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reuse pour qu'elle doive être consentie? Il nous paraît done que le fermier exerce, en ce qui concerne la chasse, le droit du propriétaire, lorsque celui-ci ne se l'est pas réservé, et que, par conséquent, il a droit de porter plainte à raison de tous les faits de chasse commis, sans son assentiment, sur le fonds qu'il exploite 1.

Les règles qui précèdent s'appliquent aux délits de chasse commis dans les bois et forêts soumis au régime forestier 2. En effet, l'administration forestière ne fait qu'exercer alors, au nom de l'État qu'elle représente, les droits et les actions du propriétaire3. Son intervention est commandée 1o par l'arrêté du 28 vendémiaire an v, qui interdit la chasse dans les forêts nationales, et dont l'art. 2 porte : « Les gardes seront tenus de dresser contre les contrevenants les procès-verbaux dans la forme prescrite pour les autres délits forestiers. » 2° Par l'arrêté du 19 ventose an x, qui charge également les gardes forestiers, de la constatation et de la poursuite des délits de chasse commis dans les bois communaux. 3° Par l'art. 159 du C. for., qui charge l'administration des poursuites en réparation de tous délits et contraventions commis dans les bois et forêts soumis au régime forestier.

Il suit de là que l'administration a qualité pour dénoncer et poursuivre, sans préjudice du droit du

Voy. conf. Duvergier, Du louage, n° 73; Ph. Dupin, Journ. des cons. munic., 2e année, p. 1.

L'art. 1 du C. for. énumère ces bois et forêts. 3 Arr. Cass. 8 mai 1841 (Bull., no 134).

ministère public, les délits de chasse commis, nonseulement dans les bois de l'État, mais aussi dans ceux des communes et des établissements publics, qui sont soumis à sa surveillance, puisqu'ils sont soumis au régime forestier. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que le délit de chasse sans permission commis, même en temps non prohibé, dans un bois communal, peut être poursuivi à la requête de l'administration forestière 1. La même Cour a encore jugé que le même délit, également commis, sans aucune circonstance aggravante, dans le bois d'un hospice, avait pu être poursuivi d'office par le ministère public 2. Mais cette dernière solution est uniquement motivée « sur ce que les art. 4, 90 et 159 du C. for. ont placé sur la même ligne les bois de l'État, les bois des communes, les bois des hospices et des établissements publics, et confié soit à l'administration forestière, soit au ministère public, le soin de poursuivre tous les délits et contraventions commis dans ces bois et forêts, ce qui ne s'entend pas, pour l'administration forestière surtout, des délits communs, tels que le vol ou les attentats aux personnes, mais ce qui comprend tous les délits, tous les faits qui peuvent nuire au régime des bois et qui tiennent du délit forestier. » Il faut donc admettre, pour justifier cette décision, que les délits de chasse doivent être assimilés aux délits forestiers; or, quels que soient les rapports qui lient ces deux

↑ Arr. Cass. 22 février 1844 (Bull., no 61). 2 Arr. Cass. 6 mars 1840 (Bull., no 77).

classes de délits, ils different évidemment et par leur nature, et par leur base, et même par leur mode de perpétration. La loi, d'ailleurs, ne les a nulle part confondus, et ce n'est pas en matière pénale qu'il peut être permis d'établir une analogie qui aurait pour effet d'aggraver la condition d'une classe de délinquants.

L'art. 1o du décret du 25 prairial an x et l'article 5 de la loi du 21 avril 1832 autorisent les maires des communes et l'administration forestière à affermer le droit de chasse dans les bois des communes ou de l'État. Quels sont, dès lors, les droits du fermier? quels sont ceux de l'administration pour la poursuite des délits? La Cour de cassation, sans dénier l'action du fermier, a décidé qu'elle ne faisait pas obstacle à celle de l'administration. Dans une première espèce, où le fermier était intervenu, la Cour a jugé : « que la chasse dans une forêt de l'État, même en temps non prohibé, sans l'autorisation de l'administration des forêts, constitue le délit prévu par l'art. 4 de la loi du 30 avril 1790; que cette administration, chargée de la conservation des forêts et de la poursuite des délits qui s'y rattachent, a intérêt à ce que des étrangers ne s'y introduisent pas pour chasser, et action pour les poursuivre, indépendamment de l'action du fermier de la chasse pour les dommages qui peuvent lui avoir été causés; que, d'ailleurs, dans l'espèce, le formier de la chasse était intervenu devant les premiers juges pour demander des dommages-intérêts, et avait ainsi régu

:

larisé l'action à cet égard 1. » Dans une autre es-
pèce, il a été jugé que la poursuite était régulière
dans un cas où le fermier de la chasse n'avait pas
porté plainte « Attendu que la loi du 21 avril
1832, qui autorise la mise en ferme de la chasse
dans les forêts de l'État, ne déroge en rien aux droits
qu'a l'administration forestière de constater et de
poursuivre les délits de chasse commis dans ces fo-
rêls par des individus qui ne représenteraient point
d'autorisation régulière 2. » Enfin, dans une troi-
sième espèce, la Cour de cassation a ajouté : « qu'il
importait peu que la chasse (dans une forêt com-
munale) eût été affermée et que le fermier ne se
plaignît pas, le silence du fermier de la chasse ne
pouvant nuire à la commune qui a intérét à la con-
servation du gibier, ni arrêter l'administration fo-
restière qui est chargée de la poursuite de tous les
délits commis dans les forêts3. » Cette jurisprudence
nous semble fondée. L'intérêt du fermier de la
chasse à la répression des délits ne fait point ob-
stacle à l'intérêt du propriétaire; cet intérêt pour
l'un et pour l'autre est la conservation du gibier.
Si donc le fermier, qui n'agit que comme délégué
et ayant-droit du propriétaire, ne se plaint pas, il
semble que rien ne s'oppose à ce que le proprié-
taire porte lui-même plainte; car, s'il a aliéné
s'il a aliéné tempo-
rairement son droit de chasse, il n'a pas aliéné son

1 Arr. Cass. 23 mai 1835 (Bull., no 204).
2 Arr. Cass. 8 mai 1841 (Bull., n° 134).
3 Arr. Cass. 22 février 1844 (Bull., no 61).

droit de veiller à ce que la chasse soit régulièrement exploitée, à ce que le gibier ne soit pas détruit par des moyens illicites. Il est inutile d'ajouter qu'il peut agir, en outre, dans un autre intérêt, celui de la conservation des bois ou forêts que le délit a pu endommager. Ainsi, dans les espèces qui ont été rapportées, l'administration forestière, agissant, soit au nom de l'État, soit au nom de la commune, avait le droit incontestable de poursuivre le délit, avec ou sans le concours du fermier.

Il nous reste maintenant à examiner dans ce paragraphe si les règles spéciales qui viennent d'ètre exposées s'appliquent aux délits de pèche aussi bien qu'aux délits de chasse.

L'analogie qui réunit en quelque sorte ces deux classes de délits, avait conduit la jurisprudence, avant la loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale, à appliquer en cette matière la distinction établie pour la poursuite des faits de chasse par les art. 1 et 8 de la loi du 30 avril 1790. Un arrêt de la Cour de cassation avait déclaré, sans s'appuyer sur aucun texte de loi, et, en effet, il n'en existait aucun qui fût applicable, que le fait de pêche dans les eaux appartenant à un particulier ne pouvait être poursuivi que sur la plainte de celui-ci 4. Tous les commentateurs se sont fondés sur cet arrêt et sur l'analogie qui en avait été la base, pour poser comme une ré

1 Arr. Cass. 5 février 1807 (Sir., t. VII, p. 74).

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