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En Grèce, nous voyons les ventes primitives accompagnées d'un grand nombre de formalités. Théophraste dans un fragment de son livre des Lois, nous les fait connaître : « Certains législateurs veulent que les ventes soient faites par un crieur public et qu'elles soient criées plusieurs jours à l'avance. D'autres exigent qu'elles aient lieu par devant un magistrat; ainsi Pittacos veut que ce soit par devant les rois et le Prytane. Il y en a qui prescrivent, que la vente soit affichée devant le lieu ou siège le magistrat, pendant soixante jours au moins comme à Athènes. Ailleurs encore, les ventes doivent être criées pendant cinq jours consécutifs, avant d'être confirmées, pour laisser aux intéressés le temps d'intervenir et de réclamer la propriété. On observe la même chose pour les dations d'hypothèque » (1).

Les premières ventes paraissent avoir eu une certaine publicité chez les peuples que nous venons de citer. Nous pouvons rapprocher les formalités qui les accompagnent de celles qui firent acquérir la propriété à Rome. Il nous faut pour cela rechercher : quelle était la nature de la propriété romaine et décrire les modes d'acquisition.

Organisation de la propriété romaine.

La loi des XII Tables ne connaît qu'une seule espèce de propriété : «Aut enim ex jure Quiritium unusquisque do

men of kindred, of neighbours, and of heirs and by delivery of gold and of water (Colebrooke, A digest of Hindu law, vol. II, 1801, p. 161, art. XXXIII.)

1. Theophraste. Traduit par M. Dareste dans la Revue de iégislation, année 1870.

minus erat, aut non intelligebatur dominus» dit Gaius (1). Pour avoir cette propriété, ce dominium, il faut être citoyen romain et pour qu'elle porte sur les immeubles il faut en outre qu'ils en soient susceptibles, c'est-à-dire qu'ils fassent partie du sol romain.

Cette propriété soumise à des restrictions si étroites ne peut être transférée que par des modes limités et soumis aux règles d'un formalisme sévère. Les fragments du Vatican nous apprennent que ces modes étaient, à l'époque des XII Tables, la mancipation et la cessio in jure.

La loi des XII Tables ne connaissait qu'une espèce de propriété, celle du droit civil. Mais Rome étendit bientôt sa domination sur les pays qui entouraient son territoire primitif. Ces pays devinrent la propriété de tous, l'ager publicus; ils furent peu à peu occupés et cultivés. Les détenteurs de l'ager n'eurent d'abord d'autre titre légal que leur occupation, d'autre droit qu'un droit précaire, mais qui cependant produisait à l'égard des tiers des effets légaux équivalents à ceux que donne le droit de propriété, puisque les détenteurs percevaient les fruits, excluaient et transmettaient (2). Bientôt, les principes d'équité triomphèrent du droit strict primitif. Pour éviter des luttes continuelles, pour terminer les procès; cet état de fait, cette détention de l'ager publicus dut être reconnue, sanctionnée. On organisa à côté du droit civil si rigoureux un droit d'équité plus tolérant, pour régler les transmissions et garantir la jouissance de ce domaine nouveau. Ces innovations furent faites par le préteur. La jurisprudence

1. Gaius, Gaius 6 II. § 40.
(2) Giraud, Le droit de propriété.

prétorienne violait le droit positif, elle fut cependant observée avec fidélité parce qu'elle était équitable et qu'elle répondait aux besoins de la pratique en consacrant le droit du possesseur de l'ager publicus. Ce ne fut pas seulement en cette matière que l'influence du préteur se fit sentir.

Dans la première période du droit, la propriété n'avait qu'un caractère unique, celui de domaine quiritaire. Pour obtenir ce caractère, elle devait porter sur un fonds romain et avoir été acquise par un mode d'aliénation et de transmission du droit civil, modes que seul le citoyen romain pouvait employer. Mais il pouvait arriver que la chose fut simplement livrée et non mancipée. Le préteur s'empressa d'établir à côté du dominium une autre véritable propriété qui mérite d'être appelée propriété prétorienne, à laquelle il ne donna pas de nom spécial pour ne pas paraître entrer en lutte avec le droit civil, et qu'il se contenta de désigner par une périphrase: «in bonis habere». Cette propriété fut peu à peu protégée et devint l'égale du dominium.

En dehors de cette distinction entre l'in bonis et le dominium, il s'en était établi une autre; toutes les choses immobilières, mobilières ou incorporelles, étaient comprises sous la division antique des res mancipi aut nec mancipi, d'après Ulpien: « Omnes res aut mancipi sunt, aut nec mancipi (1). Les res mancipi sont celles qui ont paru précieuses aux premiers Romains; il est difficile d'en donner une énumération exacte, mais il est certain que

(1) Ulp. Rég., XIX, 1.

le sol romain était res mancipi, les autres terres situées hors des étroites limites de l'ager romanus étaient res nec mancipi.

Cette distinction des res mancipi et nec mancipi a pour nous une grande importance: les res mancipi sont celles dont la propriété est transférée d'un citoyen à un autre par la mancipation; les res nec mancipi, celles dont la propriété est transférée par la simple tradition. La cessio in jure introduite après la loi des XII Tables était applicable tout à la fois aux res mancipi et aux res nec mancipi. Nous étudierons les effets que produisait la tradition d'une res mancipi. Selon qu'une chose rentrait dans telle ou telle catégorie, le mode qui servait à l'acquérir était différent; nous chercherons à déterminer quels avantages des modes d'acquisition offraient pour la protection du croit des tiers.

CHAPITRE II

DES MODES D'ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ.

On trouve dans le droit des XII Tables six moyens d'acquérir ou d'aliéner la propriété à titre singulier. Ces six modes sont rappelés dans un précieux fragment d'Ulpien; ce sont: «< la mancipation, la tradition, l'usucapion, la cessio in jure, l'adjudication, la loi » (1). Tous, nous l'avons vu, ne s'appliquaient pas aux mêmes choses; de plus, quelques-uns, employés en droit primitif, disparurent peu à peu. Les uns appartenaient au droit civil, les autres au droit des gens.

SECTION I.

MODES DU DROIT CIVIL.

I. Mancipation.

Nous constatons l'existence de ce mode dans la loi des XII Tables, mais il remontait certainement beaucoup plus haut; il porte l'empreinte d'un droit matériel et symbolique, qui devait exister dès l'origine de Rome.

Il serait difficile de dire à quelles formalités ce mode avait été d'abord soumis; il est très probable cependant

(1) Nous étudierons peu ce mode d'acquisition, l'hérédité et les lois agraires n'entrent pas dans notre sujet.

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