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nouvelle ordonnance serait nécessaire pour mettre en jugement d'autres agents complices du même délit 4. Ainsi encore si, postérieurement à l'ordonnance, le fonctionnaire est inculpé d'autres délits ou connexes au délit qui a fait l'objet de l'autorisation, ou de même nature, une nouvelle autorisation est indispensable, soit que ces faits soient antérieurs ou postérieurs aux premiers 2. Mais il faut discerner avec soin si le nouveau délit est étranger ou relatif aux fonctions. Ainsi, un fonctionnaire, dont la poursuite avait été autorisée, avait publié un mémoire de défense qui avait donné lieu à une nouvelle inculpation. La Cour de cassation a jugé avec raison qu'une autorisatiou était inutile pour cette seconde poursuite attendu qu'en publiant le mémoire justificatif qui donne lieu à la plainte, le demandeur n'a point fait un acte de ses fonctions; qu'il a agi dans son intérêt privé; que ce serait donner à l'art. 75 une extension exorbitante que de décider que la garantie qui couvre les actes du fonctionnaire couvre également, lorsqu'il est poursuivi pour abus de ses fonctions, les écrits qu'il a publiés pour sa défense 3. »

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Dans le deuxième cas, c'est-à-dire si l'autorisation a été refusée par le conseil d'Etat, la procédure se trouve par là même close et terminée, et le fonctionnaire inculpé est à l'abri de toute poursuite à raison

Conf. Mangin, n° 266; Legraverend, t. I, p. 482.

2 Conf. Mangin, n° 266; contr. Legraverend, t. I, p. 482. 3 Arr. Cass. 12 mars 1829 (J. du pal., t. XXII, p. 789.

du fait dénoncé Mais cette ordonnance a-t-elle force de chose jugée, en ce sens que la procédure ne puisse -être reprise s'il survient de nouvelles charges? On a voulu distinguer entre les ordonnances fondées sur Pinsuffisance des charges et celles qui sont fondées sur le caractère administratif des faits incriminés; ¿dans le premier cas seulement, les ordonnances du conseil d'État, comme celles de la Chambre du conseil ou les arrêts de la Chambre d'accusation, ne feraient aucun obstacle à une nouvelle poursuite mostivée sur de nouvelles charges. Cette distinction serait difficilement applicable dans la pratique; car, les ordonnances du conseil d'État étant rarement moti- ⚫ -vées, il ne serait pas possible de vérifier la cause du rejet. Ensuite, et lors même que l'intérêt administratif a dicté la première décision, est-ce que la gravité des charges survenues et les développements de la prévention ne peuvent pas modifier cette déci-sion? Est-ce que l'intérêt de la justice, à mesure qu'il devient plus important, ne peut pas dominer, dans P'esprit du conseil d'Etat l'intérêt administratif? -L'ordonnance, intervenue après une information, ne s'applique qu'aux faits relevés par cette information; s'il survient des faits nouveaux, des charges plus graves, rien ne s'oppose donc à ce que le conseil d'État -soit saisi une seconde fois, quels que soient les motifs qui ont fondé la première ordonnance.

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Au surplus, les ordonnances du conseil d'Etat portant refus de poursuivre, n'ont ni le caractère Mangin, n° 265.

