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raît pas concluant. Il n'est pas juste de dire que les donations de sommes n'intéressent pas les tiers. Le donateur, en effet, diminue l'importance de son patrimoine, affaiblit son crédit. Les créanciers antérieurs à la donation, n'ont-ils pas tout intérêt à la faire annuler si elle rend leur débiteur insolvable. Quant à ceux qui voudront contracter avec le donateur après la donation, ne devrontils pas se montrer plus circonspect. Concluons en disant que l'insinuation protégea à l'origine le donateur, mais que bientôt elle devint un moyen de protection pour les tiers.

IV. Des effets de l'insinuation.

Jusqu'à l'insinuation, la donation n'est qu'un simple projet, après l'insinuation la mutation est définitive et le donataire devient propriétaire. On peut se demander si l'insinuation remplace la tradition ou si les deux formalités doivent être accomplies. Il faut, croyons-nous distinguer suivant les époques. La tradition réelle était exigée par la loi Cincia pour parfaire toute donation (1), mais quand le constitut possessoire put remplacer la tradition et que le donateur put rester en possession comme usufruitier, la tradition est spiritualisée et il semble qu'alors l'insinuation suffisait à transférer la propriété. La règle non nudis pactis, etc., est bien encore en vigueur puisqu'elle est écrite au Code. Mais la tradition n'est dans' certains cas que l'expression de la volonté d'acquérir et

1. Théodose et Honorius exigeaient aussi la tradition réelle.

de transmettre et peut être remplacée par l'insinuation. Le donateur qui fait insinuer n'indique-t-il pas qu'il rend propriétaire.

V. Effets de l'insinuation à l'égard des tiers.

Les textes ne parlent pas des effets de l'insinuation à l'égard des tiers étrangers au contrat; cette question, si grave en droit français, ne semble pas avoir préoccupé les jurisconsultes romains, elle devait cependant être d'une grande importance à Rome comme chez nous ; mais à Rome le défaut d'insinuation avait le même effet inter partes qu'à l'égard des tiers.

Jusqu'à l'insinuation, la donation était imparfaite; tous les intéressés, donateur, donataire, héritiers, acquéreur de l'un ou de l'autre, pouvaient se prévaloir du défaut d'insinuation. Jusqu'à cet acte le bien donné faisait encore partie du patrimoine du donateur, qui pouvait le vendre, le donner, en disposer de toute façon.

Les avantages que les tiers tiraient de cette publicité sont nombreux et faciles à déterminer. Jusqu'à l'insinuation, les tiers pouvaient contracter avec le donateur et devenir propriétaires, sans craindre d'être évincés. Les créanciers antérieurs à la donation et les créanciers postérieurs pouvaient se plaindre du défaut d'insinuation. Les héritiers du donateur eux-mêmes pouvaient opposer ce défaut au donataire.

Sous ce rapport, l'insinuation ne ressemblait en rien à la transcription des donations établie par le Code civil. A Rome, on ne distinguait pas les effets de l'acte à l'égard

des tiers, des effets inter partes. La donation non insinuée n'était pas valable, pour tout ce qui dépassait 500 solides, le donateur restait propriétaire et conservait l'action en revendication. Chez nous, au contraire, la donation faite selon les formes légales transfère la propriété inter partes, mais n'est pas opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur l'immeuble.

Avons-nous montré qu'à Rome, les mutations se faisaient dans des conditions telles que les tiers vigilants et soucieux de leurs intérêts pussent trouver dans les lois une protection suffisante? Avons-nous déterminé d'une façon exacte la valeur de cette protection? Nous n'oserions l'affirmer, si nous l'avons fait, nous avons atteint notre but. Des auteurs autorisés avaient tracé notre route.

« La Venditio per œs et libram, dit M. Huc (1), présenta d'abord toutes les garanties de publicité que comportait l'état de la civilisation, cette venditio prit le nom de mancipation... Et, il est infiniment probable, que le besoin d'entourer d'une publicité sérieuse toute translation de propriété, dans des vues analogues à celles qui ont fait établir la transcription en France, exerça aussi une grande influence sur la détermination du législateur romain. >>

Nous avons montré que cette théorie était exagérée et nous terminons en disant: Les Romains trouvaient dans leurs lois des garanties de publicité suffisantes, pour les rapports de droits qui existaient entre eux. Mais on ne

1. Huc. Recueil de l'Académie de législation de Toulouse, T. 10,

p. 45.

peut affirmer que l'idée d'élargir la publicité ait été pour quelque chose dans le développement de leurs institutions sauf en matière de donations.

DROIT FRANÇAIS

DE

L'ORIGINE DE LA TRANSCRIPTION

DANS LES PAYS DE NANTISSEMENT

INTRODUCTION

Des transmissions de propriété dans les pays de droit écrit et dans les pays des coutumes.

Le Code civil, le Code de procédure civil et la loi du 23 mars 1855 sur la transcription en matière hypothécaire, obligent à rendre publiques les mutations immobilières. Cette publicité édictée par la loi de 1855 a été généralisée pour la première fois par la loi de brumaire An VII. Elle a subi depuis bien des vicissitudes; supprimée ou peut-être oubliée par les rédacteurs de 1804, rappelée dans le Code de procédure civile, elle n'a été définitivement rétablie que par la loi sur la transcription.

L'idée de favoriser le crédit foncier et de protéger les intérêts des tiers qui apparait dans la loi de l'an VII étaitelle alors une idée nouvelle ? Les rédacteurs de cette loi ont-ils innové ou bien n'ont-ils fait que reproduire, que

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