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reçut l'ordre de faire immédiatement connaître les intentions du gouvernement autrichien à cet égard.

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En réponse à la dépêche de Votre Excellence, en date du 25 dernier, relatant l'argument dont s'est servi le Baron de Wessenberg que les Lombards ont toujours été mécontents, quels que fussent les maîtres qui les ont gouvernés et que, sous les Français, ils ont exprimé autant de mécontentement que sous les Autrichiens et de la même manière, je donne instruction à Votre Excellence, si l'argument était répété, d'observer que cette assertion, qui est parfaitement vraie, parle fortement en faveur de l'arrangement proposé par le gouvernement de Sa Majesté, savoir que la Lombardie soit incorporée au Piémont et fasse ainsi partie d'un État italien indépendant, au lieu d'être une province soumise à une puissance étrangère. En effet, les Français ont gouverné l'Italie d'une façon beaucoup plus libérale que les Autrichiens ne l'ont fait et d'une manière bien plus calculée pour réconcilier les Lombards avec le joug étranger. Les sentiments des Lombards étaient consultés, un grand nombre d'entre eux ayant été appelés à des fonctions publiques; de grosses sommes d'argent ont été dépensées par les Français pour des travaux d'utilité publique ou d'embellissements, et aucune contribution n'a été levée en Lombardie pour être envoyée en France. Si donc, sous un gouvernement qui avait pris tant de peines pour se concilier les Lombards, le poids amer d'un joug étranger pesait si douloureusement sur eux, au point de les rendre mécontents d'un état de choses qui, sous beaucoup de rapports, valait beaucoup mieux que leur condition actuelle, comment le gouvernement autrichien peut-il espérer que les nouvelles institutions, qu'il a pris, envers l'Angleterre et la France, l'engagement d'accorder aux Lombards

feront disparaître un mécontentement que les Autrichiens euxmêmes reconnaissent fondé, non pas seulement sur des griefs pratiques, mais sur une répugnance enracinée et invincible pour la domination d'un pouvoir étranger.

L'exemple des Belges offre un cas parfaitement identique. Sous les Espagnols, sous les Autrichiens, sous les Français et sous les Hollandais, les Belges étaient dans un état d'agitation et de mécontentement continuels. Du jour où ils ont acquis leur indépendance et un gouvernement national, leur mécontentement s'est graduellement et progressivement apaisé, et, aujourd'hui, lorsque le reste du continent est bouleversé, la Belgique demeure tranquille.

Je suis, etc.

Signé Palmerston.

3-10 décembre 1848.

Correspondance échangée entre le général Cavaignac, chef du pouvoir exécutif de la République française et président du conseil des ministres à Paris, et le pape Pie IX, à Gaëte'.

Lettre du général Cavaignac à Sa Sainteté.

Très-saint-père,

Paris, le 3 décembre 1848.

J'adresse à Votre Sainteté, par l'un de mes aides de camp, cette dépêche et celle ci-jointe de M. l'archevêque de Nicée, votre nonce près le gouvernement de la République.

La nation française, profondément affligée des chagrins dont Votre Sainteté a été assaillie dans les derniers jours, a été aussi profondément touchée du sentiment de confiance paternelle qui portait Votre Sainteté à venir lui demander momentanément une hospitalité qu'elle sera heureuse et fière de vous assurer, et qu'elle saura rendre digne d'elle et de Votre Sainteté.

1. Nouveau Recueil général des traités, etc., par F. Murhard, t. XI, 1853; p. 236, 237.

Je vous écris donc pour qu'aucun sentiment d'inquiétude, aucune crainte sans fondement ne vienne se placer à côté de votre première résolution pour en détourner Votre Sainteté.

La République, dont l'existence est déjà consacrée par la volonté réfléchie, persévérante et souveraine de la nation française, verra avec orgueil Votre Sainteté donner au monde let spectacle de cette consécration toute religieuse que votre présence au milieu d'elle lui annonce, et qu'elle accueillera avec dignité et le respect religieux qui conviennent à cette grande et généreuse nation.

J'ai éprouvé le besoin de donner à Votre Sainteté cette assurance, et je fais des voeux pour qu'elle lui parvienne sans retard prolongé.

C'est dans ces sentiments, saint-père, que je suis votre fils respectueux.

Général Cavaignac.

Réponse du pape.

Monsieur le général,

Je vous ai adressé, par l'intermédiaire de M. de Corcelles, une lettre pour exprimer à la France mes sentiments paternels et mon extrême reconnaissance. Cette reconnaissance s'accroît de plus en plus, à la vue des nouvelles démarches que vous faites auprès de moi, monsieur le général, en votre propre nom et au nom de la France, en m'envoyant un de vos aides de camp, avec une lettre, pour m'offrir l'hospitalité sur une terre qui a été et qui est toujours fertile en esprits éminemment catholiques et dévoués au saint-siége. Et ici mon cœur éprouve le besoin de vous assurer de nouveau, que l'occasion favorable ne manquera pas de se présenter, où je pourrai répandre de ma propre main, sur la grande et généreuse famille française, les bénédictions apostoliques.