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juridique ni les effets des ordonnances ou des arrêts de non-lieu émanés des Chambres du conseil ou d'accusation. Ainsi, la question s'est élevée de savoir quel doit être l'effet du refus d'autorisation, lorsque la poursuite est fondée sur une inscription de faux formée par un prévenu de délit contre le procèsverbal? La Cour de cassation avait jugé, par un premier arrêt, que l'admission de l'inscription de faux était subordonnée à l'autorisation de poursuivre 1; mais elle a déclaré depuis que : « toute demande en inscription de faux contre un procès-verbal des agents de l'administration forestière, est un moyen légal de défense, et que le tribunal, saisi de l'action principale, est seul juge de l'exception; que si, dans Pintérêt de l'administration, la poursuite doit être autorisée par le conseil d'Etat, il ne s'ensuit pas que le refus d'autorisation anéantisse la demande; que ce refus ne peut avoir pour effet que de mettre les fonetionnaires publics à l'abri de toutes poursuites personnelles; mais qu'il ne peut avoir celui d'anéantir l'exception et d'enlever ainsi au prévenu un moyen de défense que la loi lui donne; que la poursuite judiciaire ne peut être paralysée par le défaut d'autorisation; d'où il suit qu'il doit être procédé incidemment sur la demande en inscription de faux, conformément à l'art. 459 du C. d'instr. crim., marche qui doit être suivie, non seulement dans les cas de décès ou de prescription, dont parle l'art. 460

4 Arr. Cass. 5 nivose an xiv (Bull., no 281).

du même Code, mais encore, par voie d'analogie, dans tous les cas où il existe un obstacle légal à l'action publique, ayant pour effet de l'anéantir ou de la paralyser1. » Il résulte de cette dernière décision que l'ordonnance du conseil d'Etat n'anéantit pas l'exception résultant de l'inscription de faux ; elle ne produit donc pas, lors même qu'elle apprécie l'acte incriminé, les mêmes effets que les ordonnances des Chambres du conseil ou les arrêts des Chambres d'accusation; son appréciation, limitée au fait administratif, est étrangère au fait juridique; elle enchaîne l'action publique; elle constitue un obstacle légal à son exercice, mais elle ne statue d'aucune'manière ni sur cette action ni sur les exceptions qui s'y rattachent.

Enfin, et pour terminer cette matière, il faut rappeler 1° que, lorsqu'un fonctionnaire est inculpé de deux délits dont l'un seulement est sujet à l'autorisation du conseil d'Etat, le refus de cette autorisation ne fait pas obstacle à la poursuite du second : les juges ne doivent même pas surseoir à statuer sur cette poursuite jusqu'à ce que le conseil d'État ait prononcé sur la première 2; 2° que les tribunaux, tant que l'autorisation n'a pas été accordée, ne peuvent, à raison du délit soumis à l'appréciation du conseil d'État, prononcer aucune condamnation, même celle des dépens de l'instance: ils ne peu

↑ Arr. Cass. 11 déc. 1835 (J. du pal., t. XXVII, p. 786).
* Arr. Cass, 1er janv. 1832 (J. du pal., t. XXIV, p. 1419).

vent que surseoir tant sur le fond que sur les dépens 4.

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Dispositions particulières relatives à la poursuite et à la mise en jugement des ministres des cultes.

Les ministres des cultes, dans notre législation actuelle, peuvent-ils, de même que les fonctionnaires publics, invoquer quelque garantie spéciale contre les poursuites dont ils peuvent être l'objet ? Sont-ils soumis à toutes les règles du droit commun, ou ces règles renferment-elles une exception qu'ils puissent faire valoir? Telle est la question que nous nous proposons d'examiner dans ce paragraphe.

Deux points qui, d'ailleurs, ne sont pas contestés, doivent être posés en avant de cette discussion. En premier lieu, nous l'avons déjà établi 2, le ministre des cultes n'est point un agent de la puissance civile; il n'est point un fonctionnaire public, car il ne tient de l'État aucune mission, il n'est revêtu d'aucun caractère civil; ses fonctions sont exclusivement religieuses. Si cette règle avait paru admettre quelque doute sous l'empire d'une charte qui avait proclamé la religion catholique la religion de l'État, ce doute a dû disparaître avec cette disposition. Ainsi, l'article 75 de la loi du 22 frimaire an vIII n'est pas applicable à ces ministres 3.

↑ Arr. Cass. 11 mars 1837 (Dev., 37, 1, 311).

2 Voy. suprà, p. 378.

3 Arr. Cass. 23 juin, 9 septembre, 3 et 25 novembre, 23 dé

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