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termes, la légitimité n'est présumée que pour les enfants nés plus de 180 jours à compter de la célébration de ce mariage. De même, le délai, toujours très court, de l'action en désaveu, n'est pas identique dans toutes les législations cantonales, il va en général d'un mois à six mois'.

En Espagne, tout enfant né après les 180 jours qui suivent le mariage, et avant l'expiration des 300 jours qui suivent sa dissolution ou la séparation des conjoints, est réputé légitime, même si sa mère a contredit cette légitimité ou a encouru une condamnation pour adultère (C. civ. esp., art. 108 et 109). La présomption ainsi consacrée par le Code civil de 1889, à l'exemple de la législation antérieure, ne peut être combattue par aucune preuve autre que celle de l'impossibilité physique pour le mari de cohabiter avec sa femme dans les premiers 120 jours des 300 qui ont précédé la naissance de l'enfant.

Quant à l'enfant né dans les 180 premiers jours du mariage, il est présumé illégitime, à moins que le mari de sa mère n'ait connu la grossesse lors de la célébration du mariage, ou n'ait reconnu l'enfant, soit expressément, soit tacitement, par exemple en assistant à la rédaction de l'acte de naissance et en consentant à l'apposition de son nom sur cet acte (C. civ. esp. art. 110).

Enfin l'enfant né plus de 300 jours après la dissolution du mariage ou la séparation des époux est tenu pour légitime, tant que le mari de sa mère ne l'a pas désavoué; il appartient d'ailleurs à l'enfant, aussi bien qu'à la mère, de faire échouer cette action, en établissant la paternité du demandeur (C. civ. esp. art. 111).

C'est au mari seul que l'action en désaveu est ouverte en principe, et il a pour l'exercer un délai, qui varie de deux à trois ou à six mois, suivant qu'il réside au lieu où la

1 V. pour plus de détails le Rép. gén. alphab. du dr. français, vo Désaveu de paternité, nos 440 et s.; Huber, System und Geschichte des schweizerischen Privatrechts, Bâle, 1886, t. 1, p. 396 et s.

naissance a été inscrite sur les registres de l'état civil, dans une autre localité du royaume, ou en pays étranger, et dont le point de départ est précisément le jour de cette inscription (C. civ. esp. art. 113). Exceptionnellement, elle passe aux héritiers du mari, si l'enfant est posthume, ou si le mari, vivant lors de sa naissance, est décédé, étant encore dans les délais pour agir en désaveu, ou bien après avoir engagé l'instance (C. civ. esp. art. 112).

La preuve de la filiation légitime résulte, soit de l'acte de naissance porté sur les registres publics, soit de tout autre titre authentique, soit enfin du jugement qui a écarté l'action en désaveu (C. civ. esp. art. 115). La possession d'état supplée valablement à l'absence d'écrit (C. civ. esp. art. 116), et, à son défaut, tout moyen de preuve peut être invoqué, pourvu qu'il s'appuie sur un commencement de preuve par écrit émané des père et mère (C. civ. esp. art. 117) '.

Le Code civil italien ne s'écarte pas beaucoup de la loi française, en ce qui concerne la preuve de la filiation légitime (C. civ. ital. art. 159 et s.). Quelques différences doivent cependant être notées; elles sont relatives aux conditions d'exercice de l'action en désaveu. D'une part, l'impuissance physique manifeste est pour cette action. un fondement suffisant (C. civ. ital. art. 164), et il en est de même de l'adultère de la femme jointe au recel de l'enfant (C. civ. ital. art. 165); l'impossibilité morale de cohabitation, exigée en outre par notre législation, n'est pas nécessaire dans ce dernier cas. D'autre part, le délai de l'action en désaveu n'est pas identiquement le même. Le mari a deux mois pour l'introduire, lorsqu'il a été présent au lieu de l'accouchement, et ce délai est porté à trois mois à compter de son retour, s'il a été absent lors de la naissance, ou à compter de la découverte de la fraude, si la venue au

1 Ernest Lehr, Éléments de droit civil espagnol, t. II, n. 83 et s.; Glasson, loc. cit., p. 454.

monde de l'enfant lui a été cachée (C. civ. ital. art. 166).

C'est également dans le Code français que le législateur des Pays-Bas a puisé la plupart des règles qu'il pose en cette matière. Toutefois il n'a pas suivi ses indications sans réserve. Il proclame l'illégitimité de droit de l'enfant qui est né 300 jours après la dissolution du mariage (C. civ. néerlandais, art. 310); il autorise le désaveu, sauf preuve contraire, de l'enfant né 300 jours après que le jugement qui a prononcé la séparation de corps d'entre sa mère et son mari a acquis force de chose jugée; enfin il ouvre aux héritiers du mari, dans les cas où ils peuvent eux-mêmes agir en désaveu, un délai exceptionnel de six mois, s'ils se trouvaient hors du royaume, mais en Europe, lors de l'accouchement, un délai d'un an, si à ce moment ils étaient hors d'Europe (C. civ. néerl., art. 314).

