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qu'il voulsist venir devers luy pour aucunes suspeczons et ymaginacions qu'il avoit sur monseigneur de Laval sans cause. Et vint monseigneur le connestable devers lui au chasteau d'Auray, et fist incontinent l'apointement. Puis s'en revint à Paris et y sejourna par ung temps.

Après, le Roy de Cecille1 lui fist prier qu'il voulsist aller devers monseigneur de Bourgoingne pour sa delivrance; aussi avoit-il charge de par le Roy de ce faire, et il le fist de bon cuer, car ilz estoient freres d'armes; et tira devers monseigneur de Bourgoigne à Lisle, et y fut longtemps. Puis s'en vint à Paris; et quant il fut à Senlis, il sceut que les Angloys avoient prins Pontaise d'eschelle sur monseigneur de l'Isle Adan, et fut le mardi gras2, et en estoit le dit seigneur de l'Isle Adan capitaine, et y estoit monseigneur de Varanbont et beaucoup de gens de bien. Et croyés que mon dit seigneur fut bien desplaisant; et les Angloys scavoient bien sa venue, et le guetoient en chemin, et s'en vint par devers Ligny sur Marne3. Et incontinent

1. S, fol. 79 vo, ligne 6 : « Puis s'en revint à Paris et y sejourna partye de l'hiver et esté apprés le Roy de Sicile... » On trouve une variante toute différente dans les mss. C, fol. 91 v°, et B, fol. 26 r°, ligne 9: « Puis s'en revint à Paris et y sejourna partie de l'esté et l'yver après... » Sur les négociations relatives à la delivrance du Roi de Sicile, voir ci-dessus, p. 125, note 1.

2. Ou le 12 février 1437.

3. S, fol. 79 v°, avant-dernière ligne : « Et les Angloys savoyent bien sa venue et le garedoyent en chemi[n], et s'en vint devers Laigny sur Mayne. » On trouve dans C, fol. 92 ro, ligne 3, et B, fol. 26 r°, 4o ligne avant la fin, une variante qui fait bien ressortir l'étroite parenté de ces deux textes; voici la leçon de C: « Et les Anglois savoient bien sa venue et le gardoient au chemin, et le gardoient par devers Ligné sur Marne. »

qu'il fut venu il reconforta ceulx de Paris qui murmuroient fort, et mist bonne garnison à Saint Denis, tant que tous furent très contens. En ce temps missire Guillaume Chambrelan1, et la garnison de Meaux prindrent Orville? par les gens du Galays d'Aunay qui les traïrent et eschappa le dit Galays3. Et puis missire Guillaume Chambrelan enmena madamme d'Orville et troys ou quatre de ses femmes, et la tint prinsonniere, et fut forcée une de ses femmes; et mist la dicte dame à finance, à xшr escuz; ne ne la voult rendre pour rescripcion du gouvernant ne des dames d'Angleterre. Et celui yver se passa sans aultre chose faire, excepté que pluseurs entreprinses se firent sur

1. Les mss. S, fol. 80 ro, B, fol. 26 v°, et C, fol. 92 ro, présentent une variante; on lit dans le premier : « Et mist bonne garnison à Sainct-Denys; et ainsy se passa celluy yver, excepté que messire Guillaume Chambrelan... » ; dans le second et dans le troisième « Et mist bonne garnison à Sainct Denys, et ainsi se passa celuy hyver, excepté que missire Jean Chambellain... » Guillaume Chambrelain, Anglais, qui succéda vers 1443 à Guillaume Corwen comme capitaine de Gournay et de Gerberoy. (Bibl. nat., ms. Fontanieu 118, au 2 mars 1442; cf. ci-dessus, p. 93, note 2.)

2. Orville, comm. de Louvres, Seine-et-Oise, arr. de Pontoise, cant. de Luzarches.

3. Jean d'Aunoy, dit Le Galois. Voir sur ce personnage une note de M. Tuetey, dans le Journal d'un bourgeois de Paris (p. 332, no 2). Nous pouvons ajouter aux renseignements donnés par M. Tuetey que Le Galois perdit un procès engagé entre lui et Jean de Ploisy; il fut condamné aux dépens et dut payer à ce dernier des dommages et intérêts, dont les commissaires du Parlement furent chargés, le mercredi 4 février 1438, de fixer le montant. (Archives nat., Xia 1482, fol. 61 v.)

4. Les deux lignes qui suivent, jusqu'à « pluseurs entreprinses, >> manquent dans les éditions, mais se retrouvent dans S, fol. 80 ro, C, fol. 92 ro, et B, fol. 26 ro. (Cf. édit. de Th. Godefroy, p. 99; Buchon, p. 3871.)

Pontaise et sur Orville, qui ne vindrent à nul effect. En la fin les Angloys eurent argent de ceulx de Paris, et fut Orville abatue et demolie.

CHAPITRE LXXII.

Comment le damiseau de Commercy desconfist pluseurs des gens de monseigneur le connestable, et comment le siege fut mis à Meaux.

L'an mil CCCC [trante et neuf]1, noz gens d'armes estoient allez vivre en Champaigne pour ce qu'ilz n'estoient point poyez, les uns o le Sangler d'Ardaine pour assieger Chavancy, c'est assavoir: missire Jehan de Malestroit, missire Geoffroy de Couvran, lesquelz avoient belle compaignie. Et Geffroy Morillon, Alain Giron et Pierres Daugi estoient es marches de Barroys; et le damiseau de Commercy les vint trouver en ung logeis sans guet, et les desconfist et tua la pluspart et fist tuer.

