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dénomination de lettre de change, exigée par la législation scandinave'. Enfin, même avant la loi du 7 juin 1894, l'effet de commerce, émis dans un pays où la remise de place en place n'était pas requise, valait comme lettre de change en France, bien que ne remplissant pas cette condition, alors de rigueur dans notre législation.

La lettre vient-elle à être présentée à l'acceptation aux États-Unis, cette acceptation pourra être faite soit dans les formes de la Common-law, c'est-à-dire par acte séparé ou même verbalement, soit, si les parties ne relèvent pas d'États différents, dans les formes qu'autorise leur loi personnelle3.

Les mêmes règles s'appliquent aux formes prescrites pour la régularité de l'aval. C'est la loi du lieu où l'aval est donné, ou, au choix des parties, la loi nationale qui leur est commune, qui dira s'il peut ou non être fourni par acte séparé.

D'autre part, si nous supposons que la lettre de change fait l'objet de plusieurs endossements successifs en divers pays, c'est d'après la loi de chacun de ces pays qu'il faudra juger des formes nécessaires à leur validité. Nos tribunaux ont à maintes reprises déclaré réguliers des endossements en blanc passés en Angleterre ou en Hollande, des endosse

1 Trib. comm. Danemark, 9 octobre 1884 (Journal du dr. int. pr., 1887, p.751); 3 octobre 1889 (ibid., 1892, p. 1056) Trib. rég. sup. Colmar, 27 juin 1890, (ibid., 1892, p. 733).

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Douai, 1er décembre 1834 (D. P. 1835. 2. 59). 15 juin 1836 (Rec. arr. Douai, t. II, p. 61); Paris, 7 mai 1856 (Sir. 1858. 2. 41, D. P. 1848, 2. 221). Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. IV, no 634 p. 430; Surville et Arthuys, op. cit., 3o éd., no 483, p. 563. Cour suprême des États-Unis (Journal du dr. int. pr., 1876, p. 206); 8 janv. 1883 (ibid., 1883, p. 412). Lyon-Caen et Renault, op. cit. t. IV, no 635, p. 430; Chrétien, op. cit., no 35; Champcommunal, op. cit., p. 145.

5 Cass., 25 septembre 1829 (Sir. 1830. 1. 151, D. P. 1829. 1. 364); Paris, 29 mars 1836 (Sir. 1836. 1. 457, D. P. 1836. 2. 70); Aix, 29 avril 1844 (Sir. 1845. 2. 214); Paris, 12 avril 1850 (Sir. 1850. 2. 333, D. P. 1850. 2. 148); 20 novembre 1854 (D. P. 1857. 2. 106); Rouen, 1er décembre 1854 (Sir. 1856. 2. 692, D. P. 1855. 2. 121); Cass., 18 août 1856 (Sir. 1857. 1. 586, D. P. 1857. 1. 39); Bordeaux, 7 juin 1880 (Journal du dr. int. pr.,

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ments non datés, opérés en Belgique 1. Si l'endosseur et le cessionnaire sont de même nationalité, il suffira que les formes exigées par leur législation commune aient été observées 2. Et ce que nous disons de l'endossement n'est pas moins vrai des autres modes de transmission, dont la lettre de change est susceptible 3.

Nous aurons terminé l'étude sommaire des conflits internationaux que soulèvent les formes extérieures de la lettre de change, lorsque nous aurons dit quelques mots des impôts qui peuvent l'atteindre.

La loi du 5 juin 1850 frappe d'un droit de timbre les lettres de change et billets à ordre qui sont, soit émis à l'étranger et payables en France (art. 3), soit émis en France et payables à l'étranger (art. 9). Le tarif de ce droit, qui doit être acquitté, pour les uns, lors de l'arrivée du titre en France, pour les autres, lors de sa création, est fixé par l'article 1" de cette loi, à 5 centimes pour 100 francs, et il est gradué de 100 francs en 100 francs, aux termes de la loi du 29 juillet 1881 portant fixation du budget de 1882 (art. 5, § 2).

