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ou s'ils préfèrent l'indépendance absolue, et, dans ce cas, quel serait le dédommagement qu'ils offriraient à l'Autriche pour le sacrifice des droits que les traités les plus solennels lui ont assurés.

Il ne faut pas perdre de vue la réflexion très-importante que cette votation des communes se ferait non plus sous l'impulsion de la haine, mais sous celle de la reconnaissance; car l'homme le plus acharné contre l'Autriche ne saurait méconnaître la noble et magnanime tendance de la neutralité permanente.

Du moment où le principe de la nationalité serait mis à couvert, le souvenir du bien-être matériel dont le royaume Lombard-Vénitien a joui sous la domination de l'Autriche se réveillerait avec force, et les deux grands mobiles qui, quoique opposés en apparence, se combinent de la manière la plus extraordinaire dans toutes les actions des Italiens, c'est-à-dire l'imagination et le calcul, se réuniraient pour affirmer le triomphe pacifique de l'Autriche, du moins dans les provinces vénitiennes. En proposant cette modalité, le gouvernement autrichien aurait donné une preuve de son respect pour les droits des peuples, qui ne pourrait que lui attirer l'approbation de toute l'Europe, et si, comme il y a tout lieu de l'espérer, la votation exprimait le vœu de rester sous la souveraineté de l'Autriche, ses droits auraient reçu une sanction qui les rendrait à jamais inviolables et sacrés. Il reste maintenant à examiner sous toutes les faces, la question de la neutralité stricte de la Confédération italienne.

Par rapport à l'Europe.

L'idée de la neutralité aurait pu être inexécutable aussi longtemps que deux systèmes différents divisaient l'Europe, alors l'Italie pouvait ajouter un grand poids dans la balance et jouer un rôle important dans la lutte entre les idées constitutionnelles et les gouvernements absolus; cette importance est prouvée par des efforts qu'on a faits des deux côtés pour s'assurer de la prépondérance en Italie, efforts qui ont produit les dissensions et les troubles qui ont à différentes époques détruit la tranquillité de ce pays; mais maintenant que toutes les nations européen

nes, à l'exception près des Russes et des Turcs, sont réunis sous le même drapeau, et qu'il ne peut plus y avoir de guerre de principes, la neutralité de l'Italie deviendrait le gage le plus assuré de la paix européenne, et serait en même temps le plus bel hommage rendu à l'Europe, aux progrès de la civilisation, en préservant à jamais du fléau de la guerre ce jardin de l'Europe, où tous les êtres souffrants au moral comme au physique, cherchent le soulagement de leurs maux dans les douceurs du climat, les charmes d'un séjour tranquille et les nobles jouissances que les beaux-arts prodiguent dans ce pays favorisé du ciel.

Je suis donc convaincu que cette idée serait accueillie avec la plus grande faveur en Angleterre et en Allemagne, où tant de cœurs généreux battent pour la cause italienne; — elle pourrait plaire moins à la France, à laquelle elle enlèverait le théâtre habituel de ses guerres avec l'Allemagne; mais quels motifs plausibles la République française pourrait-elle alléguer pour combattre une idée qui assurerait le triomphe de cette paix, que le gouvernement actuel de la France assure être le but de tous ses efforts? La Russie, moins intéressée dans cette question que les autres puissances, voudrait-elle se charger de l'odieux que sa résistance jetterait sur sa politique? Je crois donc que par rapport à l'Europe, l'exécution de cette idée ne montrerait pas de grandes difficultés.

Par rapport à l'Italie.

L'Italie, depuis la chute de l'empire romain, n'a jamais eu la prétention d'être conquérante, et elle a presque toujours subi la destinée d'être conquise; mais quand même elle a pu échapper à cette destinée, celle d'être le théâtre des guerres entre les Espagnols et les Français, et eux et les Allemands, a périodiquement exposé le pays aux dévastations et aux maux de la guerre, sans qu'il en retirât jamais aucun avantage; il paraît donc impossible que l'idée d'un état de paix permanent ne soit adopté avec enthousiasme par la grande majorité des Italiens. Quels avantages une guerre quelconque pourrait-elle apporter au royaume de Naples, aux États du Pape, à la Toscane? Il n'y a que le Piémont qui puisse trouver quelque avantage au main

tien d'un état de choses qui promet à sa politique cauteleuse et perfide de vendre son alliance au plus offrant; mais comment ce gouvernement oserait-il se déclarer contre le vœu général de l'Italie, et trahir ainsi le honteux secret des motifs qui le font agir? De la part des gouvernements, il ne paraît qu'il puisse y avoir d'obstacles; il ne serait pas impossible que la jeunesse, échauffée par les divers événements, et désirant effacer la prévention défavorable au courage personnel des Italiens, s'opposât à l'exécution d'une idée qui mettrait des bornes à leur honneur belliqueux; mais outre que cette effervescence céderait à la conviction des immenses avantages que la patrie commune retirerait de cette combinaison, il suffirait de représenter aux plus opposés, que la neutralité de l'Italie n'empêcherait pas les individus de chercher dans les armées étrangères l'occasion de se distinguer, et que la neutralité de la Suisse n'a porté aucune atteinte à la réputation dont les Suisses ont joui en tout temps, d'être de braves et valeureux soldats. Il serait superflu de s'étendre sur les avantages incalculables que l'état de paix assurerait à l'Italie, qui pourrait développer toutes ses ressources matérielles et intellectuelles, et former un centre de civilisation dont l'influence pourrait être bienfaisante sur le midi de l'Europe.