La loi russe répute légitime tout enfant né pendant le mariage ou dans les 306 jours qui ont suivi sa dissolution (Svod, art. 119 et 125). L'enfant né avant le 180° jour, à partir de la célébration du mariage, peut être désavoué par le mari de sa mère, si ce dernier établit que, pendant la période légale de la conception, c'est-à-dire entre le 180° et le 306 jours en remontant depuis la naissance, la cohabitation lui a été matériellement impossible pour cause d'absence.

L'action en désaveu doit être intentée dans l'année de l'accouchement, lorsque le mari habitait à cette époque le sol russe, dans les deux ans, s'il se trouvait à l'étranger. De toute manière, si la femme a réussi à cacher pendant plus d'un an à son mari la naissance de l'enfant, le délai ne commence à courir que de l'instant où le mari a été régulièrement avisé de cette naissance (Svod, art. 129). Lorsque le mari est mort, étant encore en temps utile pour exercer son désaveu, et sans y avoir renoncé même tacitement, le droit d'agir passe à ses héritiers, qui sont tenus d'intenter l'action dans les trois mois de son décès, ou, si l'enfant est posthume, dans les trois mois de la nais

sance de ce dernier (Svod, art. 129, Aj. C. proc. civ., art. 1350 et s.)1.

La preuve de la légitimité sera ordinairement fournie au moyen de certificats émanés des autorités ecclésiastiques, d'après les registres dont ils sont les détenteurs ; à leur défaut, les juges peuvent fonder leur conviction sur d'autres documents, tels que les tableaux généalogiques, les registres de recensement, etc., corroborés au besoin par le témoignage de deux personnes de bonne vie et mœurs, parmi lesquelles, s'il est possible, l'un des prêtres qui ont assisté au baptême de l'enfant, ou son parrain'.

A la différence du Svod, qui s'en remet sur ce point à l'appréciation souveraine de l'Empereur, la loi baltique, ainsi d'ailleurs que la loi polonaise, déclare légitime l'enfant né d'un mariage putatif, dans lequel l'un des époux au moins a été de bonne foi. Cette même loi baltique accorde le bienfait de la légitimité à l'enfant d'une jeune fille dont la séduction a été déterminée par une promesse de mariage, et consacre des dispositions nombreuses à celui dont la naissance se place après la dissolution du mariage. La femme qui a déclaré une grossesse ou qui en est soupçonnée peut, le cas échéant, être soumise à un examen et à une surveillance spéciale, de manière à rendre toute supercherie impossible 3.

Conflits. La légitimité d'un enfant est contestée, soit en France, soit à l'étranger. D'après quelles règles cette contestation sera-t-elle admise à se produire, et par quels moyens les intéressés pourront-ils y résister?

Si le litige s'élève dans le pays même auquel l'enfant et sa famille légale ressortissent par leur nationalité, nul doute que la loi de ce pays, qui est à la fois la loi personnelle des parties et la loi du tribunal saisi (lex fori), ne soit

1 Ernest Lehr, Eléments de droit civil russe, p. 73 et s.

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Glasson, loc. cit., p. 460.

Glasson, eod. loc.

applicable. Mais, si c'est sur un territoire étranger que l'état de l'enfant se trouve mis en discussion, et en admettant que les juridictions locales se déclarent compétentes pour y statuer, on peut hésiter entre la législation qui régit ce territoire et la législation personnelle des plaideurs.

Il n'y a, dira-t-on en faveur de la lex fori, qu'une question de preuve en suspens. Or, l'administration des preuves est une dépendance de la procédure; elle se rattache par elle au droit public; elle intéresse l'ordre public international. Comment un juge pourrait-il accueillir une preuve, que repousse la loi au nom de laquelle il rend la justice? Cette loi limite sa compétence et ses pouvoirs; seule, elle a qualité pour déterminer les modes de preuve admissibles en matière de filiation'.

L'argument qui nous est opposé se ramène à une confusion; il ne distingue pas deux choses cependant très différentes : le moyen même de la preuve, et la forme dans laquelle ce moyen sera invoqué.

La forme de la preuve est, nous le verrons plus loin, du domaine exclusif de la lex fori; c'est un élément ordinatoire du procès 2. Quant au moyen de preuve pris en luimême, son admissibilité ou son rejet ne saurait dépendre du lieu plus ou moins fortuit et imprévu où ce procès s'engage. L'exercice d'un droit n'est assuré d'une manière complète, ce droit n'a sa valeur, que si l'on en peut prouver l'existence en cas de désaccord. L'emploi des preuves est inséparable du droit même qu'elles servent à établir3. Or, le point de savoir si l'enfant est ou n'est pas légitime concerne bien évidemment l'état des personnes la législation qui régit cet état doit aussi gouverner l'admissibilité des preuves qui seront invoquées à l'appui des prétentions rivales.

1 Burge, Commentaries on colonial and foreign laws generally and in their conflict with each other and with the law of England, t. I, p. 88; Cf. Ch. Brocher, Cours de dr. int. pr., t. I, p. 309.

2 V. ci-dessous, tome cinquième.

3 Asser et Rivier, Éléments de droit international privé, p. 167; Duguit, Journal du dr. int. pr., 1885, p. 358 et 362.

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