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d'un combat, à un vote, quand les mercenaires de Sylla menaçaient les propriétés privées (1). Ces disputes firent de la terre une richesse incertaine et périlleuse, toujours prête à s'échapper des mains de ceux qui la détenaient; il n'est pas étonnant que la législation civile ait imparfaitement protégé une valeur qui, dans ces temps, loin d'être la base de la confiance, ne donnait que de perpétuelles inquiétudes.

Au contraire le commerce florissait à Athènes; l'hypothèque, ce puissant instrument de crédit n'apparaît que tard à Rome, elle y est toujours imparfaite, elle porte sur les meubles aussi bien que sur les immeubles; ce droit du créancier hypothécaire n'est pas sûr, le premier créancier seul peut vendre. A Athènes, l'hypothèque est réglementée, son assiette est restreinte, elle ne porte que sur les immeubles, le droit du créancier certain, il sait la va leur de la sûreté qu'on lui offre. Une borne, quand il s'agit d'un champ, une table de pierre pour une maison, lui indiquent les créanciers qui seront payés avant lui, la somme pour laquelle il sera primé, la date des prêts qui ont été consentis au débiteur(2). La publicité qui entoure les mutations à Athènes ne peut nous étonner, elle servait de base au régime hypothécaire et par conséquent au

crédit.

1. Plutarque, Vie de Sylla.

2. Cons. sur ces points. Le Crédit foncier à Athènes, de M. Caillemer, 1866 et du même auteur: Les institutions commerciales au siècle de Démosthènes. La lettre de change et le contrat d'assurances.

SECTION III.

PREUVES DE LA TRADITION.

I. Les acta.

Cependant, pour déterminer avec exactitude quel fut le caractère des mutations de propriété, il ne suffit pas de considérer les règles du droit civil, il faut encore étudier certains usages, certaines habitudes qui, au moins à partir d'une certaine époque, furent mis en pratique. Les Romains remédièrent par certaines institutions aux inconvénients qui découlaient de l'occultanéité des transmissions. Certaines formalités usitées en pratique eurent pour résultat de rétablir en fait une publicité disparue des règles du droit.

Il n'est pas aisé, même avec tout ce que nous possédons de textes sur la législation Romaine, de déterminer, d'une façon précise, à quelle époque on a commencé à insinuer les actes de droit privé. Mais, plusieurs raisons nous font croire que cet usage n'était pas encore en vigueur aux premiers siècles de Rome, sauf ce que nous avons dit des mancipations. Les formalités des actes juridiques nous sont connues et nulle part, dans les textes, nous ne trouvons l'enregistrement mentionné comme condition nécessaire à la validité ou à la preuve de l'acte. L'affranchissement par la vindicte n'a jamais exigé la confection d'un écrit (1), l'affranchissement par le cens, inconnu de tout temps dans les provinces, cessa d'être en usage à Rome même sous l'empire. Censu manu mittabatur

1. L. 26. Code 16, L. 7. de liber-causa.

olim dit Ulpien (1). L'adoption se faisait par vente fictive s'il s'agissait d'adopter une personne alieni juris. Le futur adopté était-il sui juris, il fallait consulter le collège des pontifes qui rendait une lex curiata. « Si te lege curiata apud pontifices ut moris est adoptarem » dit Tacite (2). Les donations entre vifs ne furent réglementées que par la loi Cincia, avant cette loi, elles étaient soumises au formalisme habituel de la mancipation.

Quand l'écriture se répandit dans le monde romain, les parties furent maîtresses de consigner ou non par écrit les conventions qui intervenaient, cet écrit souvent corroboré par la présence de témoins citoyens Romains et pubères avait tous les caractères de ce que nous appelons aujourd'hui un acte sous seing privé, en tout cela nulle trace d'enregistrement.

