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multueux, que la population romaine travaille à s'assurer les réformes dont elle a besoin. Les hommes considérables et éclairés, qui vivent au sein de cette population, s'appliquent à la diriger vers son but par les voies de l'ordre et par l'action du gouvernement. Le pape, de son côté, dans la grande œuvre de réforme intérieure qu'il a entreprise, déploie un profond sentiment de sa dignité comme chef de l'Église, de ses droits comme souverain et se montre également décidé à les maintenir en dedans et en dehors de ses États. Nous avons la confiance qu'il rencontrera auprès de tous les gouvernements européens le respect et l'appui qui lui sont dus; et le gouvernement du roi, pour son compte, s'imposera, en toute occasion, de le seconder selon le mode et dans la mesure qui s'accorderont avec les convenances dont le pape lui-même est le meilleur juge.

Les exemples si augustes du pape, la conduite si intelligente de ses sujets exerceront sans doute en Italie, sur les princes et sur les peuples une salutaire influence, et contribueront puissamment à contenir dans les limites du droit incontestable et du succès possible le mouvement qui s'y manifeste. C'est le seul moyen d'en assurer les bons résultats et de prévenir de grands malheurs et d'amères déceptions. La politique du gouvernement du roi agira constamment et partout dans ce même dessein.

18 septembre 1847.

M. Guizot à M. de Bourgoing à Turin.

Extrait.

Paris, le 18 septembre 1847.

Je vous sais gré de la franchise avec laquelle vous m'avez rendu compte des impressions qui se manifestent autour de vous sur notre attitude en Italie. Je m'étonne de ces impressions. Les populations italiennes rêvent pour leur patrie des changements qui ne pourraient s'accomplir que par le remaniement territorial et le bouleversement de l'ordre européen, c'est-à-dire

par la guerre et les révolutions. Les hommes, même modérés, n'osent pas combattre ces idées, tout en les regardant comme impraticables, et peut-être les caressent, eux-mêmes, au fond de leur cœur, avec une complaisance que leur raison désavoue, mais ne supprime pas. Plus d'une fois déjà l'Italie a compromis ses plus importants intérêts, même ses intérêts de progrès et de liberté, en plaçant ainsi ses espérances dans une conflagration européenne. Elle les compromettrait encore gravement en rentrant dans cette voie. Le gouvernement du roi se croirait coupable si, par ses démarches ou par ses paroles, il poussait l'Italie sur une telle pente, et il se fait un devoir de dire aux peuples comme aux gouvernements italiens, ce qu'il regarde pour eux comme utile ou dangereux, possible ou chimérique. C'est là ce qui détermine et la réserve de son langage et le silence qu'il garde quelquefois. Appliquez-vous, Monsieur, à éclairer sur ces vrais motifs de notre conduite tous ceux qui peuvent les méconnaître, et si vous ne réussissez pas à dissiper complétement une humeur qui prend sa source dans des illusions que nous ne voulons pas avoir le tort de flatter, puisque nous ne saurions nous y associer, ne leur laissez du moins aucun doute sur la sincérité et l'activité de notre politique dans la cause de l'indépendance des États italiens et des réformes régulières qui doivent assurer les progrès intérieurs sans compromettre leur sécurité.

Vienne, le 23 septembre 1847.

Dépêches du prince Metternich au comte de Dietrichstein, ambassadeur d'Autriche à Londres, au sujet du droit de l'Autriche de tenir garnison dans Ferrare 1.

I

Vienne le 23 septembre 1847.

J'ai reçu, le 10, votre rapport du 8 septembre.

Je m'étais flatté que les détails dans lesquels je suis entré

1. Correspondance relative aux affaires d'Italie, communiquée au parlement anglais, t. I, p. 148

dans mon expédition du 24 août, eussent placé tout ce qui se rattache à la question de Ferrare dans un jour suffisant pour mettre le cabinet britannique au-dessus de tout doute tant à l'égard de la question de droit qu'à celui de la forme.

Voyant, à mon grand regret, qu'il en a été autrement, je me reconnais le devoir de revenir à cet objet. Je prendrai ainsi en sous-œuvre l'exposé du 24 août, et je suivrai à cet égard l'ordre dans lequel Votre Excellence m'a rendu compte des explications où le principal secrétaire d'État est entré dans l'entretien qu'elle a eu avec lui.

Lord Palmerston vous a témoigné n'avoir point fixé son opinion sur la valeur de l'interprétation qui attribue à l'Autriche le droit d'étendre l'occupation de Ferrare en dehors de la citadelle de cette place.

