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24 juillet 1821.

Convention conclue entre les plénipotentiaires de Sa Majesté l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse et l'empereur de toutes les Russies d'une part et de Sa Majesté le roi de Sardaigne d'autre part, pour l'occupation d'une ligne militaire dans les États de Sa Majesté Sarde, signée à Novare, le 24 juillet 1821 '.

Sa Majesté le roi de Sardaigne ayant, en conséquence des événements qui ont troublé pendant un court intervalle l'ordre public dans ses États, fait connaître aux cours alliées, que, toujours disposée à contribuer au maintien de la tranquillité générale, et à offrir à ses hauts et puissants alliés toutes les garanties qui peuvent l'assurer à l'Europe, elle désirait l'occupation d'une ligne militaire dans ses États par un corps d'armée. de troupes alliées;

Que, pénétrée profondément de la nécessité de cette occupation comme étant l'unique moyen de tranquilliser les individus bien intentionnés, de tenir en bride les perturbateurs et d'assurer l'Europe contre toutes les inquiétudes ultérieures, elle ne se sentait pas moins obligée de faire en sorte que cette occupation militaire eût lieu de la manière la moins onéreuse possible pour ses peuples, déjà assez chargés par une réorganisation dispendieuse;

Enfin que, mettant une confiance sans bornes dans chacun de ses hauts alliés, elle ne pouvait néanmoins s'empêcher de faire l'observation que, relativement à la situation géographique du royaume lombardo-vénitien, le but désiré pourrait être rempli par un corps d'armée autrichien peu considérable, et par conséquent à moins de frais, pour un temps déterminé, dont la durée devrait être réglée par une convention, ainsi que tout ce qui concerne le maintien de l'indépendance du royaume et de son gouvernement;

Leurs Majestés l'empereur d'Autriche, l'empereur de Russie et le roi de Prusse, ayant extrêmement à cœur de prouver à Sa

1. Martens, Nouveau Recueil, t. V, p. 658; Neumann, II, p. 640.

Majesté le roi de Sardaigne le vif et sincère intérêt qu'ils prennent à son auguste personne, au bien de sa monarchie, et à la prospérité de l'Europe, où cette monarchie occupe une place si importante, Leurs Majestés ont reçu cette communication avec les dispositions les plus amicales, et elles ont nommé sans délai des plénipotentiaires pour discuter, régler et signer, avec celui de Sa Majesté Sarde, les conditions d'une convention qui réponde à l'objet de leur sollicitude.

(L'Autriche a nommé M. le lieutenant général comte de Bubna et M. le baron François de Binder-Kriegelstein; la Russie, M. le comte Georges de Mocénigo; la Prusse, M. Petit-Pierre, son chargé d'affaires à Turin; la Sardaigne, M. le comte Victor de la Tour.)

I

La force du corps d'armée autrichien destiné à occuper, au nom et conformément aux engagements généraux des puissances alliées, une ligne militaire dans les États de Sa Majesté le roi de Sardaigne, doit monter à 12000 hommes, savoir : 8 bataillons d'infanterie de ligne, 1 escadron de hussards et 3 batteries d'artillerie.

Ce corps qui, sous le rapport de son organisation intérieure, dépend de l'armée autrichienne du nord d'Italie, dont il fait partie, est mis, comme corps auxiliaire, à la disposition de Sa Majesté le roi de Sardaigne. Le renouvellement de ce corps, soit en entier, soit en partie, relativement au nombre fixé, est réservé au général autrichien revêtu du commandement en chef de ce corps. Il formera, autant que possible, un corps entièrement séparé. Destiné exclusivement à maintenir, concurremment avec les troupes de Sa Majesté le roi de Sardaigne, la tranquillité intérieure du royaume, ce corps n'exercera absolument aucune juridiction sur la partie du pays qu'il occupera, et n'entravera d'aucune manière les fonctions des autorités civiles et militaires établies par le souverain; mais, au contraire, sur leur réquisition, il leur donnera une active assistance.

Dans le cas où des circonstances imprévues feraient désirer à Sa Majesté le roi de Sardaigne que ce corps fût renforcé, le commandant général en Lombardie est autorisé à le faire, sans de

mander préliminairement des ordres de sa cour. Cependant, il s'entend de soi-même que ce renfort ne resterait dans les États de Sa Majesté qu'aussi longtemps qu'elle le jugerait nécessaire, et que, pendant cet intervalle, il doit être pourvu à son entretien sur le même pied que cela a eu lieu pour le corps d'occupation.

