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tes des particuliers lésés devant les tribunaux1..

Il suit de là, qu'il peut y avoir lieu d'examiner, dans certains cas, lorsqu'une poursuite est dirigée contre un militaire à raison de ses fonctions, quelles étaient les fonctions dans l'exercice desquelles le délit imputé aurait été commis. Il peut arriver, en effet, qu'un officier de l'armée soit chargé par le gouvernement, en dehors de son service militaire, d'une mission temporaire soit en France, soit à l'étranger. Il est évident qu'il revêt alors, au moins momentanément, une fonction nouvelle, et que cette fonction, par sa nature et par les attributions qui y sont attachées, peut donner lieu, à raison des actes qui sont commis pendant son exercice, à motiver l'application de la garantie2.

L'exception reprend également sa force à l'égard des fonctionnaires qui sont attachés aux armées, non plus en qualité de militaires, mais en qualité d'administrateurs. Ces fonctionnaires, en effet, sont, dans cette branche du service public, les agents directs de l'administration, les dépositaires de son autorité; ils exercent sur le service de l'armée, au nom du pouvoir exécutif, l'action administrative qu'il leur a déléguée; ils ne font point partie de la force publique, mais ils dirigent sur son organisation et sur ses mouvements la surveillance et l'autorité qui appartiennent au gouvernement. La Cour de cassation a dû reconnaître, d'après cette distinction, que les intendants et sous

1 Arr. Cass. 17 févr. 1836 (Journ. du pal., t. XXVII, p. 1084). 2 Arr. Cour d'Aix, 9 déc. 1836 (Dev., 1838, 1, 681).

intendants militaires1, les adjudants d'administration2, les intendants de la marine3, les commissaires des classes 4, ne peuvent être mis en jugement sans autorisation. Le conseil d'État a également décidé que les directeurs des subsistances de la marine dans un port militaire, les garde-magasins chargés du service des vivres, et les commis principaux d'administration, nommés par le roi, doivent jouir de la même garantie5. La même décision s'appliquerait dès lors à tous les agents directs et immédiats du service des subsistances militaires; tels seraient, par exemple, les officiers comptables de ces subsistances. Il faut prendre garde, toutefois, que cette mesure ne saurait s'étendre aux entrepreneurs de fournitures, qui, n'étant dépositaires d'aucune portion de l'autorité publique, ne peuvent être assimilés aux agents du gouvernement la poursuite contre ces entrepreneurs a été subordonnée, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, non à une autorisation, mais seulement à une dénonciation du gouvernement.

Nous venons d'écarter de la classe des agents du

Arr. Cass. 26 nov. 1842 (Bull., no 308).
Arr. Cass. 2 sept. 1842 (Bull., no 225).

3 Arr. Cass. 30 nov. 1821 (Bull., no 19 v.)

• Avis du cons. d'État, 1er nov. 1826, impl. conf. par arr. Cass. 14 juill. 1827 (Bull., no 185).

5 Avis du cons. d'État 20 juin 1846, aff. des agents des subs. de la marine de Rochefort.

* Arr. Cass. 29 août 1846 (Bull., no 226).

7 Voy. suprà, $147, p. 143.

gouvernement, d'une part, les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, et, d'une autre part, les officiers et soldats des armées de terre et de mer. Nous arrivons maintenant aux membres de l'ordre administratif. Mais ici encore nous allons continuer, à l'aide de quelques distinctions, de rétrécir le cercle de ces agents.

Tous les citoyens qui coopèrent à l'action administrative, qui concourent, dans des fonctions diverses et avec une part d'influence distincte, à son exercice, ne sont pas des agents du gouvernement. Les uns, quoique dépositaires d'une partie de son autorité, ne sont point placés sous sa direction médiate ou immédiate; les autres, quoique placés, au contraire, sous sa direction médiate ou immédiate, ne sont dépositaires d'aucune portion de son autorité. Il est évident que les uns et les autres, d'après la règle posée par la Cour de cassation, ne doivent pas être rangés parmi les agents du gouverne

ment.

Il faut placer dans la première catégorie:

Les membres des assemblées électorales. Tous les citoyens qui prennent part aux élections exercent des droits qui leur sont propres et personnels, et qu'ils ne tiennent pas, dès lors, de la délégation du pouvoir exécutif. Ils ne sont donc ni les dépositaires ni les agents de l'autorité publique1. Cette règle s'applique aux membres de toutes les réunions élec

4 Arr. Cass. 15 oct. 1812 (Journ. du pal., t. X, p. 748); 25 mai 1838 (Bull., no 137).

torales, soit qu'elles aient pour but d'élire un membre de la Chambre des députés, des conseils généraux et d'arrondissement ou des conseils municipaux, etc.; mais comprend-elle les président, secrétaire et scrutateurs de chaque assemblée aussi bien que les simples membres? L'art. 8 du tit. Ier de la loi du 25 fructidor an 11 portait : « Lorsque le Corps législatif aura déclaré illégal un acte d'une assemblée primaire, communale ou électorale, il prononcera sur la question de savoir si les président, secrétaire et scrutateurs de cette assemblée devront être poursuivis criminellement. » Cette disposition avait conduit la Cour de cassation à décider que ces membres ne pouvaient être poursuivis à raison des faits commis dans leurs fonctions, sans une autorisation1. Cette décision n'aurait aujourd'hui aucun fondement, car les présidents, secrétaires et scrutateurs sont choisis par les électeurs eux-mêmes et ne reçoivent du gouvernement aucune mission 2. S'ils sont investis d'une certaine autorité pour maintenir l'ordre et l'indépendance des opérations électorales, cette autorité, qui n'a pour objet que l'exercice du droit politique, participe de son caractère et remonte à la même source. Il y a cependant quelques cas où la loi a désigné d'avance les membres qui doivent composer le bureau, tantôt provisoire,

1 Arr. Cass. 21 brum. an viii, 17 fruct. an ix, 11 niv. an x, vrier 1809.

2 Conf. Mangin, no 250.
3 L. 19 avril 1831, art 45.

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tantôt définitif de l'assemblée1. Cette désignation imprime-t-elle à ces membres la qualité d'agents du gouvernement? Nous ne le pensons pas; car cette désignation ne modifie sous aucun rapport la nature des fonctions qu'ils remplissent; or, ces fonctions sont indépendantes du gouvernement, elles ne renferment la délégation d'aucune portion de son autorité, elles n'impliquent aucune exécution de ses ordres.

Les membres des conseils généraux de département et des conseils d'arrondissement. Ces membres, puisant leur pouvoir dans leur élection, coopèrent à l'œuvre administrative en vertu d'un droit qui leur est propre; s'ils sont dépositaires d'une portion d'autorité, ils ne l'ont pas reçue du pouvoir exécutif; ils ne sont donc pas responsables vis-à-vis de ce pouvoir, ils ne sont pas ses agents 2.

Les membres des conseils municipaux. La Cour de cassation avait reconnu, après quelque hésitation, sous l'empire même de l'art. 18 de la loi du 28 pluviose an vin, qui déléguait aux préfets la nomination des conseillers municipaux 3 9 « que ces membres ne sont pas agents du gouvernement, ct, dès lors, peuvent être traduits en justice sans une autorisation ». On ne peut plus admettre au

'L. 21 mars 1831, art. 44; 1. 22 mars 1831, art. 50; 1. 19 avril 1831, art. 42.

2 L. 22 juin 1833 et 20 avril 1834.

3 Arr. Cass. 23 mai 1822 (Sir., 22, 1, 296).

Arr. Cass. 6 mai 1826 (Bull., no 94).

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