La partie serait, sans aucun

4 Arr. Cass. 28 mars 1836 (J. du pal., t. XXVII, p. 1213). 2 Voy. notre tome I, p. 471 et 478.

doute, non recevable, après avoir saisi les tribunaux civils, à porter son action devant les tribunaux criminels; mais à ceux-ci seulement appartiendrait le pouvoir de prononcer sur cette fin de non-recevoir; les tribunaux civils devraient donc provisoirement surseoir, sauf à reprendre l'instance après que la juridiction criminelle aurait déclaré la partie non recevable 1.

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Lorsque les deux conditions qui viennent d'être précisées co-existent et sont constatées, le sursis "doit être prononcé à peine de nullité. La juridiction civile cesse, en effet, d'être compétente, et le jugement qu'elle prononcerait, pendant qu'une poursuite, criminelle serait intentée pour le même fait, serait un excès de pouvoir. La Cour de cassation a consacré cette règle en annulant un jugement civil : « Attendu qu'il a été prononcé sur l'action civile avant qu'il ait été statué définitivement sur l'action criminelle, résultant d'une plainte qui avait été suivie de déclarations de témoins reçues par l'officier de police judiciaire, et dont il n'y avait aucun désistement; que cette nullité est de droit public, et qu'elle n'est point du nombre de celles qui procèdent du fait des parties ou de leurs défenseurs 2.

La nécessité du sursis existe, aux termes de l'article 3, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique. Il a été prononcé définitivement,

1 Conf. Mangin, n° 163, et arr. Cass. 15 juin 1829 (J. du pal., t. XXII, p. 1130).

2 Arr. Cass. 22 mess. an vii (J. du pal., t. I, p. 432).

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dans le sens de cet article, toutes les fois que la juridiction 'criminelle se trouve, au moins quant à présent," dessaisie de l'affaire. Ainsi, une ordonnance ou un arrêt de non-lieu, quoique la survenance de nouvelles charges puisse l'anéantir, a, presqu'à la reprise des poursuites, les effets d'une sentence définitive, et par conséquent doit mettre un terme au sursis. S'il en était autrement, le sursis n'aurait, dans ce cas, d'autre terme que celui de la prescription de l'action publique 1. Il est évident d'ailleurs que si l'ordonnance de non-lieu a été frappée d'opposition, même par la partie civile, il y a lieu de surseoir, puisque, par l'effet de cette opposition, la juridiction criminelle demeure saisie 2,

$ 170.

De la suspension de l'action civile quand le fait se rattache aux fonctions d'un agent du gouvernement.

L'action civile, lorsqu'elle s'exerce séparément de l'action publique contre un agent du gouvernement, et qu'elle a pour base un fait ou un acte relatif à ses fonctions, est soumise, comme l'action publique, à la condition d'une autorisation préalable, conformément à l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an vII.

Cette application a été longtemps contestée. La Cour de Pau à jugé, « qu'en déclarant que les

4 Conf. Mangin, no 168.

* Arr. Paris, 10 sept. 1829 (J. du pal,, t. XX, p. 1442.

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