Par rapport à l'Autriche.

La question de la neutralité ne préjudicie en rien les arrangements financiers et commerciaux que l'Autriche pourra prendre vis-à-vis du royaume Lombard -Vénitien; au contraire elle préparerait toutes les voies et aplanirait toutes les difficultés. D'ailleurs, quels sont les avantages que l'Autriche retire de sa possession italienne? Celui d'avoir ses frontières du Tyrol couvertes par la ligne de l'Adige, serait parfaitement obtenu par la neutralité, et on épargnerait les frais de maintien des forteresses qui défendent cette ligne.

L'Autriche perdrait un contingent de 30 000 hommes à peu près. Mais comme la possession disputée des provinces italiennes exigerait pour le moins une garnison de 70 000 hommes, que les événements actuels démontrent comme insuffisante;

l'Autriche se trouverait plus forte de 40 000 hommes, et dans tous les cas épargnerait les sommes qu'elle dépenserait à maintenir cette force sur pied. Dans la pire des hypothèses, c'est-àdire, si les provinces italiennes déclaraient dans la votation proposée, qu'elles désirent une indépendance absolue, l'Autriche pourrait obtenir des indemnisations financières et commerciales beaucoup plus importantes sous l'influence de l'idée de la neutralité; car un pays n'étant plus dans la nécessité d'entretenir ou de payer des auxiliaires; ayant de plus, l'immense perspective d'une paix permanente, s'ouvrirait bien plus facilement à des sacrifices qui délivreraient l'Autriche d'une partie de ses dettes, et à des concessions qui assureraient à ses manufactures un débouché important, et à son commerce des facilités qui le rendraient florissant. Toute la politique de l'Autriche deviendrait moins compliquée; elle pourrait tourner toute son attention sur les questions vitales qui doivent s'agiter en Allemagne et dans l'Orient. Est-il nécessaire de fixer l'attention d'un homme d'État sur l'influence qu'une pareille solution de la question italienne exercerait dans ce moment sur les décisions de l'Allemagne et sur l'esprit des Hongrois ?

Les bornes d'un mémoire ne permettent pas de donner à cette idée tous les développements nécessaires, mais je la crois éminemment pratique, et je suis prêt à répondre à toutes les objections et à discuter toutes les modifications; heureux si je puis contribuer au bien-être de l'Autriche et à la pacification de l'Italie.

*** à lord Ponsonby.

Vienne, 12 mai 1848.

Monsieur l'ambassadeur,

Le Mémoire que j'ai eu l'honneur de vous communiquer a été discuté hier soir dans le conseil des ministres on m'a assuré que le résultat de cette discussion a été assez favorable, et que je serai invité sous peu à discuter verbalement ce projet. Telle est maintenant la position de cette affaire; je ne négligerai rien pour la pousser vivement, et j'espère que le gouvernement anglais recevra bientôt la demande de sa médiation.

Je me suis aperçu, en relisant la minute de mon Mémoire, qu'il s'y était glissé une faute qui dénaturait le sens : J'ai écrit qu'on devait proposer aux provinces italiennes de faire partie de la confédération sous la suzeraineté de l'Autriche, mais c'est souveraineté que j'ai voulu écrire; l'idée de suzeraineté serait trop vague, et d'ailleurs n'obtiendrait pas l'assentiment du ministre.

Veuillez, M. l'ambassadeur, etc.

23 et 24 mai 1848.

Dépêches du baron Hummelauer au Vicomte Palmerston proposant une base pour l'arrangement des affaires de l'Italie.

I

Londres, ce 23 mai 1848.

Milord,

Mon gouvernement m'a chargé de mettre sous vos yeux les éléments qui nous paraissent susceptibles d'entrer dans les bases de l'intervention amicale que nous demandons au gouvernement de S. M. la reine.

Le royaume Lombardo-Vénitien continuerait à rester sous la souveraineté de l'empereur.

Il recevrait une administration séparée de celle du reste de l'empire, entièrement nationale, et dont les bases seraient combinées par les représentants mêmes du royaume sans aucune intervention de la part du gouvernement impérial. Un ministère italien, établi dans le centre de la monarchie, entretiendrait les rapports entre le gouvernement impérial et l'administration du royaume Lombardo-Vénitien.

A la tête de l'administration séparée du royaume serait placé un archiduc vice-roi comme lieutenant de l'empereur. Les frais de l'administration du royaume seraient supportés par le

1. Correspondance relative aux affaires d'Italie, présentée au Parlement, t. II, p. 470.

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