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1831.

Mémorandum recommandant des réformes présentées au pape, en 1831, par les membres de la conférence assemblée à Rome.

I

Il paraît aux représentants des cinq puissances que, quant à l'État de l'Église, il s'agit, dans l'intérêt général de l'Europe, de deux points fondamentaux :

1° Que le gouvernement de cet État soit assis sur des bases solides par les améliorations méditées et annoncées de Sa Sainteté elle-même dès le commencement de son règne.

2° Que ces améliorations, lesquelles, selon l'expression de l'édit de Son Éminence Mgr le cardinal Bernetti, fondèrent une ère nouvelle pour les sujets de Sa Sainteté, soient par une garantie intérieure mise à l'abri des changements inhérents à la nature de tout gouvernement électif.

II

Pour atteindre ce but salutaire, ce qui, à cause de la position géographique et sociale de l'État de l'Église est d'un intérêt européen, il paraît indispensable que la déclaration organique de Sa Sainteté parte de deux principes vitaux:

1° De l'application des améliorations en question, non-seulement aux provinces où la révolution a éclaté, mais aussi à celles qui sont restées fidèles et à la capitale.

2° De l'admissibilité générale des laïques avec fonctions administratives et judiciaires.

III

Les améliorations mêmes paraissent devoir d'abord embrasser le système judiciaire et celui de l'administration municipale et provinciale.

A. Quant à l'ordre judiciaire, il paraît que l'exécution entière et le développement conséquent des promesses et principes du

Motu Proprio de 1816, présente les moyens les plus sûrs et efficaces de redresser des griefs assez généraux relatifs à cette partie si intéressante de l'organisation sociale.

B. Quant à l'administration locale, il paraît que le rétablissement et l'organisation générale de municipalités élues par la population, et la fondation des franchises municipales pour régler l'action de ces municipalités dans les intérêts locaux des communes, devrait être la base indispensable de toute amélioration administrative.

En second lieu, l'organisation de conseils provinciaux, soit d'un conseil administratif permanent, destiné à aider le gouverneur de la province dans l'exécution de ces fonctions avec des attributions convenables, soit d'une réunion plus nombreuse, prise surtout dans les seins des nouvelles municipalités et destinée à être consultée sur les intérêts les plus importants de la province, paraît extrêmement utile pour conduire à l'amélioration et simple fixation de l'administration provinciale, pour contrôler l'administration communale, pour répartir les impôts et éclairer le gouvernement sur les véritables besoins de la province.

IV

L'importance immense d'un état réglé de finances, et d'une telle administration de la dette publique, qui donnerait la garantie désirable pour le crédit financier du gouvernement, et contribuerait si essentiellement à augmenter ses ressources et assurer son indépendance, paraît rendre indispensable un établissement central dans la capitale, chargé comme cour suprême des comptes du contrôle de la comptabilité du service annuel dans chaque branche de l'administration civile et militaire, et de la surveillance de la dette publique avec des attributions correspondantes au but grand et salutaire qu'on se propose d'atteindre. Plus une telle institution portera le caractère d'indépendance et l'empreinte de l'union intime du gouvernement et du pays, plus elle répondra aux intentions bienfaisantes du souverain et à l'attente générale.

Il paraît que pour atteindre ce but, des personnes y devaient siéger, choisies par des conseils locaux, et formant avec des

conseillers du gouvernement une junte ou consulte administrative. Une telle junte formerait, ou non, partie d'un conseil d'Etat, dont les membres seraient nommés par le souverain parmi les notabilités de naissance, de fortune et de talent du pays.

Sans un ou plusieurs établissements centraux de cette nature, intimement liés aux notabilités d'un pays si riche d'éléments aristocratiques et conservateurs; il paraît que la nature d'un gouvernement électif ôterait nécessairement aux améliorations, qui formeront la gloire éternelle du Pontife régnant, cette stabilité, dont le besoin est généralement et puissamment senti, et le sera d'autant plus vivement que les bienfaits du Pontife seront grands et précieux.

Lettre de M. Rossi à M: Guizot1.

10 avril 1832.

Mon cher ami, je ne saurais vous dire tout le plaisir que m'a fait votre lettre, quoique déjà l'arrivée de votre beau discours sur les affaires extérieures de la France m'eût prouvé que vous ne m'aviez pas complétement oublié. J'ai cherché une occasion pour vous répondre; mais grâce au choléra, on revient de Paris, on n'y va pas.-Vous pensiez à moi, et vous ne vous trompiez pas en pensant que c'était de l'Italie que je m'occupais; c'est ma pensée, ma pensée de tous les jours; elle le sera tant que j'aurai un souffle de vie. J'ai compris votre système, comme vous avez compris mon chagrin. On ne saurait empêcher le malade qui a faim de se plaindre, lors même que le médecin est obligé d'être inexorable. Mais assez du passé. Vous me demandez quels sont mes rêves et mes espérances raisonnables. Laissons les rêves de côté. Tout le monde en fait; y croire c'est autre chose; les coucher sérieusement par écrit, c'est encore pis. Ils sont bons tout au plus pour passer une soirée au coin