Notre droit à cet égard ne saurait être mis en doute et cela vu:

1° Que l'article CIII de l'acte du congrès de Vienne sur lequel repose le droit de l'Autriche de tenir garnison dans Ferrare, parle de la place et non de la citadelle de Ferrare;

2° Parce qu'en 1815 la citadelle de Ferrare, anciennement existante, se trouvait avoir été démolie par les Français dans le cours des guerres de la Révolution, et que celle qui existe aujourd'hui n'avait été reconstruite aux frais de l'empereur que pendant les années qui ont suivi la paix générale. Le congrès n'a évidemment point pu assigner à l'Autriche, pour y tenir garnison, un lieu qui n'existait pas; et les usages diplomatiques reconnaissent la valeur des termes. Si le droit de l'Autriche de tenir garnison à Ferrare eût été restreint à une citadelle existante, ce n'est certainement pas le mot de place qui, au lieu de celui de citadelle, aurait été inséré dans l'article CIII de l'acte du congrès;

3° La preuve que la question, qui, récemment a été soulevée par la cour de Rome, ne trouve non-seulement pas d'appui dans les termes de l'article CIII de l'acte du congrès, mais que l'usage depuis l'année 1815 ne lui vient pas davantage en aide, vous sera fourni richement par les annexes.

Lord Palmerston vous a exprimé des regrets sur les formes acerbes et provoquantes qui auraient été observées lors de l'entrée du renfort envoyé à la garnison de Ferrare.

Le renfort a fait son entrée dans cette place, en observant l'ordre de marche présenté par les règlements du service militaire. Il est entré, en 1847, dans cette place, comme, depuis l'année 1815, la troupe impériale a toujours fait son entrée à Ferrare. Rien ne s'est passé qui n'ait eu lieu à bien des reprises dans le cours des dernières trente-deux années, et si des voix se sont élevées contre l'existence d'un incontestable droit, ce n'est pas dans ceux qui sont en possession du droit, ni dans les formes dont ils ont usé qu'il serait juste d'en chercher la cause.

Il serait superflu de vous charger de donner au principal secrétaire d'État l'assurance que l'empereur notre auguste maître tient à ne point déroger à sa qualité de zélé catholique, ni à celle de l'un des protecteurs et des défenseurs nés les plus puissants de l'Église. Plus Sa Majesté est décidée à satisfaire en toute occurrence aux devoirs que lui imposent ses obligations envers l'Église catholique, plus elle saura séparer ce qui entre dans ses devoirs de ce qui ne les touche pas. La question relative au droit de garnison dans les places de Ferrare et de Comacchio n'a rien de commun avec la religion; la question en est une de droit public, et c'est sur le terrain de ce droit que seul il est juste d'en chercher le point de départ et la solution.

Tirant sa source de l'acte du congrès de Vienne, cette question a au surplus une valeur qui diffère de celle qu'ont les transactions conclues entre deux États seuls. Des questions de ce dernier genre, si elles ne peuvent pas trouver leur solution moyennant une entente directe entre les parties intéressées, peuvent y arriver soit dans la voie d'une médiation, soit dans celle d'un arbitrage, réclamée l'une ou l'autre par ces parties. Il ne saurait en être de même d'un différend qui se serait élevé sur l'application de l'article CIII du congrès de Vienne. Dans ce cas, les parties contendantes ne pourraient avoir recours qu'à un appel fait aux signataires de cet acte, qui auraient à prononcer sur la valeur respective dudit article, et de la protestation romaine du 12 juin 1815, déposée par le congrès aux actes, et à déterminer l'interprétation qui doit être donnée aux termes de cet article.

Recevez, etc.

Signé Metternich.

II

Vienne, le 27 septembre 1847.

Je ne saurais mettre en doute qu'après avoir pesé les éclaircissements que j'ai mis à sa disposition, lord Palmerston ne convienne avec nous que le mot place employé dans l'article CIII de l'acte final du congrès de Vienne ne peut avoir d'autre signification que celle qui est conservée par le langage diplomatique et militaire de tous les temps.

S'il pouvait rester le moindre doute sur l'acceptation du mot place appliqué à la ville de Ferrare, ce doute ne tarderait pas à s'évanouir en considérant que dans l'article cité, le mot de place se réitère également à la ville de Comacchio qui n'a pas de citadelle du tout, et où il est dès lors évident qu'il ne peut signifier que l'ensemble de la ville et des ouvrages qui ont valu à cette ville la qualification de place.

Abstraction faite de la lettre de l'article CIII, il suffit d'en apprécier l'esprit avec impartialité pour se convaincre que l'interprétation restrictive que la cour de Rome voudrait y donner est dénuée de tout fondement solide. Il est clair, en effet, que le congrès de Vienne, en confiant à l'Autriche la garde permanente des places de Ferrare et de Comacchio a entendu prendre une mesure rentrant dans le système politique de l'Europe; de celui de la paix générale, de l'ordre et de la sûreté intérieure de l'Italie. Une vérité qui n'a pas besoin d'être démontrée, c'est que le congrès, s'il eût limité le droit de garnison de l'Autriche à la seule citadelle de Ferrare, aurait, au point de vue militaire, stipulé une véritable absurdité, puisque cette citadelle, outre qu'elle était alors en ruines, et qu'elle n'a été remise en état de service que par les soins et aux frais de l'Autriche, ne peut contenir qu'une poignée d'hommes, qui, à moins d'avoir à la fin le droit de service de la place entière, se trouveraient exposés à un état de blocus perpétuel.

Lord Palmerston n'a pas été exactement informé lorsqu'on lui a mandé que la garnison impériale de Ferrare, après avoir récemment reçu un renfort, avait étendu ses quartiers. Ceux qu'occupent aujourd'hui nos soldats ont été mis à leur disposi

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