La loi de 1850 n'atteignait que les effets créés en France

1881, p. 155); Trib. comm. Le Havre, 19 mars 1881 (Journal du dr. int. pr., 1882, p. 80); Paris, 8 décembre 1883 (ibid., 1884, p. 285); Trib. comm. Seine, 26 mai 1882, et Paris 22 mars 1884 (ibid., 1884, p. 183); Cass., 20 mai 1885 (Sir. 1888. 1. 202. D. P. 1886. 1. 32; Journal du dr. int. pr., 1885, p. 435); Trib. comm. Seine, 14 octobre 1886 (Journal des trib. comm., 1888, p. 95); Trib. Le Havre, 27 mars 1886 (Gaz. du Palais, 1887. 1, Suppl. 9); Orléans, 17 décembre 1887 (La Loi du 23 mars 1888); Paris, 12 janvier 1889 (Pond. fr. pér. 1890. 5. 42; Journal du dr. int. pr., 1889, p. 291). — Trib. civ. Anvers, 7 février 1874 (Jurisprudence d'Anvers, 1874. 1. 154 et Journal du dr. int. pr., 1875, p. 215); Trib. comm. Liége, 26 juillet 1893 (Journal du dr. int. pr., 1894, p. 586). Cass., Turin, 7 mars 1883 (Journal du dr. int. pr., 1885, p. 457) ; — Trib. Tunis, 12 avril 1888 (Journal du dr. int. pr., 1891, p. 534); — Trib. Luxembourg, 6 mai 1882 (Le Droit du 9 novembre 1883);- Bâle, 23 janvier 1890 (Revue prot. du dr. int. pr., 1890-1891, 1, p. 166).

1 Paris, 14 décembre 1888 (Gazette du Palais du 25 janvier 1889).

2 V. cep. Asser et Rivier, op. cit., p. 208.

3 Arrêt de la cour de justice d'Angleterre, Div. de Chancellerie, rapporté sans date dans le Journal du dr. int. pr., 1892, p. 250.

ou payables en France. Y échappaient donc tous ceux qui, émis à l'étranger et payables à l'étranger, faisaient sur notre territoire l'objet d'une négociation, d'une acceptation ou d'un endossement. C'était ouvrir la porte à la fraude; car il était facile aux maisons de commerce françaises de dater de Genève ou de Bruxelles les lettres tirées par elles sur des places étrangères. La loi du 23 août 1871 a fait disparaître cet inconvénient, en soumettant au timbre «<les effets tirés de l'étranger sur l'étranger, négociés, endossés, acceptés ou acquittés en France, » et la loi du 20 décembre 1872 en a fixé le taux d'une manière définitive à 50 centimes par 2.000 francs ou fraction de 2.000 francs1.

Quelques lois étrangères, la loi anglaise par exemple, soumettent à un droit de timbre, exigé à peine de nullité, toute émission de lettre sur le territoire qu'elles régissent. Cette condition est, à notre sens, une condition de forme. Aussi les tribunaux français ne devront-ils pas hésiter à prononcer la nullité de la lettre de change qui y aurait contrevenu, lorsque c'est par la lex loci que les formalités extérieures de cette lettre ont été déterminées; il en est toujours ainsi, nous venons de le voir, si le tireur et le preneur ressortissent à des nationalités différentes 2.

'Toute contravention à ces dispositions est punie, conformément à la loi de 1850 (art. 3 et 9), par une amende et par certaines déchéances ; mais il va de soi que ces différentes sanctions ne peuvent frapper que ceux qui ont une faute à se reprocher. Si donc une lettre émise à l'étranger est payable en France, il est certain que le tireur, qui n'a pu la faire timbrer sur le territoire étranger, échappe à toute amende, et que celle-ci n'atteindra que les personnes qui, en France, l'auront acceptée ou négociée, sans avoir pris la précaution de la présenter au timbre. Demangeat, sur Bravard, t. III, p. 108 et 109; Surville et Arthuys, op. cit., 3° édit., no 504, p. 581. Bien que le législateur de 1871 n'ait pas formellement étendu les sanctions édictées par la loi de 1850 aux lettres de change tirées de l'étranger sur l'étranger, qu'il a assujetties à l'impôt du timbre, il ne paraît pas douteux que son intention n'ait été de les y soumettre. Champcommunal, op. cit., p. 291; Surville et Arthuys, op. et loc. cit.