1. Mémoires de M. Guizot, t. II, p. 446.

du feu quand on n'a rien de mieux à faire.-Mes espérances de bon sens sont plus faciles à dire. J'espérais que, tout en conservant la paix, la France exercerait sur certaines parties de la péninsule une intervention diplomatique, propre à préparer à ce malheureux pays un meilleur avenir, à cicatriser un grand nombre de plaies, à faire cesser beaucoup d'infortunes et de souffrances, et y assurer à la France elle-même une influence plus solide et plus profonde que celle de cent mille baïonnettes. J'espérais que, grâce à la France, il se formerait du moins en Italie quelques oasis où des hommes qui se respectent pussent vivre, et respirer, attendre sans trop d'impatience un avenir plus complet pour eux et pour leurs enfants. Les pays, où cela me paraissait possible, étaient plus particulièrement le Piémont, les États-Romains, et même le royaume de Naples. Mais ne parlons pas, ce serait trop long, de ce dernier. Laissez-moi vous dire quelques mots des deux autres. Quant au Piémont, mes espérances sont presque évanouies. J'ai par devers moi des preuves de fait qui ne me laissent guère de doute sur le système qui a prévalu dans ce pays-là : c'est le système jésuitique, antiitalien, anti-français, comme on voudra l'appeler. Si quelqu'un croit le contraire, il se paye de paroles. Encore une fois, j'ai làdessus des renseignements positifs. Le gouvernement de Piémont est de l'autre côté. Au surplus le pays entier le sait, le voit, le touche avec la main. Ce qu'on a eu l'air de faire, ce sont de pures simagrées dont il serait ridicule de parler. Maintenant comment cela est-il arrivé? n'a-t-on pas eu les moyens de l'empêcher? ou bien s'est-on abstenu par crainte de déplaire trop au gros voisin, de réveiller sa jalousie? Inutile de le dire. Ainsi les choses restant comme elles sont, les États sardes restent sous le coup d'une révolution future, Quand? comment? avec quel succès? Dieu le sait mais les conditions y sont, et leur énergie va crescendo. Aujourd'hui que le système français est mieux assis à l'extérieur et même à l'intérieur, veut-il, peut-il reprendre ce travail en sous-œuvre et essayer de faire modifier le système piémontais ? C'est à vous que je le demanderai. Mais puisque vous me demandez mes espérances, je vous dirai que je l'espère peu, très-heureux cependant si je me trompe. Car je suis, mon cher ami, tout aussi peu jacobin que vous; seule

ment vous avez le sang-froid d'un homme qui est arrivé; moi l'impatience d'un homme qui veut partir. Et malgré cela, c'est avec un profond chagrin que je vois, grâce aux obstacles croissants, se développer au delà des Alpes, des opinions que je ne professe pas. C'est encore un fait bien positif, et croyez-moi, plus étendu qu'on ne pourrait le penser. Je connais le pays. Je disais ens eptembre 1830, à Paris, à MM.... et plus tard ici à B.... que je ne croyais pas qu'il se passerait six mois sans quelque éclat en Italie. Je ne me trompais point, et certes je n'étais point dans le secret, si secret il y avait. Malgré ce qu'il y avait de sérieux dans certaines assurances, ce n'est pas moi qui aurais donné le conseil; je ne suis pas assez enfant.

< Venons aux États-Romains. Je n'ai pas approuvé la première révolution, quoique légitime, très-légitime dans son principe. Une fois opérée, j'aurais voulu la diriger autrement. Mais que peut un homme à deux cents lieues de distance? Mettons de côté le passé. Je vous dirai aussi, comme preuve de ma franchise, que le ton de la première intervention diplomatique de la France me déplut souverainement. Aujourd'hui, je vois les choses autrement. Je retrouve la France, sa dignité, son poids, ses principes. Je ne me fais point d'illusion sur ce qui vous est possible. Je crois en entrevoir la mesure, et cependant je ne suis nullement au nombre de ceux qui ne vous savent pas gré de votre intervention, moins encore de ceux qui la maudissent. Ainsi de ce côté-là, au lieu de s'affaiblir, mes espérances se sont confirmées. Qu'est-ce que j'espère?

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J'espère qu'on est bien convaincu que la révolution, dans le sens d'une profonde incompatibilité entre le système actuel du gouvernement romain et la population, a pénétré jusque dans les entrailles du pays. Toute opinion contraire serait une pure illusion. Qu'on évacue demain en laissant les choses à peu près comme elles sont, et on le verra après-demain. Mais la chose ne se bornera plus au territoire des Légations et des Marches.

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J'espère qu'en partant de là on insistera fortement sur des changements sincèrement proportionnés au besoin.

J'espère qu'au nombre de ces changements il y aura une administration générale, sinon exclusivement, du moins essen

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