Que si la Providence m'a conduit par des voies surprenantes dans le lieu où je me trouve momentanément, sans la moindre préméditation ni le moindre concert, cela ne m'empêche point, même ici, de me prosterner devant Dieu, dont je suis le vicaire,

quoique indigne, le suppliant de faire descendre ses grâces et ses bénédictions sur vous et sur la France entière.

Donné à Gaëte, le 10 décembre 1848.

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Protestation du saint-père contre les actes insurrectionnels
accomplis à Rome.

Pius papa IX,

Élevé par la disposition divine et d'une manière presque merveilleuse, malgré notre indignité, au souverain pontificat, un de nos premiers soins a été de travailler à procurer l'union entre les sujets de l'État temporel de l'Église, de raffermir la paix entre les familles, de leur faire du bien de toutes façons, et de rendre l'État florissant et paisible, autant que cela dépendait de nous. Mais les bienfaits dont nous nous sommes efforcé de combler nos sujets, les institutions les plus larges par lesquelles nous avons condescendu à leurs désirs, bien loin, disons-le franchement, d'inspirer la gratitude et la reconnaissance que nous avions tout droit d'attendre, n'ont valu à notre cœur que déplaisirs et amertumes réitérés de la part des ingrats dont notre œil paternel voudrait voir le nombre diminuer toujours. Maintenant tout le monde sait de quelle manière on a répondu à nos bienfaits, quel abus on a fait de nos concessions, comment, en les dénaturant, en travestissant le sens de nos paroles, on a cherché à égarer la multitude, de sorte que, de ces bienfaits mêmes et de ces institutions, certains hommes se sont fait une arme pour les plus violents excès contre notre autorité souveraine et contre les droits temporels du saint-siége.

Notre cœur se refuse à rappeler en détail les derniers événements, à partir du 15 novembre, jour où un ministre, qui avait notre confiance, a été barbarement égorgé en plein midi par la main d'un assassin, qu'a applaudi avec une barbarie encore plus grande une troupe de forcenés, ennemis de Dieu et des hom

mes, de l'Église et de toute institution politique honnête. Ce premier crime a ouvert la série des crimes commis le jour suivant avec une sacrilége impudence. Ils ont déjà encouru l'exécration de tout ce qu'il y a d'âmes honnêtes dans notre État, en Italie, en Europe; ils encourront l'exécration des autres parties. du monde ; c'est pourquoi nous pouvons épargner à notre cœur l'immense douleur de les raconter ici. Nous avons été contraint de nous soustraire du lieu où ils ont été commis, de ce lieu où la violence nous empêchait d'y porter remède, réduit que nous étions à pleurer avec les gens de bien, à déplorer avec eux de si tristes événements et l'impuissance plus affligeante encore de tout acte de justice contre les auteurs de ces crimes abominables. La Providence nous a conduit dans cette ville de Gaëte, où, nous trouvant dans notre pleine liberté, nous avons, contre les violences et attentats susdits, renouvelé solennellement les protestations que nous avions faites à Rome même, dès le premier moment, en présence des représentants accrédités auprès de nous des cours de l'Europe et des autres nations lointaines. Par le même acte, sans déroger en rien aux institutions par nous créées, nous avons eu soin de donner temporairement à nos États une représentation gouvernementale légitime, afin que, dans la capitale et dans tout l'État, il fût pourvu au cours régulier et ordinaire des affaires publiques, ainsi qu'à la protection des personnes et des propriétés de nos sujets. Par nous, a été en outre prorogée la session du Haut Conseil et du Conseil des députés, qui récemment avaient été appelés à reprendre leurs séances interrompues. Mais ces déterminations de notre autorité, loin de faire rentrer dans la voie du devoir les perturbateurs et les auteurs des violences sacriléges que nous venons de rappeler, les ont poussés à de plus grands attentats : car, s'arrogeant ces droits de souveraineté qui n'appartiennent qu'à nous seul, ils ont, au moyen des deux Conseils, institué dans la capitale une représentation gouvernementale illégitime, sous le titre de junte provisoire et suprême d'État, ce qu'ils ont publié par acte du 12 de ce mois. Les devoirs de notre souveraineté, auxquels nous ne pouvons manquer, les serments solennels par lesquels nous avons promis, en présence du Seigneur, de conserver le patrimoine du saint-siége et de le transmettre dans son intégrité à

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