En celuy an3 mesmes monseigneur le connestable assembla gens pour faire le gast à Meaux, et y alla en

1. Le ms. N, fol. 41 ro, donne: « L'an mil CCCC quarante,» leçon reproduite par Th. Godefroy (édit. 1622, p. 99; Buchon, p. 387'). Nous restituons la date véritable d'après les mss. S, fol. 80 vo, C, fol. 92 ro, B, fol. 26 vo. On trouve dans ce dernier ms. une singulière variante: « L'an mil quatre cens trante neuf nos gens d'armes estoient huict cens en campagne, pour ce que ilz n'estoient poinct payez. La variante incompréhensible fournie par le ms. B dérive sans doute d'un texte où le mot « vivre » était écrit, comme dans le ms. C, avec un e suscrit, abréviation que le copiste de B a traduite par « huict cens »>.

2. Chauvency-le-Château, Meuse, cant. de Montmédy; près de cette commune et dans le même canton se trouve ChauvencySaint-Hubert.

3. C'est-à-dire en 1439. Voir sur le siège de Meaux et le récit

personne; et desiroit sur toutes choses que le Roy lui baillast gens et artillerie pour mettre le siege au dit lieu de Meaux. Et avoit envoyé de par luy et de par ceulx de Paris devers le Roy luy supplier que il y voulsist pourveoir, ou que la bonne ville de Paris et tout le païs auroit trop à souffrir. Et assés tost après le Roy lui envoya missire Ouachelin de la Tour1 et Olivier Fretart qui lui vindrent dire que le Roy vouloit qu'il meist le siege à Meaux, et mandoit aux capitaines qu'ilz tirassent à Paris devers monseigneur. Et les desus nommez venoient pour faire les monstres; et croy que ce fut une des grans joyes que je lui veisse oncques avoir. Et aussitost se partit pour aller à Courbail, où les capitaines se rendirent, et misdrent jour de se rendre à monseigneur entre Paris et Meaux. Et se partit mon dit seigneur de Paris luy et les gens de sa maison, entre lesquelz estoient monseigneur de Chasteillon, monseigneur de Rostrelen, et monseigneur de Trousy 2 et les autres

de Gruel notre Étude critique sur la Valeur historique de la chronique de Richemont, p. 54-56.

1. S, fol. 80 v° : « Messire Ouachelin de la Tour; » B, fol. 27 ro, et C, fol. 92 v: « Missire Mathelin de la Tour. » Les deux leçons sont également fautives; il s'agit de Vanchelin de la Tour, båtard de la maison de Luxembourg, bailli de Vitry, conseiller et chambellan du Roi. Il se distingua au siège de Montereau en se mettant en septembre 1437 à la tête des hommes d'armes envoyés par la ville de Metz au secours de l'armée royale. Fait prisonnier en 1449 par les gens du comte de Vaudemont et emmené à Joinville-sur-Marne, il fut délivré quelque temps après, grâce à l'intervention du Roi de France. (Beaucourt, Hist. de Charles VII, II, 432; Chronique du doyen de Saint-Thiebaut de Metz, dans D. Calmet, 1728, II, Preuves, p. 226 et 236; Bibl. nat., Cabinet des titres, 685, fol. 41 ro, 57 ro.)

2. Sic dans S, fol. 81 ro, C, fol. 27 v°. Th. Godefroy (édit. 1622,

chevaliers et escuiers, et missire Ambroys de Loré, prevost de Paris; et alla loger à Chaultconin1. Et là se rendirent La Hyre et Floquet, Chapelle, missire Denis de Chaillé et le commandeur de Giresme et Courbanton. Et environ le xx jour de juillet vint loger mon dit seigneur devant la ville en une vigne, et mist ses gens en troys parties. Il envoya monseigneur de Rostrelen et le bastard Chapelle et autres loger en l'abbaye de Saint Faron; et envoya La Hyre et Floquet loger es Cordeliers; et deux jours après, envoya missire Denis de Chaillé et Courbanton, Micheau Durant et Denis Laurougle du cousté devers Brie, faire une bastille; et puis en fist une là où il estoit1. Puis fist faire des aproches et fist asseoir l'artillerie, et fist

p. 100) donne l'orthographe exacte « de Troissy ». (Cf. sur ce personnage ci-dessus, p. 64, note 3.) Pourquoi Buchon imprimet-il « de Croissy » (p. 387', vers la fin)?

1. Chauconin, Seine-et-Marne, cant. de Meaux.

2. Robert de Floques, dit Floquet, capitaine d'Amiens pour le Roi de France, ravagea en 1445 dans le Rethélois et le Luxembourg les possessions du duc de Bourgogne. Dans un acte du 3 octobre 1450, il est qualifié « escuier d'escuierie » de Charles VII et le sert en Poitou, et de 1442 au 3 avril 1451 il porte le titre de bailli d'Évreux; enfin nous le trouvons en mars 1454 mentionné comme capitaine de dix lances. (Archives de la Côted'Or, B 11882, no 2, très longue pièce en papier; Bibl. nat., ms. fr. 25711, pièce 231; ms. fr. 25712, pièces 245, 270; Cabinet des titres, 685, fol. 84 v°, 100 ro. Voir aussi sur ce personnage Les Écorcheurs en Bourgogne, par M. J. de Fréminville.)

3. Denis de Chailly (cf. ci-dessus, p. 131, note 1).

4. Le connétable, venant de Chauconin, se logea sans aucun doute à l'ouest ou au nord-ouest de Meaux, Rostrenen et le bâtard Chapelle au nord, La Hire et Floquet au nord-est, Denis de Chailly et ses compagnons vers le sud-est. L'ile du Marché de Meaux, située au sud de la ville, restait donc libre de communiquer avec le dehors.

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