Il est cependant certain, que sous les premiers empereurs, il existait des archives destinées à recevoir et à conserver les actes privés (3). Ces archives étaient appelées Tabulæ publicæ (4) Tabula communes municipum (5) ou commentarii publici et plus tard Gesta ou Acta. L'enregistrement de ces actes privés portait au III° siècle le nom de recitatio, publicatio pour les testaments et insinuatio pour tous les actes en général (6).

Un texte classique prouve ce que nous avançons: Ne co

1. Reg. tit. I, § 8.

2. Tacite. Hist., I, 15.

3. Paul, Sent., L. IV, tit. 6, § 1er.

4. Haubold Ant. Rom.

5. Bronzes de Malaga,Rub., 63 et 67.

6. Frag. Vat. § 112, 266.-C. 1, Code 6, 32.

loci sedeant,quo in publico instrumenta deponuntur,archio forte vel grammatophylacio (1) » il est probable qu'une minute de l'acte devait rester dans les archives. Un autre passage du Digeste nous montre une autorité publique coopérant à un acte de droit privé et lui donnant des garanties sérieuses. « Curent magistratus cujusque loci testari, volentibus et se ipsos et alios testes vel signatores præabere; quo facilius negotia explicentur et probatio rerum salva sit (2) ». Quand un particulier veut s'assurer la preuve d'un contrat ou de quelqu'autre acte juridique, le magistrat municipal doit lui prêter son concours comme témoin et même apposer sa signature à l'acte. On pourrait nous opposer, que ce texte ne parle que de testaments reçus par le magistrat, nous croyons que l'on peut lui donner un sens plus étendu, testari s'applique souvent à des actes autre que le testament et la fin du texte quo facilius negotia explicentiur montre qu'il faut donner un sens général aux prescriptions qu'il contient.

Souvent, les actes qui constataient les ventes et les mutations de propriété étaient dressés par des tabelliones. Ces tabelliones, n'étaient pas des fonctionnaires publics et leur ministère n'était pas imposé aux parties, mais, l'habitude qu'ils avaient de s'occuper des affaires privées et la science qu'ils acquéraient les faisait appeler souvent. Plusieurs écrits dressés par ces sortes de notaires nous ont été conservés ; ces instrumenta datent du V et du VI° siècles, mais il est probable que longtemps aupa

6. L. 9, § 6. D. 48, 19, 7. L. 22. de test. D. 22, 5.

ravant les Romains avaient adopté l'usage dont nous parlons, Spangenberg nous cite des actes de vente suivie de mancipation (1).

Le tabellion était le plus souvent assisté de témoins qui signaient l'acte, leur nombre ne semble pas avoir été primitivement déterminé. Justinien en exige trois ou cinq (2). Nous pouvons considérer cet assistance des témoins comme un élément de publicité.

Quelquefois, cet acte passé devant le tabellion n'était pas considéré comme suffisant par les parties et pour donner plus d'authenticité à leur acte, elles avaient recours à la curie et aux magistrats municipaux. Les textes qui nous sont parvenus nous indiquent les formalités usitées. L'acheteur adressait à la curie une demande appelée epistola traditionis et reproduisant l'acte de vente. Cette demande était lue, sur l'ordre du magistrat municipal, devant la curie qui déléguait des viri notabiles. Ces derniers se rendaient auprès du vendeur et se livraient à une sorte d'enquête, lui demandant s'il reconnaissait la vente, s'il avait fait tradition, s'il ne faisait aucune opposition à l'acte qui avait été présenté. Une sorte de procès-verbal de cette enquête était alors dressé par un greffier appelé exceptor curio. La curie était de nouveau appelée à se prononcer, les magistrats municipaux approuvaient l'acte de vente ou de tradition et ordonnaient que l'instrumentum fût déposé dans les archives dont nous avons parlé,apud acta publica (3). On rencontre dans les textes

1. Spangenberg, Modus conficiendi acta, p. 233.

2. Nov. LXXIII. Spangenberg, op. cit., p. 52, 236, 252, 46 et suiv.

3. Spangenberg, p. 46 et suiv.

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