II

Le corps auxiliaire autrichien occupera la ligne militaire suivante Stradella, Voghera, Tortone, Alexandrie, Valence, Casal et Verceil. Les lignes de communication entre ces différentes parties seront tracées par Pavie et Buffalora. Si cependant Sa Majesté le roi de Sardaigne jugeait à propos de transférer une partie de ce corps auxiliaire sur des points de son royaume situés hors de ces lignes, le général commandant autrichien se conformerait de suite aux intentions de Sa Majesté et prendrait les mesures nécessaires pour remplir le but qu'elle s'est proposé.

Le gouvernement sarde devant se charger de l'entretien de ce corps, il y pourvoira de la manière suivante :

III

Le logement, le chauffage, l'éclairage, la nourriture et les fourrages seront fournis en nature. On est convenu que le total des rations n'irait jamais au delà de 13 000 pour les hommes, et de 4000 pour les chevaux, et que ces rations seraient livrées d'après le tarif joint à la présente convention.

Quant à la solde, l'équipement, l'habillement et les autres articles accessoires, le gouvernement sarde couvrira les frais nécessaires à cet égard et une somme de 300 000 francs par mois, qui sera payable dans la première quinzaine de chaque mois, à compter du jour de la signature de cette

convention.

IV

Sa Majesté Impériale et Apostolique renonce à une indemnité pour les frais de mobilisation du corps de troupes auxiliaires envoyé à Sa Majesté le roi de Sardaigne; mais il sera nommé

de suite des commissaires autrichiens et sardes, pour procéder à la liquidation des frais d'entretien accumulés, depuis le jour de l'entrée de ce corps sur le territoire piémontais, jusqu'au jour de la signature de la présente convention. On prendra, pour base de ce travail, les mémoires dressés, à cet égard, conformément au règlement autrichien, et la force des corps sera calculée d'après son état effectif aux différentes époques. Lesdits commissaires s'accorderont, en même temps, sur les termes du payement de cet arriéré, qui doit néanmoins être acquitté dans l'intervalle de quatorze mois, à compter de la signature de la présente convention.

V

Toutes les lettres, qui concerneront le service intérieur des troupes et les rapports officiels avec les autorités sardes, et qui sont munies du sceau des bailliages, seront reçues aux postes ordinaires, et expédiées gratis. Les estafettes et les lettres particulières des militaires se payeront suivant le tarif ordinaire. Les courriers et les personnes qui voyagent pour le service militaire, sont obligés de payer exactement aux postes ce qui est dû pour les chevaux et les autres objets, fournis en même temps.

VI

Pour prévenir tous les abus qui pourraient avoir lieu au préjudice des règlements sur les douanes, les objets destinés à l'habillement et à l'équipement, ou autres besoins du corps auxiliaire autrichien, ne pourront être introduits qu'autant qu'ils seront accompagnés d'un certificat d'origine, et que l'introduction en aura été déclarée par les commandants des différents corps d'armée au général en chef autrichien, qui en donnera connaissance au gouvernement sarde, afin que celui-ci puisse de son côté donner à l'administration des douanes les ordres nécessaires à cet égard.

Les objets d'équipement et autres, destinés au corps auxiliaire autrichien, seront francs de droits d'entrée en produisant des certificats en bonne forme. Les militaires qui se rendent à leurs corps, ou qui reviennent du Piémont, sont exempts de

tous droits de douanes pour les objets destinés à leur usage personnel ou à celui des troupes.

VII

Les gouvernements autrichien et sarde nommeront des commissaires auprès des autorités militaires respectives, pour les difficultés qui pourraient naître sur des objets particuliers, pendant la durée de l'occupation militaire.

VIII

Les hautes parties contractantes, désirant avec une égale vivacité que l'occupation militaire ne se prolonge pas au delà du temps nécessaire pour la réorganisation du royaume de Sardaigne et l'affermissement de son gouvernement, on a résolu, provisoirement, que cette mesure durera jusqu'au mois de septembre 1822, époque à laquelle les souverains alliés, se réunissant à Florence, prendront en considération la situation du royaume, de concert avec S. M. Sarde, et, d'après un accord mutuel, se résoudront ou à prolonger ou à faire cesser l'occupation d'une ligne militaire par un corps de troupes auxiliaires.

IX

La présente convention sera ratifiée dans l'intervalle de trois mois, à compter du jour de la signature, ou plus tôt, si faire se peut.

En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention, et y ont apposé le cachet de leurs armes. Fait à Novare, le 24 juillet 1821.

Signé Le comte de Latour, le comte Bubna, le baron de
Binder, le comte Mocenigo, Petit-Pierre.

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