* Demangeat, sur Bravard, t. III, p. 107 et 108; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. IV, no 699, p. 433; Chrétien, op. cit., p. 93; de Bar, op. cit., t. II, p. 161; Despagnet, op. cit., 3o édit., no 349, p. 661; Sur

C. EFFETS DE LA LETTRE DE CHANGE.

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Législation comparée. Si dans une lettre de change, nous ne trouvons en définitive qu'un créancier, le preneur ou son cessionnaire par endossement, nous trouvons en revanche plusieurs obligés. Ce sont, aux termes de la loi française, le tiré accepteur, chacun des endosseurs, et le tireur lui-même. En effet, si à l'échéance, qui ne comporte aucun << délai de grâce, de faveur, d'usage ou d'habitude locale» (C. comm., art. 135), la lettre présentée au tiré est protestée faute de paiement, le porteur est en droit de recourir dans un certain délai, soit individuellement contre le tireur et contre chacun des endosseurs, soit collectivement contre le tireur et les endosseurs, qui sont ainsi garants solidaires de son remboursement. Si l'un des endosseurs, poursuivi par le porteur non payé, a été obligé de le désintéresser, un recours lui est ouvert, et contre le tireur, et contre chacun des endosseurs qui le précèdent. Pour conserver son droit de recours, le porteur doit faire dresser le lendemain du jour de l'échéance un protêt, c'est-à-dire un acte par lequel un officier public constate le refus de payer opposé par le tiré (C. comm.,

ville et Arthuys, op. cit., 3° édit., no 504, p. 581. - Autre paraît cependant être le système de la loi anglaise, qui dispose, dans son art. 72 §1a, qu'un effet ne peut pas être annulé en Grande-Bretagne à raison de l'inobservation des lois fiscales du pays d'émission. M. Champcommunal, op. cit., p. 292, repousse également l'application de la règle Locus regit actum en cette matière : « Nous pensons, dit-il, que les dispositions dont s'agit, ayant pour but exclusif d'assurer l'exacte application des lois fiscales, sont essentiellement territoriales. On objecte il est vrai, que pour la perception des impôts comme pour la contrebande, les Etats doivent plutôt s'entraider que se nuire. Ce rapprochement n'est pas décisif. La contrebande est immorale et contraire à l'intérêt bien entendu des Etats entre lesquels elle s'exerce. Les contraventions fiscales au contraire peuvent être commises de bonne foi, et, dans tous les cas, elles ne se manifestent pas avec une évidence telle que les tiers soient prémunis contre toutes les conséquences qu'elles engendrent. Des innocents se trouveraient exposés à subir une perte imprévue. Ce serait une cause d'insécurité pour les relations internationales. » V. aussi Ch. Brocher, Revue de droit international, 1874, p. 199.

art. 162). Les diverses actions judiciaires résultant de la lettre de change s'éteignent, soit par une déchéance résultant de l'inobservation de certaines formalités (C. comm., art. 168-170), soit par une prescription quinquennale.

Presque toutes les lois étrangères sur le change exigent que la lettre soit payée le jour même de son échéance, et refusent au débiteur tout délai pour se libérer; c'est de règle en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Hongrie, en Italie, en Suisse; en Angleterre, l'accepteur a trois jours de grâce (days of grace) pour payer; et le même bénéfice lui est accordé par le droit commun de l'Amérique du Nord, si ce n'est pour les lettres payables à première requisition (on demand)1.

En général, le défaut de paiement, comme le défaut d'acceptation, doit être constaté par un protêt ou par un acte équivalent (Loi allemande, art. 41; loi belge, art. 53). La loi anglaise cependant affranchit de la formalité du protèt les lettres de change inland (intérieures) et n'y soumet que les lettres de change foreign (étrangères) (art. 51 2); encore faut-il pour cela qu'il n'y ait pas déjà eu protêt faute d'acceptation. Enfin le Code de commerce italien (art. 307) et le Code de commerce roumain (art. 331) se contentent d'une simple déclaration émanée du tiré. Quant au délai dans lequel le protêt doit être fait, il n'est pas partout le même. Les Codes espagnol (art. 504), néerlandais (art. 179) et roumain (art. 319, al. 2) décident, comme la loi française, que le protèt ne peut être régulièrement dressé que le lendemain de l'échéance. D'après les lois allemande (art. 41), belge (art. 53) et scandinave (art. 41), il peut être fait le jour de l'échéance et doit l'être, au plus tard, le deuxième

1 Cf. sur les exceptions que cette règle a reçues dans divers États de l'Union, Daniel, A Treatise on negotiable instruments, p. 613 et s.

2 Les lettres de change foreign sont celles qui sont tirées par un marchand à l'étranger sur son correspondant en Angleterre, ou vice versa. On les qualifie d'inland, lorsque le tireur et l'accepteur résident tous deux en Angleterre, ou que les lettres y sont à la fois tirées et payables (L. 1882, art. 4).

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